Je suis de tout coeur avec les publicistes et pisseurs de copie embauches par Ariel Sharon. Impossible de recycler le slogan gagnant, « Avec Sharon vous aurez la paix et la securite ». Car il n’a apporte ni l’une, ni l’autre. En fait, quand il l’aurait vraiment pu, alors qu’il etait au faite du pouvoir, avec un gouvernement d’union nationale et des ministres aux ordres, avec Natanyahou en exil au Nouveau Monde des conferences, il n’a montre aucune imagination pour nous extirper du bain
de sang. Lui qu’on disait seul capable d’amener la paix et la securite n’a, pour reprendre un mot celebre, manque aucune occasion de manquer
une initiative politique visant a bannir le terrorisme.

Il semble avoir triomphe du prestidigitateur Benjamin Natanyahou aux
primaires du Likoud et mener ce parti a une ecrasante victoire
electorale et c’est maintenant que l’infortune le frappe : les cercles
dirigeants du parti se sont radicalises a droite, adoptant les positions
de Natanyahou. Fameux jusqu’ici dans l’art de pousser les autres dans
leurs retranchements et les empecher de temperer leurs opinions, il se
retrouve aujourdhui accule par Natanyahou. Noeud prometheen.

Qui eut cru que, la nuit meme de la victoire, Tzachi Hanegbi [ministre de l’Environnement et des Transports] grimperait a la tribune et lancerait cet avertissement a Sharon : « Des mots comme Etat palestinien ne seront plus jamais proferes ici ». Si les conseillers en communication voulaient rester honnetes avec eux-memes, le slogan adequat serait : « Votez Sharon et elisez Natanyahou. Deux pour le prix d’un ! »

L’aile droite du futur groupe parlementaire du Likoud poussera Sharon et
ses allies dans les cordes. Le premier test sera la prochaine rencontre
de Sharon avec le president americain. Sharon voit George W. Bush comme
sa seule carte internationale, et nul ne lui obeit comme lui au doigt et a l’oeil. Il cesse le feu et sonne la retraite au moindre signe de Washington, et adopte des plans ouvrant la route d’un Etat palestinien pour mieux aider Bush dans le conflit irakien. Mais Natanyahou attendra-t-il cinq ans la fin du mandat de Sharon, ou sautera-t-il sur la premiere occasion de le harceler ? Parions qu’au sein meme du Likoud la paix et la securite ne regneront guere.

Grisé par sa popularite malgre ses echecs dans la conduite des affaires de l’Etat, Sharon entend faire du Likoud un vaste parti de centre droit, majoritaire a la Knesset. Sa strategie : un cocktail de souplesse et de solutions vis-a-vis des Palestiniens. Cote souplesse, la seule lueur au bout du tunnel a ete celle des phares de bulldozers abattant des maisons ; cote solutions, nous en sommes au point ou le ministre de la Defense, Shaul Mofaz, et le chef detat-major Moshe Yaalon parlent de cette annee comme « decisive » pour l’avenir des Territoires. Si l’idee est de passer d’une « victoire aux points » a la conquete des Territoires pour precipiter l’effondrement de l’Autorite palestinienne et exiler ses dirigeants, c’est Natanyahou qui sera la force motrice du gouvernement Sharon.

[…]

«Le peuple d’Israel en a assez des grimaces ; il veut un chef qui lui parle vrai », soutient le porte-parole du Premier ministre. Et Sharon lui-meme affirme qu’il ne cedera pas aux surencheres de la periode electorale mais continuera, investi de la responsabilite nationale supreme, d’agir au mieux des interets d’Israel. Mais la verite selon Sharon reste tres vague. Il evoque un Etat palestinien dont la creation
est soumise a tant de reserves et de conditions qu’elle ne semble pas concrete. Il parle des douloureuses concessions qu’il est pret a faire, disant d’une part : « Resterons-nous a jamais a Djenine, Naplouse, Ramallah, Bethleem, Hebron et dans la bande de Gaza ? » ; mais il reste tres discret quant a sa determination en matiere de concessions douloureuses. Il cherche a gagner du temps tout en travaillant l’administration Bush et beaucoup sont d’opinion quil ne demembrera
aucune des colonies qu’il a contribue a fonder. Lesquelles sont aussi nombreuses que les etoiles dans le ciel. Jusqu’ou peut-on aller plus a droite que lui ?

Nous abordons la campagne electorale pour la 16eme Knesset avec un Etat en danger de mort. L’Intifada et les actes de terreur ont fait des ravages dans la societe israelienne, et la guerre avec l’Irak nous attend, ou un echec americain pourrait mettre en branle une vague de revanche islamiste qui deferlerait au passage sur nous, le « petit Satan ». Tout ce que nous demandons, face a ces menaces, cest d’entendre la verite : Ou le Likoud de Sharon et de son allie Natanyahou veut-il nous mener ?