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Haaretz, 9 janvier 2005

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Jeudi dernier, des étudiants de yeshivot [[yeshiva (pluriel : yeshivot) : écoles talmudiques]] s’étaient postés à l’entrée de la gare routière de Jérusalem et collectaient des signatures de soldats pour une pétition appelant à refuser de prendre part à l’évacuation de colonies. Un par un, des soldats en uniformes venaient et signaient. « Qu’est-ce que je risque? », dit un sergent en service après avoir signé. « Au maximum, ils en mettront quelques-uns d’entre nous en prison, pour l’exemple ».

Les étudiants affirment avoir recueilli 8.000 signatures. Ils publieront la pétition quand le nombre aura atteint les 10.000. En même temps, ils distribuaient un petit tract appelant à refuser d’obéir aux ordres. « Cet ordre est manifestement illégal [[« ordre manifestement illégal » : terme faisant référence à un code éthique en vigueur au sein de l’armée, où un subalterne doit refuser d’obéir à un ordre qui risquerait de conduire à un crime contre l’humanité. Les colons détournent systématiquement ce terme depuis le début de la campagne contre l’évacuation.]]. Il ne doit pas être donné, et il ne faut pas lui obéir », disait le tract.

Un tract similaire est distribué par Yesh Gvoul (« il y a une limite/frontière), de l’autre côté du spectre politique. Mais la différence entre les deux est énorme, et frappe les esprits.

Jeudi, pendant tout le temps où les étudiants religieux faisaient signer leur pétition contre le retrait, les policiers se sont tenus en retrait, se contentant d’un rôle d’observateurs. En revanche, ils se sont hâtés d’exiger que les militants de Yesh Gvoul démantèlent leurs stands, et aussi de disperser des membres de l’organisation de gauche « Ometz Lessarev » (le courage de refuser) venus distribuer des tracts à Jérusalem.

Bien que faisant la même chose, les refuzniks de gauche sont perçus comme des ennemis de l’Etat, alors que les refuzniks de droite sont surtout soupçonnés de trop aimer Israël. La gauche semble avoir échoueé à persuader le public qu’eux aussi « luttent pour leurs maisons ».

Un colon qui collectait des signatures dans un autre quartier de Jérusalem
raconte qu’une femme policier s’est lancée à sa poursuite. Il a pensé qu’elle voulait l’arrêter, mais a eu l’agréable surprise de découvrir qu’en réalité, elle désirait apposer sa signature au bas de la pétition appelant à refuser d’obéir aux ordres d’évacuation. La semaine dernière, dans la seule Jérusalem, il a collecté 300 signatures de militaires.

La tempête qu’a soulevée le refus venu de la droite en incite plus d’un à comparer ce refus à celui de la gauche. Certains accusent même la gauche d’avoir créé un précédent. « Les refuzniks de droite utilisent les arguments que les pilotes de gauche [[le refus des pilotes : voir en particulier
[->http://www.lapaixmaintenant.org/article542] et
[->http://www.lapaixmaintenant.org/article557] (article de David Grossman)]] ont été les premiers à utiliser », dit un haut gradé à Haaretz.

A gauche, certains hommes politiques avaient prévu cela lorsqu’ils s’étaient fermement opposés au refus dans leur camp. « Il est absurde de dire que nous avons créé un précédent », dit l’avocat Michael Sepharad, signataire de la pétition d’Ometz Lessarev, qui a défendu plusieurs refuzniks de gauche. « Ils n’avaient pas besoin de notre exemple. Et puis, les deux sortes de refus sont différents par nature. Les refuzniks de droite jouissent du soutien de leurs dirigeants, politiques et religieux. Les notres agissent malgré une large opposition des dirigeants et des intellectuels de gauche. Leur refus découle directement du fait que pendant très longtemps, le gouvernement n’a pas forcé les colons à respecter la loi, et aussi du fait de l’armée, qui ferme chaque zone où nous venons manifester. »

De fait, malgré toutes les pétitions et toutes les appels au refus venus de la droite, jusqu’à la semaine dernière, seuls les refuzniks de gauche étaient inculpés et mis en prison.

Les refuzniks de droite refusent toute comparaison avec les refuzniks de gauche, pour lesquels ils n’ont que profond mépris. « Le refus de gauche équivaut à une collaboration avec l’ennemi », dit Yvgeny Marzon, médecin dans l’infanterie, qui se reconnaît dans un groupe d’extrême-droite appartenant au Likoud. « Mais je suis contre les pétitions à droite. Le jour venu, chacun saura agir selon sa conscience ».

Un soldat religieux originaire de la colonie de Beit El, qui a rejoint la veille qu’effectuent les colons devant la Knesset tous les week-ends, est déchiré. Il a décidé que, si l’ordre lui est donné de participer à l’évacuation, il se fera porter pâle. « Beaucoup choisiront d’éluder le problème, et pas seulement des religieux ».

De l’autre côté, 1.077 militaires de réserve ont pour l’instant répondu à l’appel de Shalom Akhshav et se sont portés volontaires pour procéder à l’évacuation à la place des soldats qui refuseraient de le faire.