On se souviendra du 1er juillet 2020… Non parce que, comme tous les ans, c’est l’anniversaire de la loi dite des « associations 1901 » sous l’égide de laquelle nous fonctionnons, ni parce que c’est l’anniversaire d’une journée symbolique importante de l’identité palestinienne : le 1er juillet 1994, des milliers de Gazaouis accueillent Yasser Arafat qui, pour la première fois depuis vingt-sept ans, va fouler le sol de Palestine avant de s’y réinstaller définitivement quelques semaines plus tard.

Non… si l’on s’en souvient, politiquement parlant, ce sera parce que, en ce 1er juillet 2020, Netanyahu n’a pu mettre à exécution sa menace d’instaurer la souveraineté israélienne sur tout ou partie de la Cisjordanie. Ce n’est pourtant pas faute de l’avoir annoncée à maintes reprises.

Cette reculade, d’autant plus inattendue que prévalait la quasi certitude qu’une annexion à tout le moins partielle était à prévoir, est source de satisfaction. On aurait tort de s’en priver, tant les occasions sont rares alors que sur le terrain on constate une détérioration lente et progressive des relations israélo-palestiniennes.

L’application de ce projet aurait été particulièrement néfaste pour les Palestiniens comme pour les Israéliens. Pour les premiers, cette annexion, élargie ou restreinte, aurait signifié la fin de leurs aspirations politiques, un risque accru de dépossession de terres et d’immeubles, quelques allègements possibles dans les contraintes du quotidien mais surtout, la pérennisation d’un statut de second rang.

S’agissant des Israéliens, les Commandants pour la Sécurité d’Israël, dont l’attachement au pays et à sa sécurité est incontestable, ont mis en lumière les conséquences d’un tel acte s’agissant de la stabilité régionale (Jordanie, Egypte…), de la coopération sécuritaire avec l’AP, de la transformation de Tsahal en police d’occupation, du coût économique faramineux à un moment de crise d’une ampleur inégalée.
On pouvait redouter que le non respect du 1er juillet ne soit que provisoire, qu’un décalage de quelques jours intervienne avant une annonce d’application. Il n’en a rien été, même si tout reste possible – quoique peu probable à brève échéance compte tenu de la situation économique et politique en Israël même.

Le « pourquoi » de la non mise à exécution de ce projet est à considérer en lui-même. Il est manifeste que l’ampleur de l’opposition et des réserves internationales, notamment celles d’alliés et d’amis avérés d’Israël, a joué un rôle important. Le piétinement de l’administration américaine a sans conteste été déterminant. Il démontre que le soutien US n’est ni exempt de considérations intérieures, ni aveugle, ni irréversible. La mobilisation d’une fraction importante de la communauté juive américaine et ses liens avec les élus, essentiellement démocrates mais pas uniquement, a pesé dans la position d’une administration et d’un Président en butte à la situation catastrophique découlant d’une gestion erratique de la crise du coronavirus à quelques mois d’échéances électorales cruciales.

Les réactions européennes, des élus, des gouvernements, des premiers ministres, au-delà du mépris affiché par les Israéliens à leur égard, ne sont pas restées lettres mortes elles non plus, même s’il est clair qu’une position commune de l’UE ne sera pas adoptée. Mais le poids de l’Europe dans le commerce extérieur israélien, dans ses échanges en matière de recherche ainsi que la capacité de certains Etats à mettre en place, sinon des sanctions du moins des mesures de rétorsion qui ne seraient pas indolores, en complément – à défaut d’être en coordination- avec ce qui s’est passé aux USA, sont des éléments non négligeables.

La prise de position contre le projet d’annexion émanant de nombreux secteurs de la population juive, au nom de son attachement à Israël et à son éthique originelle n’est pas restée sans écho. Le réseau international J-Link, les différentes tribunes publiées un peu partout en Europe, notamment celle initiée en France par JCall et La Paix Maintenant qui a recueilli plus de 1500 signatures, dont celles d’éminentes personnalités, ont participé à cette riposte internationale, qui s’est articulée sur une opposition au projet en Israël même et qui, au final, a contraint Netanyahu sinon à reculer définitivement, du moins à geler un projet malvenu.

Certes les dommages collatéraux vont perdurer. L’image d’Israël s’est détériorée, associée en permanence durant cette période à un narratif négatif d’annexion, de sanctions… dont les effets délétères se feront sentir même si le projet n’aboutit pas. Mais il n’en demeure pas moins que Netanyahu a été contraint de faire marche arrière.

Tout ne lui est pas possible. Tout ne lui est plus possible…

Ilan Rozenkier

Illustration : « Démocratie maintenant, Annexion jamais »

Mis en ligne le 18 juillet 2020