[->http://www.haaretz.com/hasen/spages/700819.html]

Ha’aretz, 31 mars 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Dans le dernier numéro de la revue du mouvement kibboutzique Artzi [[le mouvement Artzi regroupe les kibboutz fondés par le mouvement de jeunesse de gauche Hachomer Hatzaïr.]], « Daf Yarok » (« La Feuille Verte »), Amos Oz prédit aux kibboutz un avenir radieux. Selon lui, plusieurs chapitres de l’Histoire leur restent à écrire. Je fais partie ceux qui partagent cette vision optimiste et qui souhaitent beaucoup de bien au kibboutz.

Un avenir radieux, peut-être, mais pas forcément un présent très brillant. Le grand mouvement kibboutzique dans son ensemble n’a pas été capable de sauver un petit kibboutz de rien du tout, Shomriya, au pied des montagnes de Hebron, à l’intérieur de la ligne Verte. Il y a 15 jours, les 13 dernières familles ont quitté leur kibboutz et remis les clés aux évacués d’Atzmona, dans le Goush Katif (bande de Gaza). Avec leurs indemnités, les évacués de Shomriya, eux, se sont installés dans des kibboutz voisins. En apparence, ils ont été évacués volontairement : personne ne les a chassés. En fait, ils n’avaient pas le choix. ??Shomriya est le dernier kibboutz fondé par le mouvement Artzi. Pendant plus de vingt ans, il s’est accroché à sa terre et fait des efforts désespérés pour survivre. Ainsi, le mouvement Artzi a perdu l’enfant de ses vieux jours. Donnera-t-il naissance à un nouvel enfant? Espérons-le.
La faillite de Shomriya est encore à la recherche de son sens. Et pourtant, ce sens est clair : à partir du moment où il a été créé à l’intérieur de la ligne Verte et non au-delà, il était condamné. C’est vrai, Shomriya était un village de défense. Mais il n’était pas une colonie, et il a donc été négligé puis abandonné.

Lors de la cérémonie officielle, quand les membres du kibboutz ont remis les clés aux colons, le secrétaire du kibboutz, Ygal Aflalo, a dit : « Aujourd’hui, c’est la fin d’une époque de notre vie, et dans quelques semaines, nous serons partis. Nous sommes ruinés. Cet endroit ne nous appartient plus, et c’est une situation que nous avons du mal à accepter. »??Gad Sadeh, l’un des fondateurs du kibboutz : « Nous avons attendu 15 ans qu’on construise une route d’accès et un réfectoire. Tout cela est arrivé trop tard. Nous avons compris qu’on ne voulait pas qu’on vive, mais seulement nous maintenir sous respiration artificielle. »??Yoram Mamon, autre fondateur : « Si l’Etat avait investi ne serait-ce que le dixième de ce qu’il investit aujourd’hui pour les évacués d’Atzmona, nous serions aujourd’hui un kibboutz dynamique, et nous n’aurions pas à déménager et à être locataires dans un autre kibboutz. »??Dommage que le Contrôleur de l’Etat n’ait pas entendu parler des affres des évacués de Shomriya avant d’écrire son rapport sur les souffrances des évacués du Goush Katif : comment les kibboutzniks n’avaient pas l’armée pour les protéger, et comment ils montaient donc eux-mêmes la garde, la nuit, et allaient travailler le matin en dehors du kibboutz ; comment personne ne leur a bâti une crèche ou une école ; et comment ils se sont battus pour obtenir l’autorisation de construire un nouveau quartier, qui ne voit le jour que maintenant, comme si une baguette magique ne l’avait créé que pour ceux qui héritent de leur kibboutz ; comment chaque requête pour un agrandissement, une route, un égout, une absorption de nouveaux immigrants, se débattait dans les mailles de la bureaucratie. ??Si le Contrôleur de l’Etat avait connu l’histoire des habitants de Shomriya, et pas seulement la leur, il aurait dû admettre que les colons d’Atzmona ont bénéficié d’un traitement privilégié qui leur a permis d’améliorer leur sort. ??L’histoire de Shomriya c’est celle de nombreux villages, partout dans le pays, en particulier dans le Néguev et en Galilée, qui, tous, vivent l’enfer, et auxquels personne ne prête attention. ??Depuis 38 ans, c’est comme si tout ce qui s’est passé ici, à l’intérieur de la ligne Verte, s’était passé dans des montagnes sauvages. Il n’y en avait que pour les Territoires, le reste était ailleurs. « Si l’Etat avait investi ne serait-ce que le dixième de ce qu’il investit aujourd’hui », dit l’un des fondateurs. Lui non plus (personne, d’ailleurs) n’a pas la moindre idée des sommes investies pour créer et conserver le Goush Katif, ni de celles qui ont été dépensées pour son évacuation. Et à qui va l’argent quand il n’en reste plus? A tout le reste. A Shomriya, par exemple. ??Pendant près de 40 ans, nous avons gaspillé l’argent public dans des colonies qui ont déjà été évacuées. Pendant la prochaine législature, comme promis, Israël va continuer à évacuer des colonies et à gaspiller de l’argent. Au début, nos ressources s’épuisaient pour nous permettre de nous installer sur des terres volées. Maintenant, il n’y aura pas plus de ressources non plus, puisqu’elles vont servir à les évacuer. Israël (et Shomriya) auront donc payé deux fois l’addition : une fois pour s’introduire par effraction dans les territoires, et une deuxième pour en sortir.

Nous avons publié de nombreux articles sur la question du lien entre économie et colonisation.

 « Le poisson pourrit d’abord par la tête », enquête d’Akiva Eldar

 La célèbre enquête d’Ha’aretz sur le coût de la colonisation

De nombreux articles et communiqués traitent des budgets qui ont favorisé les colonies au détriment des localités « de l’intérieur » d’Israël : entre autres,

 [->http://www.lapaixmaintenant.org/article630] (« Subventions aux colons deux fois supérieures à ce que touchent les autres Israéliens »),

 [->http://www.lapaixmaintenant.org/article245] (« des cadeaux pour les colonies »),

 [->http://www.lapaixmaintenant.org/article929] (« occupation ou prospérité, il faut choisir »),

 [->http://www.lapaixmaintenant.org/article128] (« Traitement préférentiel pour les colonies dans les années 90 »),