Pour éliminer B. Gantz, crédité de 10 mandats possibles, rien de mieux que la calomnie que la ministre de l'(in)Culture sait manier à merveille. Elle n’a pas hésité à lui attribuer la responsabilité de la mort d’un enfant de 4 ans. Les remous provoqués ne l’ont pas amenée à s’excuser …


Traduction : Bernard Bohbot pour LPM

Benny Gantz, ancien chef d’état-major et Miri Regev, ministre de la Culture – credit. IDF Spokesperson’s Unit/AP

Ha’Aretz, le 20 novembre 2018

Miri Regev’s obnoxious assault on Gantz is taken from Donald Trump’s playbook

 


De McCain à McRaven, le Président américain a montré au monde entier que servir sous le drapeau pendant des décennies ne signifie rien du tout.

Benny Gantz doit sûrement regretter son « discours des anémones » du début août 2014. Cherchant à redynamiser un public israélien éprouvé après un long mois de combats à Gaza pendant l’opération Bordure protectrice, l’ancien chef d’état-major de l’armée israélienne a commis une erreur de débutant. En plein cessez-le-feu de 72 heures entre Israël et le Hamas, Gantz a donné dans l’allégorie poétique en parlant d’un « Sud rouge » qui serait bientôt couvert « d’anémones, de fleurs et de stabilité » pour plusieurs années à venir. Moins de 48 heures plus tard, les combats reprenaient avec une intensité aussi forte qu’auparavant.

Le 19 novembre, la ministre de la Culture, Miri Regev, utilisant de façon flagrante une logique fallacieuse, a affirmé que « son dernier acte en tant que chef d’état-major fut de conseiller  « d’aller cueillir les anémones » cependant que le petit Daniel Tragerman âgé de quatre ans était tué. » Selon cette même logique, elle aurait pu dire que « Benjamin Netanyahu a promis que le Hamas souffrirait et le garçon est mort », ou encore que « Avigdor Lieberman a quitté le Likud parce que Netanyahu ne détruirait pas le Hamas [il l’a fait durant la campagne de 2014 également], et le petit Daniel est mort ». Ou encore que « Le Conseil de Presse a rejeté les plaintes contre le chroniqueur Gideon Levy et trois jours plus tard le garçon est mort », etc. Il n’y a évidemment aucune corrélation entre le discours de Gantz et la mort tragique de Tragerman, mais Regev connaît bien le fanatisme de son public de droite dont la soif d’être excité par la haine excède de loin son désir de logique.

Regev a été rondement condamnée, à juste titre, pour ce rapprochement odieux. Elle a cyniquement exploité le meurtre d’un jeune garçon pour salir le nom de l’homme qui semble incarner la principale menace électorale pour Netanyahu, le Likud et ses propres chances de conserver un siège au Conseil des ministres. Pour sa défense, il faut souligner que Regev ne fait qu’imiter ses maîtres. Elle appartient à un parti politique dont le leader blâme régulièrement George Soros, le New Israel Fund, et les ONG de gauche pour tous les maux du pays, des critiques internationales à la détresse des demandeurs d’asile africains. Elle vit dans un pays qui admire Donald Trump, le maître magicien de la diversion et de l’incitation, qui se spécialise dans des provocations du même genre contre ses rivaux et critiques, y compris, et surtout, s’il s’agit d’anciens généraux ou de hauts grades des services de sécurité.

Par pure coïncidence – ce concept semble être étranger à Miri Regev –, au moment même où elle attaquait Gantz, Trump se lançait dans une guerre de mots avec le très décoré et très respecté amiral américain William McRaven, qui a supervisé l’assassinat d’Ousama Ben Laden. Aux yeux de Trump, les longues années de service de McRaven au sein de la Navy SEALs (Force spéciale d’opérations maritimes) et au poste de commandant des opérations spéciales américaines, ne valent plus grand chose dès lors qu’il a osé critiquer sa présidence.

De même que Trump – qui n’a jamais servi son pays – s’est efforcé de minimiser la bravoure de John McCain pendant sa captivité au Vietnam car ce dernier s’était permis de le critiquer, de même il a comparé les services de sécurité des Etats-Unis à l’Allemagne nazie pour avoir divulgué les efforts de la Russie pour le faire élire. Qui plus est, il a également tenté dernièrement de discréditer McRaven en affirmant, sans aucune preuve, que Ben Laden aurait pu être appréhendé plus tôt. Après tout, Trump prétend être un meilleur stratège militaire que tous ses généraux. Dans un même ordre d’idées, Regev affirme aux inconditionnels du Likud que Gantz ne vaut rien, que seul Netanyahu et le Likud savent comment préserver la sécurité d’Israël.

En tête de la longue liste des dommages durables causés par Trump, on notera qu’il a prouvé aux hommes et femmes politiques de son espèce partout dans le monde, que les attaques personnelles, aussi odieuses et grotesques soient-elles, sont efficaces. Dans le climat politique hyper-polarisé qui caractérise aujourd’hui celui d’Israël et des Etats-Unis, des années vouées au service de la patrie au risque de sa vie ne valent plus grand chose. Le seul critère est le suivant : es-tu avec ou contre moi ? Approuves-tu silencieusement le Président quelles que soient les insanités qu’il profère, ou oses-tu dire le fond de ta pensée et t’opposer à ses mensonges délibérés ?

Dans le monde selon Regev et le reste de la droite israélienne, qui se complait de plus en plus dans les bas-fonds de la médisance, même les officiers militaires hautement distingués doivent rester « dans la  ligne, la nôtre » comme l’a dit une fois Lieberman à propos des hauts fonctionnaires. Autrement, la chasse est ouverte, tous les coups sont permis, et leurs détracteurs, de Trump à Regev, s’arrogent le droit de tuer.

Chemi Shalev , journaliste correspondant de Ha’Aretz, publie également un blog en anglais intitulé « West of Eden » qui traite des relations d’Israël avec la communauté juive américaine. Antérieurement, il a occupé la fonction de correspondant diplomatique pour Israel Hayom, le Jerusalem Post, Davar et Ma’ariv.

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