Editorial de Haaretz :   » Le parti au pouvoir ne saurait être autorisé à déployer ses troupes sans l’approbation ou la supervision de la Commission centrale des élections ni à intimider un pan entier de la société. »


Traduction : Bernard Bohbot pour LPM

Photo postée sur Facebook par la Société de Relations publiques – les dirigeants de la firme posent à côté du Premier Ministre Netanyahu et de sa femme Sara.

Crédit : Screenshot/Facebook

Ha’aretz, le 12 avril 2019

https://www.haaretz.com/opinion/editorial/big-brother-at-the-ballot-box-1.7111028


« Grâce à la présence d’observateurs dans chaque bureau de vote, le taux de participation est tombé de 50 %,  son plus bas niveau ces dernières années. » Voilà de quoi se vante une société de Relations Publiques qui s’est associée au parti au pouvoir, le Likoud, pour déployer le jour du scrutin, des personnes équipées de caméras et de matériel d’enregistrement dans plus de 1 000 bureaux de vote de communautés arabes. D’après ces gens, leur intention était de surveiller la « rectitude » de la société arabe, mais le responsable de l’opération, Sagi Kaizler, ancien chef du conseil des colons de Samarie de Cisjordanie, a admis que l’objectif réel était politique – à savoir réduire la force des partis arabes à la Knesset.

Le jour du scrutin de 2015, M. Kaizler, qui était également à l’origine d’une vidéo décrivant des militants de gauche comme des traîtres qui finissent par être pendus, avait recruté des observateurs juifs pour représenter les partis de droite dans les bureaux de vote des communautés arabes. « Les Arabes siègent  seuls au bureau de vote. Nous ne leur faisons pas confiance. On les laisse voter dans notre pays. Malheureusement, c’est la situation actuelle, mais ils devraient au moins soumettre de véritables votes« , a-t-il déclaré à l’époque. Cette fois-ci, la police a confisqué les caméras de Kaizler et le juge Hanan Melcer a interdit leur utilisation, mais en réponse à l’allégation selon laquelle le groupe luttait contre une présumée fraude électorale, il a autorisé l’utilisation d’enregistrements audio dans les cas où « l’on soupçonnerait de graves atteintes à l’intégrité de l’élection. »

Le déploiement par le Likoud, via Kaizler, d’une présence dans les bureaux de vote où les citoyens arabes israéliens, 20% de la population du pays, déposent leurs bulletins de vote, est un moyen d’intimidation et de police de la part du parti au pouvoir contre la population arabe – une suite directe de la délégitimation des Arabes israéliens par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et ses partisans – cette fois sur le terrain. En cas de soupçon de fraude électorale, la Commission centrale des élections est habilitée à décider à l’avance qui devrait être autorisé à effectuer la surveillance. Le parti au pouvoir ne saurait être autorisé à déployer son personnel sans l’approbation ou la supervision de la Commission centrale des élections ni à intimider un pan entier de la société. Cela constitue également une violation présumée de la loi électorale de la Knesset (amendement 6), qui stipule que quiconque « perturbe le bon déroulement des élections » est passible d’emprisonnement.

Le juge Melcer a décidé de ne pas intervenir le jour du scrutin et d’éviter les affrontements, mais il faut maintenant enquêter sur cette affaire afin d’en tirer des conclusions pour les prochaines élections. Tout citoyen arabe doit pouvoir se présenter à un bureau de vote sans crainte de faire l’objet d’un enregistrement par les autorités. La large participation des Arabes aux élections est vitale pour assurer la démocratie.

L’article ci-dessus est l’éditorial principal de Haaretz, tel que publié dans les éditions hébraïques et anglaises.