Les plans de solution politique du conflit israélo-palestinien sont innombrables et une bibliothèque normale aurait du mal à contenir tous les rapports, études et articles qu’ils ont générés. Celui présenté par la Holy Land Confederation connaîtra peut-être un sort identique à ceux qui l’ont précédé mais il a le mérite de rester dans le cadre de l’approche de « deux États pour deux peuples », tout en tenant compte de la réalité qui, au fil des années, s’est installée dans les Territoires, à savoir une présence massive de population juive: « … ce qui est essentiel dans le projet de confédération, ce sont des frontières ouvertes et la libre circulation. Pour que les Israéliens et les Palestiniens puissent s’autodéterminer, il faut deux États. Mais comme l’affirme le mouvement pro-confédération « Deux États, une patrie »: « les deux peuples considèrent que leur patrie » est l’ensemble du territoire… ».
Ce plan, détaillé, se veut donc comme une mise en oeuvre de la solution à deux États mais sans séparation brutale et déplacement massif de population. L’histoire a montré que le problème réside moins dans les modalités de la solution que dans l’absence de volonté politique des parties en présence de parvenir à une telle solution.


Traduction : Bernard Bohbot pour LPM

Auteur : Gershom Gorenberg, Washington Post, 7 mars 2022

https://www.washingtonpost.com/opinions/2022/03/07/holy-land-confederation-israeli-palestinian-peace-plan-deserves-attention/

Photo : Jérusalem Est, 25 Février. © Ahmad Gharabli/AFP/Getty Images

Mis en ligne le 25 mars 2022


Si tous les plans élaborés portant sur la façon dont les Israéliens et les Palestiniens peuvent diviser ou partager pacifiquement leur patrie étaient imprimés et mis en rayon, ils pourraient déborder de la vaste bibliothèque d’Alexandrie. Et pourtant, le dernier en date mérite l’attention, et pas seulement pour ce qu’il déclare explicitement.

Alors que le monde observe la guerre en Ukraine, il est bon de se souvenir de ceux qui travaillent avec persévérance pour faire la paix ailleurs. Le plan de la Holy Land Confederation (Confédération de la terre sainte) a été élaboré par Hiba Husseini, ancienne conseillère juridique des négociateurs palestiniens, Yossi Beilin, l’un des architectes israéliens du processus d’Oslo, et une équipe d’autres experts palestiniens et israéliens.

Le mot clé du nom que porte ce plan est celui de « confédération ». La proposition la plus importante de ce document de près de 100 pages, et la plus controversée, est peut-être que les colons israéliens de Cisjordanie soient autorisés à rester dans l’État palestinien. Cette proposition vise à éliminer ce qui est perçu par la population comme le principal obstacle à un accord à deux États. Ce serait le cas, mais pas pour les raisons invoquées.

Une confédération entre Israël et la Palestine, comme le soulignent les auteurs, « n’est pas un substitut à deux États souverains. » C’est un moyen de mettre en œuvre un accord à deux États sans séparation brutale et sans le raisonnement reposant sur la logique de « nous sommes ici et vous êtes là-bas, avec un grand mur entre nous », si courant jusqu’à présent, en particulier parmi les partisans israéliens de deux États.

Les partenaires d’une confédération sont indépendants. Ils sont libres de quitter s’ils le souhaitent, comme la Grande-Bretagne a quitté l’Union européenne. Ila acceptent toutefois de renoncer à des parcelles de leur d’indépendance au profit de la coopération. L’ensemble du territoire situé entre le Jourdain et la Méditerranée est plus petit que la Belgique. L’économie de ce qui sera deux États est enchevêtrée. Les eaux usées déversées d’un côté de la future frontière se déversent de l’autre côté, et la grippe aviaire qui se déclare dans les poulaillers d’un côté se propagera probablement de l’autre côté. Il est logique de mettre en place des institutions communes pour gérer ces problèmes.

Sur le plan psychologique, ce qui est essentiel dans le projet de confédération, ce sont des frontières ouvertes et la libre circulation. Pour que les Israéliens et les Palestiniens puissent s’autodéterminer, il faut deux États. Mais comme l’affirme le mouvement pro-confédération « Deux États, une patrie », « les deux peuples considèrent que leur patrie » est l’ensemble du territoire.

J’ai entendu à plusieurs reprises des Palestiniens se plaindre que le régime actuel de clôtures, de points de contrôle et de permis n’est pas seulement épuisant et humiliant pour ceux qui entrent en Israël ; il empêche également les autres de visiter la majeure partie de la Palestine historique. Le simple fait de voir la plage de Jaffa est un rêve. Une frontière dure entre les États menace de préserver cet exil. Et, du moins pour certains Israéliens, l’idée que des lieux essentiels à l’histoire juive puissent être interdits d’accès est anathème. La libre circulation entre deux États est la solution.

Pourtant, l’obstacle politique et psychologique le plus souvent cité à un accord sur deux États est le nombre toujours croissant de colons israéliens. La réponse de Husseini, Beilin et de leurs collègues est de laisser les colons rester s’ils le souhaitent, en tant que résidents permanents de la Palestine.

Ils ont raison de dire que cela résoudrait le problème des évacuations, mais pas pour la raison indiquée dans le texte. Dans ce scénario, très peu de colons sont susceptibles de rester. Lorsqu’ils comprendront qu’ils seront membres d’une minorité dans un État arabe, ils voudront retourner dans l’État juif. Ils peuvent hésiter jusqu’à ce que leurs voisins commencent à partir. Mais alors, ils finiront par vouloir partir eux aussi – pour vendre leurs demeures à des Palestiniens ou peut-être au gouvernement d’Israël ou de Palestine, qui désignera ces maisons ou appartements pour les réfugiés palestiniens.

Israël absorbera les colons de retour, comme il a absorbé un plus grand nombre d’immigrants juifs de l’ancienne Union soviétique. Contrairement aux anciens immigrants soviétiques, ils maitrisent déjà l’hébreu. Beaucoup, peut-être la plupart, auront déjà un emploi en Israël.

La Cisjordanie, comme je l’ai déjà noté, est une colonie israélienne. Les colons retourneront dans leur pays d’origine, comme les colons d’Algérie sont retournés en France ou les Portugais des colonies africaines sont retournés au Portugal. Cela pourrait conduire à une crise sociale, comme en France et au Portugal, mais la république survivra.

L’immense différence dans ce cas, cependant, est que l’Algérie n’avait pas de frontière avec la France, et que personne en Algérie ne considérait la France comme faisant légitimement partie de son pays. La peur sous-jacente de la plupart des Israéliens, je dirais, n’est pas celle du retour des colons, mais celle de ce qui viendra après. Cela se voit dans les mille variations que j’ai entendues à propos du retrait de Gaza en 2005 : « Nous avons évacué les colonies, et ensuite on nous a tiré des missiles. »

La proposition de la Confédération de Terre Sainte comporte un chapitre sur les arrangements de sécurité. Mais elle laisse de côté un point qui était, peut-être, évident pour ses auteurs. Pour qu’un accord à deux États fonctionne, Israël et la Palestine doivent répondre à la définition classique d’un État : chacun doit avoir « le monopole de l’usage légitime de la force physique » sur son territoire.

Israël devra désarmer et contrôler les colons radicaux et leurs partisans qui saboteraient l’accord. La Palestine devra mettre fin à l’existence de factions politiques armées et désarmer sa société, de sorte que la lutte violente pour le reste du territoire prenne fin. Si ces conditions sont remplies, l’issue à deux États peut être politiquement attrayante, et une confédération pourrait être la meilleure façon pour les deux États de s’épanouir.