« Souhaitons que la décision de Netanyahu de se rendre en personne à l’Assemblée générale des Nations unies (…) soit le signe de sa volonté d’ouvrir des négociations intensives. Une vision optimiste pourrait nous conduire à espérer que leur objet soit de soumettre à l’Assemblée générale une requête conjointe israélo-palestinienne de reconnaissance de l’État palestinien », écrivait Frances Raday ce jeudi, à la veille du dépôt par Mahmoud Abbas de la requête palestinienne.

Si nulle requête conjointe n’a été jusqu’ici présentée, Benyamin Netanyahu a en effet proposé une reprise des négociations, dont nous voulons croire qu’elle est sincère, sérieuse et débouchera rapidement sur la fondation d’un État palestinien au côté de l’État d’Israël.


Le gouvernement israélien nous a entraînés au fond de l’absurde, usant de toute sa force de persuasion diplomatique pour prévenir la reconnaissance d’un État palestinien, alors qu’il en va de l’intérêt stratégique d’Israël que la Palestine soit reconnue en tant qu’État.

C’est une “marche folle” [1] qui nous a conduits là : la politique d’implantations de ce gouvernement et de ceux qui l’ont précédé, ainsi que l’incapacité de Benyamin Netanyahu à entreprendre des négociations sincères avec la direction palestinienne modérée de Ma’hmoud Abbas et Salam Fayyad, à faire des concessions (comme il était prévisible) ou à geler la construction dans les zones occupées.

La reconnaissance d’un État palestinien est aussi importante pour Israël que pour les Palestiniens. Pour qu’Israël continue à fonctionner en État juif et démocratique, il lui faut promouvoir un droit symétrique à l’autodétermination pour les Palestiniens.

Tous nos Premiers ministres l’ont admis depuis la Déclaration de principes d’Oslo. Continuer à dominer la population arabe de Cisjordanie se soldera par son incorporation de facto au sein du corps politique israélien, érodant l’indispensable masse critique d’une majorité juive.

En termes de relations internationales, la reconnaissance par les Nations unies d’un État palestinien viendrait compléter, clarifier et confirmer le droit du peuple juif à son autodétermination en Israël et ferait beaucoup pour mettre fin aux accusations croissantes d’illégitimité, non seulement de la part de nations musulmanes hostiles, mais encore d’acteurs neutres et parfois amicaux.

Bien que la souveraineté d’Israël soit fondée sur son admission au statut de membre des Nations unies en 1949, son caractère d’État permettant l’accession du peuple juif à l’autodétermination ne s’est affirmé qu’avec le plan de partition de l’Assemblée générale, dont le projet était de créer un État juif au côté d’un État arabe.

Sur cet arrière-plan historique, et compte tenu des évolutions mondiale et régionale et de la succession d’accords et résolutions qui suivirent, la position de la communauté internationale est claire : une sortie de conflit n’est envisageable que par la création de deux États et une division du territoire.

Un avantage stratégique supplémentaire pour Israël serait que la Palestine, une fois reconnue en tant qu’Etat, ne verrait plus sa juridiction s’étendre qu’à ceux qui y résideraient. Ce qui, jusqu’à présent, est un principe contesté : l’Autorité palestinienne est considérée comme le seul représentant du peuple palestinien et l’actuel processus de reconnaissance par l’Assemblée générale des Nations unies, dit-on, ne reflète pas complètement son rôle dans la résolution des conflits.

Par delà la charte du ‘Hamas

La reconnaissance par l’Assemblée générale éviterait d’avoir à trouver une solution pour la diaspora palestinienne de par le monde. Là encore la symétrie pourrait faciliter, concernant les solutions à apporter aux Palestiniens à l’étranger, une négociation rationnelle fondée sur l’immigration ou les dédommagements. Cela imposerait aussi de refaçonner l’Unwra [2], qui répertorie aujourd’hui les Palestiniens et leur descendance, toutes générations confondues, comme des “réfugiés“ – quand bien même rien d’autre ne leur donne titre à ce statut ; et permettrait de limiter les allocations de l’Unwra aux authentiques réfugiés, donnant l’assimilation pour impératif aux générations à venir.

C’est à juste titre qu’Israël s’attache à empêcher la reconnaissance du ‘Hamas par les Nations unies, mais l’on peut douter qu’une opposition pure et simple à la reconnaissance d’un Etat palestinien soit le meilleur moyen d’y parvenir.

L’acquisition du statut de membre des Nations unies implique la signature d’un formulaire dont l’une des clauses est l’adhésion à la charte des Nations unies ; la charte du ‘Hamas, qui appelle à l’éradication d’Israël et au meurtre de Juifs, ne saurait répondre à cette exigence.

Ainsi l’entité palestinienne signataire devrait-elle passer outre la charte du ‘Hamas et entreprendre de faire du projet de constitution palestinienne élaboré par Abbas et Fayyad le texte fondateur de la souveraineté palestinienne.

S’en remettre à la constitution palestinienne semble conforme à l’esprit de l’accord de réconciliation entre le Fata’h et le ‘Hamas [3]. Sur ce point, Israël jouit du soutien international, comme cela a été récemment mis en évidence par la commission Palmer : instituée par le Secrétaire général pour faire un rapport sur la flotille de Gaza, elle a établi qu’Israël faisait face là à de réelles menaces pour sa sécurité.

Souhaitons que la décision de Netanyahu de se rendre en personne à l’Assemblée générale, plutôt que d’envoyer le président y faire une déclaration purement diplomatique, soit le signe de sa volonté d’ouvrir des négociations intensives. Une vision optimiste pourrait nous conduire à espérer que leur objet soit de soumettre à l’Assemblée générale une requête conjointe israélo-palestinienne de reconnaissance de l’État palestinien.

Une telle initiative, tout en répondant aux intérêts stratégiques d’Israël, influencerait ceux des membres de la communauté internationale qui se préoccupent sincèrement du statut de la Palestine et condamnent avec vigueur la poursuite de l’occupation, mais défendent l’existence d’Israël et entendent la garantir.


NOTES

1] Allusion à l’ouvrage de Barbara W. Tuchman (The March of Folly : From Troy to Vietnam, Ballantine Books, 1e éd. 1985 – La Marche folle de l’histoire : De Troie au Vietnam, R. Laffont, 1992) parfois repris dans certains articles, comme celui d’Uri Misgav dans Yedioth A’haronoth le 27 septembre 2010, « La Marche folle d’Israël : les implantations », que nous avions traduit dans cette même lettre. Voir : [

[2] UNWRA, United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens au Proche-Orient.

[3] Fin avril 2011, le Fata’h et le ‘Hamas entamèrent un processus de réconciliation sur la base d’un « Memorandum of Understanding – Mémorandum de rapprochement », qui aboutit le 4 août au Caire à la signature d’un accord sous l’égide de l’Égypte.