(article en anglais sur le site d’Ha’aretz)


L’opinion israelienne juive tend a montrer un optimisme prudent dans son
evaluation des chances de mettre fin au conflit israelo-palestinien, a la
lumiere de la victoire americaine en Irak et des changements de direction au
sein de l’Autorite palestienne. Cette tendance est renforcee par une large
majorite en faveur de la feuille de route, malgre la division de l’opinion
au sujet de la conception de l’administration Bush des interets israeliens,
la question etant de savoir si elle est similaire ou differente de celle des
gouvernements israeliens.

Dans un cas comme dans l’autre, l’opinion qui prevaut est que
l’administration americaine exercera de lourdes pressions sur les parties,
afin de les forcer a accepter le plan. Cette attente de pressions
americaines est liee au fait qu’une majorite de l’opinion estime que les
probabilites que le gouvernement Sharon adopte le plan sont faibles.

Une plus large majorite encore le pense vis-a-vis de l’Autorite
palestinienne, opinion qui se fonde sur l’idee largement partagee qu’Arafat
demeurera sur la scene politique malgre les pressions internationales et
l’intronisation du nouveau gouvernement d’Abou Mazen.

De plus, meme si un accord de paix intervient et qu’un Etat palestinien est
cree, on s’attend majoritairement a des relations hostiles accompagnees d’un
« faible niveau de violences » entre les deux Etats, alors qu’une minorite
croit en une paix froide mais sans violences.

Cela resume les resultats les plus importants de l’etude d’opinion « Peace
index » [[Le projet Peace Index est mene au sein du Tami Steinmetz Center for Peace Research de l’universite de Tel-Aviv, dirige par le professeur Ephraim Yaar et le docteur Tamar Hermann. Les entretiens telephoniques ont ete realises
par le B. I. Cohen Institute de l’universite de Tel-Aviv, les 29 et 30 avril, aupres d’un echantillon de 580 personnes, representatif de la population israelienne juive et arabe (y compris kibboutzim et territoires). L’erreur standard pour un echantillon de cette taille est d’environ + ou ­4,5%.]] d’avril 2003, menee les 29 et 30 avril 2003.

A la question « de facon generale, quand vous considerez la situation de la
region dans le contexte de la victoire americaine en Irak et des changements
de direction dans l’Autorite palestinienne, croyez-vous que les probabilites
d’en finir avec le conflit historique israelo-palestinien ont augmente ou
diminue? », 48% des personnes interrogees ont repondu que les probabilites
avaient augmente, 39% qu’elles n’avaient ni augmente ni diminue, et 9%
qu’elles avaient diminue. 5% etaient sans opinion.

Ainsi, parmi ceux qui pensent que la nouvelle realite dans la region aura
une influence sur le conflit israelo-palestinien, une majorite claire pense
que cette influence sera positive. En meme temps, il ne faut pas ignorer
l’importante minorite (39%) qui ne pense pas que la situation nouvelle aura
une influence, dans l’un ou l’autre sens. Si l’on fait l’hypothese que cela
manifeste une attitude pessimiste, et si l’on ajoute ceux pour qui les
probabilites de mettre fin au conflit ont diminue, il apparait que l’opinion
juive est divisee quant a son appreciation des consequences de la realite
nouvelle pour le conflit israelo-palestinien.

Soutien sans ambiguite a la feuille de route

Un clivage encore plus net apparait concernant l’attitude de l’opinion juive
envers le plan de paix entre Palestiniens et Israeliens connu sous le nom de
feuille de route. Apres que les points les plus importants du plan, ses
phases et ses stipulations, eurent ete presentes aux personnes interrogees,
il leur a ete demande dans quelle mesure elles le soutenaient ou lui etaient
opposees. Les resultats montrent que 65% soutiennent le plan (dont 20%
« beaucoup » et 45% « considerablement »), alors que seuls 31% lui sont opposes
(18% « beaucoup » et 13% « considerablement »). Le reste n’a pas repondu.

Comme on pouvait s’y attendre, il existe un lien direct entre la perception
des probabilites de paix en regard de la nouvelle situation de la region et
l’attitude envers la feuille de route. Parmi ceux qui sont en faveur de la
feuille de route, 57% pensent que les probabilites de mettre fin au conflit
ont augmente, 34% qu’elles n’ont pas change, et 6% qu’elles ont diminue.
Parmi les opposants au plan, 31% pensent que les probabilites ont augmente,
51% qu’elles n’ont pas change et 6% qu’elles ont diminue.

Une analyse des attitudes envers la feuille de route croisees avec le vote
pour les cinq partis les plus importants aux dernieres elections montre que
le taux de soutien est le plus fort chez les electeurs des deux partis de
gauche ­ Meretz (100%), et Parti travailliste (92%) – suivis de pres par les
electeurs du Shinoui (83%).

Cependant, meme parmi les electeurs du Likoud, une majorite nette de 58%
soutient le plan, contre 37%qui s’y opposent. De fait, les electeurs du Shas
sont les seuls, pour les cinq partis majeurs, chez lesquels la proportion
des opposants (61%) est significativement plus elevee que celle des
partisans (30%).

Comme on l’a note, le soutien a la feuille de route est plus eleve que la
croyance en les probabilites de mettre fin au conflit historique
israelo-palestinien. Comment expliquer cette disparite? On peut trouver une
explication au moins partielle dans les reponses a la question concernant
les probabilites que le gouvernement israelien et l’Autorite palestinienne
adopteront la feuille de route et agiront de bonne foi a l’appliquer.

Concernant Israel, seules 40% des personnes interrogees pensent que les
probabilites que le gouvernement Sharon agira en conformite avec le plan
sont elevees, alors que 54% pensent que ces probabilites sont faibles. Une
ventilation des reponses par partis montrent qu’a l’exception des electeurs
du Likoud, une majorite d’electeurs pour les grands partis estime que ces
probabilites sont faibles. Les electeurs du Likoud se divisent a parts
egales entre ces deux attitudes (47% chacune).

Une opinion encore plus pessimiste se degage concernant les probabilites que
l’Autorite palestinienne applique la feuille de route, malgre les recents
changements de direction : 71% des personnes juives interrogees pensent que
ces probabilites sont faibles, contre 22% qui pensent qu’elles sont elevees.

Ce resultat est lie a la perception des changements recents au sein de
l’Autorite palestinienne. Ainsi, a la question « quand vous considerez les
luttes qui ont eu lieu a l’interieur de l’Autorite palestinienne au sujet du
nouveau gouvernement dirige par Abou Mazen, quelles sont les probabilites, a
votre avis, qu’Arafat renonce et se mette a l’ecart, vu les pressions
internationales? », 79% des personnes juives interrogees ont repondu que ces
probabilites etaient tres faibles (48%) ou assez faibles (31%), contre 17%
qui estiment qu’elles sont tres elevees 3%) ou assez elevees (14%).

Clivage sur les pressions americaines

Au vu du scepticisme qui prevaut quant a la volonte tant du gouvernement
Sharon que de l’Autorite palestinienne d’appliquer la feuille de route, on a
pose aux interviewes la question suivante : « la campagne contre l’Irak
montre que l’administration Bush agit de maniere determinee pour provoquer
les changements qu’elle souhaite sur la scene internationale. Quelles sont
les probabilites, a votre avis, que si l’Autorite palestinienne et/ou le
gouvernement israelien n’acceptent pas la feuille de route, l’administration
americaine exerce de lourdes pressiosn sur les deux parties pour les forcer
a accepter le plan? »

L’analyse des reponses indique que la politique americaine dans la region a
fait forte impression sur l’opinion juive israelienne. Ainsi, 72% pensent
que les probabilites de telles pressions sont tres ou assez elevees, contre
22% qui ne le pensent pas.

Etant donne d’une part le large soutien de l’opinion juive a la feuille de
route, et d’autre part le scepticisme vis-a-vis de la volonte des deux cotes
de l’appliquer, la question qui se pose est de savoir si l’opinion considere
que de lourdes pressions americaines sont souhaitables ou non. Les reponses
revelent un clivage sur le sujet: 50% s’opposent aux pressions americaines,
44% sont en leur faveur. Comme on pouvait l’imaginer, il y a un lien etroit
entre les reponses a cette question et la perception par l’opinion du degre
de concordance entre les conceptions des interets vitaux israeliens de
l’administration Bush et celles des gouvernements israeliens. De facon
generale, 44% pensent que les conceptions des deux gouvernements sont tres
ou assez similaires, alors 48% pensent qu’elles sont tres differentes ou
assez differentes.

Le croisement entre les reponses a cette question et celles a la question
precedente revele que parmi ceux qui trouvent une concordance entre les
conceptions des deux gouvernements des interets vitaux d’Israel, 55%
soutiennent des pressions americaines et 41% s’y opposent, alors que parmi
ceux qui considerent que ces conceptions divergent, 35% y sont favorables et
60% opposes.

Ces resultats indiquent un lien clair entre les attitudes sur ces deux
questions. En meme temps, il est important de remarquer que le soutien ou
l’opposition a des pressions americaines ne sont pas uniquement determines
par la perception des conceptions des deux gouvernements vis-a-vis des
interets vitaux d’Israel. Ainsi, meme parmi ceux qui considerent ces
conceptions comme convergentes, 41% sont opposes a des pressions
americaines.

Il semble donc que les positions sur cette question sont influencees par
d’autres considerations, comme une opposition de principe a toute
intervention exterieure, ou la croyance que de telles pressions seront
inefficaces, en particulier pour ce qui concerne le cote palestinien. On
peut trouver d’autres indications de considerations de ce genre en
effectuant un croisement entre les reponses a la question sur le
soutien/opposition a la feuille de route et celles a la question su
soutien/opposition aux pressions americaines. Par exemple, parmi ceux qui
soutiennent la feuille de route, une majorite (57%) se prononce en faveur de
pressions americaines, comme on pouvait s’y attendre, mais une forte
minorite (34%) y est opposee.

Par ailleurs, les attentes de l’opinion juive a l’egard des relations entre
Israel et l’Etat palestinien, si un traite est signe, ne sont pas des plus
optimistes. L’idee qui prevaut (40%) est qu’il y aura des relations hostiles
avec un faible niveau de violences, 34% pensent qu’il y aura des relations
de paix froide mais sans violences, 12% s’attendent a ce que les relations
hostiles perdurent, avec un niveau de violences eleve, et seuls 5% pensent
qu’un accord conduira a des relations pacifiques et cordiales. Ces
appreciations fournissent une explication supplementaire au fait qu’une
large partie de l’opinion n’est pas prete a ce que les interets d’Israel
soeint determines par des diktats de l’administration americaine.