Éditorial de la rédaction de Ha’aretz

(trad. Amos Waintrater, Étudiants La Paix Maintenant)


C’est peut-être la raison essentielle qui devrait pousser le parti
travailliste à entrer au gouvernement à tout prix : veiller à ce qu’Ariel
Sharon ne se laisse pas emporter par ses vieux réflexes, et ne cherche à
emplir la Cisjordanie de nouvelles colonies pendant que l’évacuation de Gaza
retiendra l’attention générale.

Nous écrivons ceci alors que l’État d’Israël vient de donner sa réponse
officielle à une plainte déposée devant la Haute Cour de Justice par la
localité de Nirit contre la construction de Nof HaSharon, une nouvelle
colonie comprenant 12 000 logements. Dans sa réponse à la Cour, le
représentant du procureur a affirmé que la « feuille de route » signée par
le gouvernement n’engageait pas ce dernier d’un point de vue légal, malgré
l’engagement pris de ne construire aucune colonie supplémentaire.

Un exercice d’acrobatie juridique aussi étrange révèle une attitude bien peu
encourageante au sein du gouvernement Sharon. Il n’est pas imaginable que ce
dernier exige des Palestiniens qu’ils respectent les engagements par eux
pris dans le cadre de la « feuille de route » en matière de lutte contre le
terrorisme, tout en ignorant les siens propres quant à l’arrêt de la
construction de colonies.

Le large soutien dont jouit actuellement Ariel Sharon vient de sa décision
d’ouvrir une nouvelle page politique. Mais ce soutien n’est pas
inconditionnel. Les raisons de suspecter Ariel Sharon demeurent réelles et
solides et nous avons eu plus d’une fois l’occasion de les exprimer dans ces
colonnes. Il est encore possible que le processus de désengagement de Gaza
ne soit rien d’autre qu’un exercice destiné à légitimer les colonies de
Cisjordanie. Le silence récent des dirigeants des colons est à cet égard
surprenant et l’on en vient à se demander si certaines promesses ne leur
auraient pas été faites en catimini.

Cette impression se renforce à la lecture des rapports d’observation publiés
par Shalom Akhshav et d’autres organisations, qui notent l’intense opération
de défrichement de terrains en cours en Samarie, au Goush Etzion et à Maale
Adoumim, afin de poser de nouveaux faits accomplis. Et l’on suspecte le
gouvernement de chercher à créer une nouvelle carte des implantations juives
en Cisjordanie, avant que les Américains ne dressent la leur. De plus,
malgré la décision d’évacuer une centaine d’avant-postes illégaux, ceux-ci
existent toujours ; ils ont été reliés aux réseaux d’eau et d’électricité et
continuent de s’agrandir.

Il faut espérer qu’une fois entré au gouvernement le parti travailliste ne
s’en tiendra pas à de vains mirages quant à la nouvelle voie adoptée par
Sharon, et n’hésitera pas à soutenir fermement l’arrêt total des
investissements dans de nouvelles implantations et la fin du processus
d’agrandissement de celles qui existent, fût-ce au risque de provoquer une
crise et des élections anticipées. Le retrait de Gaza ne doit être que la
première étape d’un plan politique global menant à un accord sur la mise en
place d’un État palestinien aux côtés d’Israël.

La décision prise cette semaine par la commission des Finances de la Knesset
d’allouer 500 000 shekels à des projets touristiques dans les colonies est
rationnelle s’il s’agit de couvrir les frais des travaux achevés ; mais tout
investissement ultérieur dans le développement des colonies et de leur
environnement est totalement inacceptable. Cette mention, la plus
importante, devrait figurer en tête de l’accord de coalition conclu avec le
parti travailliste.

Ceux qui suivent de longue date l’évolution du projet de colonisation dans
les territoires occupés savent que celui-ci a procédé en bonne part par
degrés : « La promesse est une chose, le clin d’œil une autre et la
construction une troisième ». Cette méthode n’est pas inconnue de Sharon et
Il faut y mettre fin. Les colonies sont aujourd’hui le principal obstacle à
la conclusion d’un accord avec les Palestiniens. A cette injustice de
l’histoire, nous ne devons plus ajouter une seule colonie..