Haaretz

Ces derniers jours, les Israeliens et les Palestiniens sont alles tres loin
dans les tueries reciproques.

Un kamikaze palestinien (d’apprence europeenne, selon les descriptions)
s’est fait sauter dans un bus a Haifa, tuant 15 Israeliens et en blessant
des dizaines d’autres. Vendredi soir, a Kiryat Arba, deux kamikazes
palestiniens deguises en etudiants de yeshiva ont tue un homme et sa femme,
blessant neuf autres personnes.

Pour sa part, Tsahal a effectue une serie de raids dans la Bande de Gaza,
tuant plus de 20 civils palestiniens et en blessant des dizaines d’autres.
Il a etabli une « bande de securite » de 10 km de profondeur a l’ouest de
Sderot, en demolissant des maisons et en deracinant des vergers dans la zone
de Beit Hanoun. Il a fait prisonniers des membres ages du Hamas (60 ans et
plus), et hier matin, a l’aide de missiles sophistiques actionnes a grande
distance, il a liquide Ibrahim al-Makadme ainsi que trois autres passagers
qui se trouvaient dans son vehicule.

Cette saignee continuelle, produit des esprits et des competences des deux
cotes, amene a poser de nouveau les memes questions : jusqu’a quand? dans
quel but? et pourquoi cette energie investie dans des operations
sophistiquees ne peut-elle pas etre redirigee vers la recherche d’un
compromis et d’un accord?

Les relations entre le haut commandement militaire israelien et la sphere
politique est un sujet fascinant qui accompagne l’histoire de l’Etat
d’Israel depuis sa creation. Toute tentative de determiner lequel des deux a
le plus d’influence est en grande partie vouee a l’echec. Les interets
croises entre les deux establishments, les liens personnels, les motivations
cachees et les influences mutuelles, tout s’est toujours entrecroise.

C’est ce qui transparait a travers une analyse des evenements passe, et
c’est le cas, tres probablement, quand il s’agit de comprendre la situation
actuelle. Aujourd’hui, nous sommes temoins d’une situation dans laquelle
Tsahal et le nouveau gouvernement (contrairement au gouvernement
Likoud-travaillistes) analysent de la meme facon les developpements au sein
de l’Autorite palestinienne ; ils partagent la meme conception des objectifs
par rapport a ces developpements, et sont d’accord sur le choix des moyens a
mettre en oeuvre pour les realiser.

L’Etat-major comme le gouvernement de droite d’Ariel Sharon pensent que
seule la force peut faire comprendre aux Palestiniens que le recours a la
terreur etait un mauvais choix, et entrainait un cout insupportable. Dans le
meme ordre d’idees, le gouvernement et Tsahal esperent forcer les
Palestiniens a adapter leurs aspirations concernant les termes d’un
reglement politique au point limite de concessions auxquelles serait pret
Israel (ou du moins son gouvernement actuel).

Ariel Sharon et Moshe Yaalon ne bougeront pas d’un iota. Ils se renforcent
mutuellement dans l’idee que les accords d’Oslo ont ete une erreur fatale,
que Rabin et Peres ont ete bernes par la direction palestinienne, et
qu’avant l’arrivee au pouvoir de Barak, puis, bien sur, de Sharon, l’echelon
politique etait prisonnier de la conception erronnee qu’un accord avec
Arafat etait possible.

Il s’agit d’une opinion qui s’auto-nourrit, et vu le cours naturel des
evenements, cette opinion devient en meme temps une prophecie qui se
realise. Il est probable qu’elle est influencee par des motivations
personnelles, dont certaines inconscientes, comme le besoin de prouver son
bon droit, les prejuges, le caractere et la personnalite.

Il en resulte toujours plus de massacres. Les attentats de ces derniers
jours et les represailles de plus en plus violentes annoncent une escalade
des violences.

Bien qu’il ne serve pas a grand chose de faire de telles declarations au
gouvernement d’extreme droite constitue par Sharon, il faut quand meme
rappeler aux ministres que le devoir d’un homme politique est d’impulser et
de renouveler, et non de rester prisonnier du discours ambiant. En tant que
premier ministre, Barak n’a pas tenu compte de l’opinion de Tsahal et s’est
retire du Liban; et Menahem Begin n’a pas tenu compte des analyses de son
chef d’etat major, Mordehai Gour, et a signe un traite de paix avec
l’Egypte.

L’establishment militaire, et Tsahal au premier chef, fait de son mieux pour
combattre la terreur meurtiere des Palestiniens. Il est temps aujourd’hui
que les hommes politiques se rendent compte que l’usage de la force a ses
limites, et qu’il ne sort pas Israel du bourbier qu’il connait depuis
septembre 2000.

L’election probable d’Abou Mazen au poste de premier ministre de l’Autorite
palestinienne (un processus qui a debute hier) represente une occasion pour
Israel de montrer sa creativite sur la scene politique, et d’apporter sa
pierre pour mettre fin aux massacres.