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Haaretz, 29 decembre 2003


Le chef d’etat-major Moshe Yaalon a bien fait de promettre, devant le lit
d’hopital de Gil Naamati, une enquete approfondie sur les circonstances de
l’incident au cours duquel des soldats israeliens ont tire sur des militants
pacifistes. Mais pour que l’enquete soit vraiment serieuse, le chef
d’etat-major devrait egalement attirer l’attention des officiers enqueteurs
sur deux phrases tirees d’un document publie il y a dix jours : « Yasser
Arafat et sa direction ne sont pas des partenaires pour appliquer l’idee de
deux Etats. Arafat et sa direction ont lance l’intifada, et ils preferent
que le conflit continue, supposant que le terrorisme et la demographie
conduiront a la disparition d’Israel en tant qu’Etat juif ».
Ce document, dont le contenu est bien connu du chef d’etat-major, poursuit :
« il n’existe pas de consensus israelien autour de cette evaluation, et en
particulier a propos du pronostic qu’elle implique. Cela rend plus difficile
le traitement du terrorisme du point de vue de la legitimite de l’usage de
la force et (des efforts pour) mener le conflit a son terme ».

Ces graves declarations sont issues d’une transcription du discours de Moshe
Yaalon a l’ouverture de la conference d’Hertzliya. Leur gravite ne reside
pas dans leur rejet de l’important debat qui a lieu au sein des communautes
du renseignement et de l’universite concernant les objectifs de la direction
de l’OLP, et les circonstances qui ont conduit au declenchement de
l’intifada. La phrase qui a franchi la ligne rouge est celle qui declare que
tous les Israeliens qui n’acceptent pas le diagnostic du chef d’etat-major
sabotent les efforts d’Israel dans son traitement du terrorisme.

Comment un officier de 20 ans qui a entendu ces declarations doit-il
interpreter les mots de son chef supreme : que les initiateurs du pacte de
Geneve et l’ancien chef du Shin Bet Ami Ayalon, qui refusent de copier dans
leur cerveau la disquette d’un chef d’etat-major obsede par la force,
plantent un couteau dans son dos et dans le dos des camarades de son unite?
Que ces gauchistes, qui preferent utiliser un programme qui ouvre des
fenetres de chances de dialogue avec Yasser Abed Rabbo, Sari Nusseibeh et
Jibril Rajoub, constituent un danger pour le public?

Comment un caporal doit-il traiter des gens qui manifestent contre la
cloture qui divise en deux des villages palestiniens et des familles, quand
le chef d’etat-major dit que la cloture est construite uniquement pour
proteger la vie de la famille du soldat et de ses amis? Comment peut-il
savoir que l’ordre de tirer sur des manifestants qui « rendent plus difficile
le traitement du terrorisme », dixit le chef d’etat-major, est totalement
illegal?

Dans un pays bien gouverne, le niveau politique devrait montrer au chef
d’etat-major qu’il est dans l’erreur. Or, son superieur direct, le ministre
de la Defense Shaul Mofaz, le soutient. A la meme conference, consacree a la
force et a la securite d’Israel, sans meme evoquer l’idee fixe d' »il n’y a
pas de partenaire », Mofaz a dit : « il n’y a pas de place dans la societe
israelienne pour le refus de servir, la culpabilisation ou
l’auto-affaiblissent ». Que doit comprendre un officier de de ce que doit
faire la societe de ceux qui refusent de servir, ou des « pleurnichards » et des
« defaitistes » qui n’ont pas leur place parmi nous? Les envoyer en prison? Les
detruire?

Que sont censes apprendre les subordonnes de Moshe Yaalon de la cooperation
des autorites avec les habitants des avant-postes illegaux? Quelle lecon
tirera une jeune recrue de la lecture du denier rapport du controleur de
l’Etat, ou il apparait qu’un document emis par l’administration civile de
Tsahal en Cisjordanie revele que des centaines de milliers de shekels (5
shekels = 1 euro environ) ont ete investis pour la securite d’avant-postes
crees de maniere illegale, sans permis de construire, et, dans le cas d’un
avant-poste, construit sur une zone reservee a l’armee? Cette jeune recrue y
decouvrira aussi que le ministre Mofaz a donne sa benediction a la venue et
au stationnement de caravanes sur des avant-postes dont l’existence legale
n’a jamais ete approuvee par l’administration civile.

Apres l’incident de Mashka, des porte-parole de la gauche ont eu tort de se
plaindre du traitement de faveur de l’armee a l’egard des colons des
avant-postes. Que veulent-ils de nos pauvres soldats? Ils n’ont pas choisi
de mettre leur vie en danger pour defendre des gens qui s’opposent a
l’etablissement d’une frontiere. L’echec doit etre recherche au plus haut
niveau de l’armee et de l’Etat. Ils sont responsables du fait que la seule
democratie du Moyen-Orient tire sur des pacifistes et met en prison des
objecteurs de conscience, tout en louant les militants de droite et en
exaltant ceux qui rejettent tout compromis. Mais il ne faut pas tirer sur
les colons. Non seulement ce serait immoral, mais cela manquerait la cible.