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Ha’aretz, 17 janvier 2007

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Le premier ministre Ehoud Olmert aurait pu dire qu’il n’était pas au courant du canal secret qui a permis les conversations avec la Syrie, auxquelles Aron Liel et d’autres Israéliens ont participé. Peut-être, après tous, les fonctionnaires avaient-ils oublié de l’informer de ces rencontres avec le médiateur européen [[Yossi Beilin, lors d’une interview, a révélé le nom de ce médiateur. Il s’agit de Nicholas Lang, directeur du département Moyen-Orient au ministère suisse des affaires étrangères.]]. Cela arrive.

Il se pourrait aussi que les fonctionnaires du ministère des affaires étrangères aient pensé qu’il n’était pas nécessaire d’informer le cabinet du premier ministre des derniers développements de ces conversations. Ils savent que, de toute façon, Olmert ne peut pas parler aux Syriens à cause du veto imposé par le président Bush, ou qu’il ne souhaite pas se rapprocher du président syrien Assad à cause du veto du ministre des affaires stratégiques, Avigdor Lieberman.

Mais le premier ministre ne s’est pas contenté de dire : « Je n’étais pas au courant. »

Hier matin, Olmert savait déjà que tout cela n’avait aucun sens. Liel s’était parlé à lui-même, le représentant syrien avait rêvé et le médiateur européen n’avait jamais existé. Il semble qu’Olmert ait voulu assassiner cette initiative de paix, et vite. Il fallait le faire avant que ses partenaires travaillistes se réveillent du coma dans lequel les a plongés leurs primaires. Et s’il se révélait qu’il y avait malgré tout quelque chose là-dedans, peut-être que Tzipi Livni aurait fait un peu de bruit et aurait parlé de négociations. D’ailleurs, Meir Shitrit (ministre Kadima) a déjà dit qu’Israël devait parler avec la Syrie, et qu’il appréciait assez le document publié hier par Ha’aretz.

Les visites du médiateur européen sont consignées, aussi bien au cabinet du premier ministre qu’au ministère des affaires étrangères. La seule chose qu’il reste à faire, c’est de décider de ce qui est le plus grave : que des fonctionnaires n’informent pas leurs supérieurs, ou que tout le monde se moque de l’opinion.

Dans le meilleur des cas, il y a eu dysfonctionnement de la communication entre professionnels. Dans le pire des cas, les politiques ont tourné le dos à un document important, et renoncé à une chance d’entamer des négociations officielles avec la Syrie sur la base d’accords officieux clés, qui n’auraient pas pu être obtenus sans l’aval de Damas au plus haut niveau.

Quand Jérusalem, au niveau officiel, fait de ces rencontres une plaisanterie, la Syrie ne pourra pas traîner derrière [[C’est fait! Damas a démenti de son côté tout contact, et déclaré que les informations publiées étaient totalement fausses.]]. Y a-t-il quelqu’un qui s’attend, quand Olmert affirme qu’il n’est pas concerné par ce document, à ce qu’Assad l’adopte et annonce qu’il a renoncé à son désir de tremper ses pieds dans le lac de Tibériade?

Il est habituel de penser que les dirigeants politiques israéliens tournent le dos à la Syrie pour ne pas fâcher les Américains, depuis que Bush a placé Assad dans l’Axe du Mal. Alors, comment espérer d’Olmert qu’il l’en sorte?

Mais le rôle clé joué par des citoyens américains Geoffrey Aronson et Ibrahim Suleiman dans les huit rencontres suscitent des doutes : Bush est-il la raison ou le prétexte du refus israélien de négocier? Le renseignement américain était au courant des visites des deux Américains, et si les décideurs de Washington avaient voulu les faire échouer, ils auraient su comment faire.

La seule manière de vérifier s’il ne s’agit que de « bavardage » ou bien d’une occasion manquée de faire la paix, c’est de mettre le document à l’épreuve. Sortons-le du placard et mettons-le sur la table des négociations.