Haaretz

Si le super-colonisateur Avigdor Lieberman avait le moindre souci a propos
de l’influence negative qu’aurait pu avoir le « discours d’Hertzliya » d’Ariel
Sharon sur la nouvelle politique du gouvernement, il s’est envole avec le
discours de George Bush devant l’American Enterprise Institute la semaine
derniere. Sans aucune reticence, Bush a fait siennes les mines made in
Israel qui ont fait eclater la feuille de route du Quartette. Ou, si vous
preferez, la vision d’un Etat palestinien est devenue un reve. Bush a
confirme que dans les territoires, comme en Irak, il vise la victoire
militaire et la mise en oeuvre de la doctrine de la droite. Comme Sharon
quand celui-ci parle des territoires, Bush parle pour la forme d' »apporter
la democratie » et de procedures diplomatiques.

Et si, a la veille d’une guerre avec l’Irak, au moment ou les Etats Unis ont
tant besoin de la confiance arabe, leur president s’aligne neanmoins sur la
droite israelienne, quand donc imposera-t-il a Israel un Etat palestinien?
Apres la guerre? Avant les prochaines elections presidentielles? Quand il
aura besoin du vote juif?

Personne ne s’attendait a ce que Bush lance un precessus de paix entre
Israeliens et Palestiniens quelques jours avant une guerre contre l’Irak.
Tout ce que son fidele allie Tony Blair le poussait a faire etait de
declarer son soutien a la feuille de route du Quartette. Cela aurait aide
les Etats Unis a refuter l’accusation de « un poids deux mesures » qui s’etend
dans le monde et jusqu’a certains Republicains americains. Et pourtant, dans
son discours, Bush a choisi de s’en tenir a son discours du 24 juin 2002,
devenu le programme diplomatique de Sharon (et vice-versa).

On aurait pu penser que des discours adresses au « camp national » auraient
heurte les oreilles de membres du « camp de la paix ». Pourtant, l’elimination
politique d’Arafat et l’autorisation de developper l’occupation sont
devenues les articles cles du programme diplomatique qui a ouvert la voie a
une collaboration entre anciens membres de Moledet (parti d’extreme droite,
pronant ouvertement le « transfert », ndt) et anciens membres du Meretz
(gauche). Les nombreux avocats membres du Shinoui n’auraient surement pas
signe un accord avant de l’avoir lu attentivement. Mais comment l’avocat et
ministre Yosef Paritzky (Shinoui, nouveau ministre de l’Interieur)
conseillerait-il a un client de reagir a une procedure engagee contre lui
si, avant meme qu’aient commence les negociations sur les biens qui lui ont
ete voles (comme le pense le client), il etait somme de debarquer son PDG?

L’avocate et deputee Etti Livni (Shinoui) conseillerait-elle a son client de
signer un accord selon lequel des negociations sur le demantelement de
milliers de constructions erigees par la force sur sa terre ne
commenceraient qu’apres que s’instaure une periode de calme relatif? Et
conseillerait-elle a ce client d’accepter que le pouvoir de decider de ce
qu’est exactement un « calme relatif » appartienne excusivement a son
adversaire (qui a prouve par ses actions, et par ses declarations publiques,
qu’il entendait eriger des constructions supplementaires)?

La probabilite que les Palestiniens accedent a la demande de Sharon et se
debarrassent d’Arafat (et pour de bon, pas seulement par la nomination
« trompeuse » d’un premier ministre), est identique a la probabilite que les
Israeliens accedent a la demande d’Arafat et se debarrassent de Sharon. Ou
trouvera-t-on un leader palestinien pret a ordonner la requisition des armes
illegales et le demantelement de tous les services de securite (appeles « les
mouvements terroristes » dans le discours d’Hertzliya), sans le moindre
engagement par Israel de geler la colonisation, meme provisoirement, et de
demanteler les avant-postes illegaux?

Il est vrai que le client des hommes politiques israeliens est l’Etat
d’Israel, et non les Palestiniens. Supposons donc qu’a Hertzliya, Sharon ait
effectivement annonce l’etablissemnt d’un Etat palestinien, pour le bien
d’Israel. Mais qu’y avons-nous gagne? Ni un accord mettant fin au conflit,
ni meme une renonciation au droit au retour. Il faudrait etre
extraordinairement negligent pour lire le « discours d’Hertzliya » et croire
qu’il pourrait servir de base a un accord israelo-palestinien. Et il
faudrait etre totalement cynique pour ecouter le dernier discours de Bush et
en conclure qu’il peut mener a la fin des violences et a la reprise des
negociations.

Un mot de la fin, pour ceux qui continuent a croire qu’il y a quelque chose
dans l' »entente » Bush-Sharon : dans l’accord de coalition, le premier
ministre est de fait revenu sur son engagement pris a Hertzliya de soumettre
cette « entente » a l’approbation du nouveau cabinet des que celui-ci serait
constitue.

* allusion a la fameuse formule de Theodore Hertzl : « si vous le voulez, ce
(l’Etat juif) ne sera pas un reve ».