Haaretz, 21 décembre 2004

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Il faut agir sans crainte

éditorial de la rédaction d’Ha’aretz

Trad : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


L’Etat d’Israël, avec à sa tête un gouvernement plus fort que jamais, doit
aujourd’hui affronter le problème le plus aigu qui soit à son ordre du jour,
et auquel les gouvernements précédents ont craint de toucher. Dimanche, les
dirigeants du Conseil Yesha des colons ont appelé à enfreindre la loi, ce
qui n’est que le début d’une longue campagne, au cours de laquelle les
colons tenteront de modifier la décision prise par le gouvernement
d’évacuer des colonies. A en juger d’après les expériences passées, les
leaders des colons auront recours à tous les moyens, des larmes et de la
résistance passive à la violence, qu’ils essaieront toujours d’attribuer à
quelques « brebis égarées ». Si les gouvernements précédents s’étaient
conduits avec fermeté face aux violations de la loi par les colons, il
aurait été plus facile de les convaincre aujourd’hui qu’une opposition
violente aux évacuations les enverra en prison. Mais, pendant des années,
les autorités chargées de faire respecter la loi ont fermé les yeux devant
la violence des colons contre les Palestiniens, les policiers et les
soldats, ainsi que devant le vol de biens arabes et l’expansion illégale de
colonies. Le signe le plus frappant de cette politique de l’autruche est
l’existence des 100 avant-postes qui se développent et prospèrent en
Cisjordanie, tout en ayant été déclarés illégaux. Exiger d’inculper certains
leaders des colons immédiatement après des déclarations qui reviennent à un
appel à la sédition, c’est trop peu, et trop tard.

Les colons hurlent au « transfert », et à l’illégitimité démocratique du
gouvernement Sharon, deux arguments dont il ne vaut même pas la peine de
débattre avec un public qui agit en dehors des voies démocratiques depuis 30
ans. Face à eux, le gouvernement doit agir avant tout avec discernement. Le
moment est venu de replacer le phénomène des colons dans ses justes
proportions, et de cesser d’en avoir peur. Des hors-la-loi doivent être
traités comme on traite ordinairement les hors-la-loi, qui ne bénéficient
pas d’une quelconque protection du gouvernement. Les colons militants venus
du reste du pays doivent être empêchés de se rendre au Goush Katif (Bande de
Gaza, ndt) par tous les moyens possibles, et ce à partir d’aujourd’hui.

Les autorités chargées de faire respecter la loi doivent adopter une
attitude ferme, dont les principes sont bien connus, afin d’éviter que se
produisent les scènes d’horreur que préparent les colons sur le terrain, et
ne pas donner prise aux sentiments de culpabilité que les colons tenteront
de susciter auprès du gouvernement comme dans les médias. Et le gouvernement
doit exposer à l’opinion la véritable situation : l’évacuation de colonies
n’est pas une injustice historique faite aux colons, mais bien la correction
d’une erreur, et elle n’a aucun rapport avec un soi-disant « transfert » : il
s’agit plutôt d’une réabsorption à l’intérieur d’Israël. Le moment est venu
pour les colons de penser un peu aux autres citoyens d’Israël, au lieu de ne
soucier que d’eux-mêmes.

Le Conseil de Yesha hésite entre plusieurs formes plus ou moins légitimes de
protestation en réaction à l’évacuation de colonies. On peut supposer que
ses dirigeants essaieront de manoeuvrer entre opposition verbale et
désobéissance civile, celle-ci étant susceptible de réduire la sympathie
naturelle que l’opinion peut ressentir devant la soufrance des évacués. Il y
a une grande différence entre une résistance passive à l’évacuation, une
résistance active mais non-violente, et une véritable violence. Le procureur
général doit immédiatement édicter des règles de fer permettant de
distinguer entre ce qui est autorisé et ce qui est défendu, afin d’empêcher
que ne se produisent des négociations politiques avec des colons
manipulateurs, à mesure qu’approchera la date de l’évacuation.