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Daily Star (Beyrouth), 18 decembre 2003


Naplouse : Mohammed Faqih a des ennuis. Son fils aine, Ayman, entame
l’universite, et il ne sait pas comment faire pour payer les etudes de son
fils. Son probleme est courant chez les Palestiniens de Cisjordanie, ou la
pauvrete est endemique et l’economie en ruines. Mais, a la difference de la
plupart des autres Palestiniens, Faqih, 41 ans, compte utiliser le rire pour
faire fortune.

Faqih est imitateur, et alors que le travail officiel pour un comedien dans
les territoires est tres rare, il y a beaucoup d’occasions de jouer devant
des publics captifs : les checkpoints. « Comme tout le monde, je passe
beaucoup de temps aux checkpoints », dit Faqih au Daily Star, dans la maison
de son beau-pere a Naplouse. « J’ai deux epouses et deux familles, l’une a
Bethleem et l’autre a Naplouse, et je fais tout le temps des aller-retours.
C’est quand l’intifada a commence que je me suis rendu compte que mon talent
pourrait m’etre utile aux checkpoints. »

« Je me rendais a Jerusalem en voiture avec un ami qui avait oublie sa carte
d’identite de resident de Jerusalem, et nous avons ete arretes a un
checkpoint par des soldats. Ils ne voulaient pas nous laisser passer ». Tout
en racontant l’incident, Faqih glisse dans son role d’imitateur. Grace a un
hebreu parfait, il est capable non seulement d’incarner les reactions des
autres passagers de la voiture, mais aussi celles des soldats israeliens,
tout en assenant, dans une une imitation impeccable d’Ariel Sharon, « nous
faisons tout ce qui est possible pour rechercher la paix entre nous et les
Palestiniens ». L’embarras general se tranforme en hilarite, surtout chez ses
compagnons de voyage, quand il passe de Sharon a Arafat : « Jerusalem est a
nous, et si ca ne vous plait pas, dur dur! ».

Apres qu’il eut repondu a quelques « special requests », les soldats les
laisserent passer, y compris l’ami sans sa carte d’identite. De l’incident,
Faqih a tire la conclusion qu’il y avait un espace ou exercer sa profession
pendant l’intifada. Avant cela, il se produisait regulierement lors de
mariages, dans des universites ou des ecoles, dans la region de Bethleem. Le
succes a ete tel qu’il a quitte son poste de commentateur sportif a la
station de television locale, pour se concentrer sur la comedie.

« Je me suis rendu compte qu’en faisant rire les gens, je pouvais accomplir
des choses. Quand je fais rire, a la fois des soldats et des Palestiniens,
je constate que cela facilite la communication entre eux. Ils commencent a
traiter l’autre comme un etre humain ».

Les imitations de Faqih couvrent tout le spectre politique du Moyen-Orient,
de Saddam Hussein a Arafat, Sharon, feu Hussein roi de Jordanie, son
successeur Abdallah II, Osama Bin Laden, et Sheikh Ahmed Yassin, chef
spirituel du Hamas, mais il reste resolument apolitique. Il se refuse a se
servir de ses personnages pour delivrer tout message politique. Au centre de
son show, il a mis en scene les funerailles du roi Hussein, ce qui lui
permet d’incarner une myriade de personnages.

Quand il raconte un episode qui s’est produit a un checkpoint, ou une
anecdote personnelle, Faqih glisse inexorablement de la narration au show,
passant sans effort entre les personnages et les scenarios.

Un jour, pendant le Ramadan, alors qu’il etait filme par la television
danoise, Faqih et l’equipe de television furent stoppes de facon inattendue
a un checkpoint improvise, avec plusieurs dizaines de detenus. Il prend un
plaisir particulier a raconter cette histoire, parce que l’incident s’est
termine par un rire general provoque par Faqih, les tireurs embusques sur la
colline qui surplombait le checkpoint se mettant debout, le pouce leve, et
les detenus etant relaches.

Des soldats druzes, morts d’ennuis aux abords de Naplouse, alors que le
bouclage etait total, le laisserent passer, lui et son fils, apres qu’il eut
delivre quelques extraits de ses imitations, a la condition qu’il revienne
par le meme chemin.

Pendant une autre periode de bouclage, il put convaincre un soldat israelien
de laisser passer un homme blesse a la main pour qu’il se fasse soigner,
bien que lui-meme n’ait pu passer. « Je fais ce que je peux », dit-il. « Mon
talent est d’imiter les gens et de faire rire. Si cela aide a attenuer la
tension de certaines situations, alors c’est une bonne chose ».

Il a eu des papiers dans Al-Qods, le Palestine Report, le Jerusalem Post et
dans la presse etrangere (plusieurs fois). Tous sont a la recherche d’angles
nouveaux pour couvrir le conflit. Il y a cependant un probleme avec la
television : quand les cameras tournent, la magie de Faqih n’opere pas
toujours. « Les soldats n’aiment pas etre filmes, et ils ne se laisseraient
certainement pas filmer en train de rire, alors l’effet ne passe pas
toujours. J’aurais besoin d’une camera cachee », dit-il.

Neanmoins, malgre l’attention qu’il suscite, Faqih pense qu’il n’atteint le
public qu’il voudrait reellement atteindre : le grand public arabe, et en
particulier les Palestiniens et Arafat. « Mon grand reve est d’imiter le
president devant lui ». Il se rappelle comment le duo de comiques jordaniens,
Hisham Yunis et Nabil Sawalha, apres s’etre produits devant le roi Hussein,
ont pris la route avec leur show : cela avait lance leur carriere.

Faqih espere qu’un jour, son show beneficiera de quelque chose de similaire.

Diffuse par Common Ground News Service.