« Stimuler le leadership palestinien : le rôle de la jeunesse » est un article de Fadi Quran pour l’association Al-Shabaka, dont la mission est éducative et vise à favoriser le débat public sur les droits de l’homme palestinien et  l’autodétermination dans le cadre du droit international.

Il a été diffusé sur maanews.com, le site de Ma’an News Agency, agence de presse fondée en 2005 dans les territoires occupés par Ma’an Network — un média non-gouvernemental créé trois ans plus tôt par des journalistes indépendants de Cisjordanie et de la bande de Gaza. L’agence a noué des partenariats avec huit télévisions et douze radios locales et son site internet était devenu, en juillet 2014, le second en termes d’audience en Palestine.

Synthèse,Traduction & chapô, Blandine Le Roy pour LPM

Photo publiée par maanews.com [DR]

Al-Shabaka, le 7 juin 2018 maanews.com

maanews.com, les 8 & 11 juin 2018

<http://www.maannews.com/Content.aspx?id=780228>

L’article

« Au lieu de mettre fin à l’occupation, les dirigeants palestiniens actuels et leurs institutions sont devenus un élément clé de l’occupation. Pourtant, une nouvelle génération de leaders émerge lentement avec pour but de construire un nouveau cadre à la lutte palestinienne, d’éviter les erreurs du passé et d’assurer la liberté appelée à se réaliser du vivant de cette génération… »

Fadi Quran retrace la légitimité de tous les anciens dirigeants palestiniens : le Grand Mufti de Jérusalem à l’époque ottomane et du mandat britannique ; A‘hmed Shouqeïri et Yasser Arafat soutenus par la Ligue arabe ; Ma‘hmoud Abbas appuyé par le Fata’h et conforté par les États-Unis et Israël. Pour l’auteur, tous « ces dirigeants et leurs institutions ne correspondaient pas aux aspirations populaires, ce qui a conduit à la stagnation et à la dissidence publique. Cela provoque une lutte de pouvoir inter-palestinienne, souvent inter-générationnelle et hautement destructrice. La lutte prend fin quand survient une tragédie nationale qui détruit ou unit les factions rivales… » Puis un nouveau cycle intervient, fréquemment encouragé par l’Occident et qui se renouvelle sans résultat probant.

« Aujourd’hui, ce cycle semble bloqué. La direction palestinienne calcifiée a réussi à s’accrocher au pouvoir pendant plus de deux décennies [….]. L’AP est devenue une zone tampon entre les Palestiniens et l’occupation israélienne, une zone qui favorise largement l’occupation. Pendant ce temps, elle a transformé le paysage socio-économique en augmentant les inégalités, en élargissant les divisions politiques et en essayant même de modifier le paysage médiatique et éducatif afin d’affaiblir toute forme de lutte efficace contre l’occupation. »

« […] Une nouvelle génération de Palestiniens s’organise et monte en puissance. Ils attendent le bon moment pour transformer le statu quo et créer l’élan qui mettra fin à l’occupation. L’establishment de la sécurité israélienne, bien que ne comprennant pas complètement ces dynamiques, voit cela venir. Pour quelle autre raison le ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, aurait-il interdit le Mouvement des jeunes Palestiniens et l’aurait-il porté sur la liste des organisations terroristes ? […] Qu’est-ce qui effraie Lieberman ? Pourquoi les renseignements généraux palestiniens constituent-ils un dossier sur les “activités dirigées par les jeunes” ? »

Des groupes de jeunes se forment en Cisjordanie, à Gaza et même en diaspora. Ils se concentrent sur un travail bénévole ; ils échouent souvent dans leur entreprise, mais tentent quelque chose de nouveau. « La focalisation de cette génération sur l’action populaire et sa capacité à conceptualiser l’Autorité palestinienne comme un obstacle à un véritable mouvement de libération sont des éléments fondamentaux de son potentiel à transformer le modèle de leadership palestinien [aujourd’hui] stagnant. »[…] « Bien que les groupes de jeunes soient actifs sur les campus, les forces de sécurité palestiniennes en Cisjordanie et celles du ‘Hamas à Gaza ont transformé la politique étudiante et la campagne électorale en l’ombre de ce qu’elles étaient autrefois. »

Fadi Quran voit trois étapes indispensables à la concrétisation de l’espoir de ces jeunes :

— Redonner espoir : la rue palestinienne doit passer de la crainte du risque à l’espoir d’un avenir meilleur ;
— Dépasser le seuil de puissance : les jeunes doivent sentir qu’ils ont les ressources humaines nécessaires afin de franchir les obstacles que l’AP et Israël peuvent mettre en travers de leur chemin ;
— Se renforcer pour faire face à l’occupation : les jeunes devront saisir le moment où l’occupation commettra de sévères dégâts afin de mobiliser la population et d’échapper ainsi à la répression inter-palestinienne. Dans ce but, le seul moyen pour ces jeunes est d’affermir leur confiance en eux.

« Comment ces jeunes vont-ils éviter les erreurs passées ? […] Ce n’est qu’en développant une culture de responsabilité qu’une communauté peut produire des leaders capables de faire avancer la lutte. Si la Palestine a connu beaucoup de dirigeants, aucun n’a fondé de structure formant de nouveaux leaders. La création de cette culture ne se construit pas en légiférant mais par une pratique quotidienne. Dans un tel processus, celui qui entraîne le groupe doit s’assurer que l’équipe construit sa vision dans un esprit de collaboration garantissant que chacun en son sein devienne un leader, car il ne s’agit pas d’un processus inconséquent. »

Fadi Quran conclut : « Alors que d‘aucuns soutiennent qu’une approche du sommet vers la base de la réforme règlera les problèmes de leadership — en restructurant l’OLP, en obtenant une représentation et en organisant des élections — les dynamiques socio-économiques actuelles, la réalité de l’occupation et l’intervention internationale dans la politique palestinienne font de ces efforts de réforme une cible facile pour des manipulations politiques. […] Si cette génération (les jeunes d’aujourd’hui) réussit, non seulement elle libèrera la nation, mais elle fera en sorte que l’avenir au-delà de la libération soit plus beau que ce que beaucoup d’entre nous peuvent imaginer aujourd’hui. »

L’Auteur

Membre de l’association Al-Shabaka (qui se voue à l’éducation et à la défense des droits humains des Palestiniens et entend favoriser le débat public sur l’autodétermination dans le cadre du droit international), Fadi Quran a organisé diverses luttes au sein du puissant mouvement démocratique en ligne Avaaz.

Diplômé en Relations internationales et en Physique de l’université de Stanford, il a fait partie de l’équipe de chercheurs en droit international de l’Ong palestinienne Al-Haq aux Nations Unies et a fondé deux entreprises fournissant la Palestine et des pays voisins en énergie solaire et éolienne.