11 février 2009


Après une veillée électorale quelque peu ennuyeuse, car les projections publiées par les instituts de sondage se sont révélées pour une fois assez justes, quelques réflexions sur les résultats des élections israéliennes (99% des bulletins ont été dépouillés, mais les résultats officiels ne seront proclamés que dans quelques jours, après le dépouillement des votes des soldats).

1/ Contrairement à tous les pronostics, Tzipi Livni a devancé de peu Benjamin Netanyahou (28 mandats contre 27). Il est certain que le vote utile a joué, et que de nombreux électeurs traditionnels du Meretz et du Parti travailliste ont voté contre Bibi.

2/ Cela n’assure pas à Tzipi Livni le poste de prochain premier ministre. Le Likoud possède en effet un avantage certain en voix (bloc droite – extrême droite – religieux) et Benjamin Netanyahou semble, pour l’heure, le mieux placé pour constituer une coalition.

3/ Le bloc de gauche a été balayé (voir plus haut). Les travaillistes envisagent sérieusement de siéger dans l’opposition (mais on a déjà vu les travaillistes sacrifier leurs principes, ou ce qu’il en reste, pour des porrtefeuilles plus ou moins prestigieux). Ehoud Barak n’a pas profité de « l’effet Gaza ». Il s’agit d’une véritable punition pour un parti vieillissant qui, il y a à peine deux ans, brandissait encore l’étendard de la justice sociale dans sa campagne électorale pour l’abandonner dès son accession au pouvoir pour le « plat de lentilles » du ministère de la défense. Quant au Meretz (3 sièges), totalement marginalisé, la question de la coalition ne se pose pas.

4/ C’est aujourd’hui Avigdor Lieberman qui devient un élément incoutournable de toute coalition éventuelle. Il a considérablement élargi sa base électorale qui n’est plus uniquement russophone : les villes du Sud bombardées par le Hamas (Sderot, Ashkelon, Beer Sheva) ont voté massivement pour lui. On pourrait « se consoler » en remarquant que Lieberman (et surtout son électorat russophone) est très anti-religieux, mais on a vu depuis longtemps en Israël des alliances carpe – lapin plus surprenantes.

5/ Les partis religieux ne montent pas en nombre de sièges. Ni le Shas, ni les partis messianiques. Là aussi, le vote utie a probablement joué.

6/ Malgré les invectives et les menaces de Lieberman à l’égard des électeurs arabes israéliens (et peut-être à cause d’elles), ces mêmes citoyens arabes israéliens ont continué de participer aux élections et ont voté pour leurs partis traditionnels (la participation du secteur arabe est en augmentation). Le parti Hadash (ex communiste, aujourd’hui plutôt arabe nationaliste), obtient un bon score (4 sièges). La personnalité de son chef de file Dov Khenin, ancien candidat à la mairie de Tel Aviv et auteur d’une excellente campagne, a probalement un peu joué à la marge. Le bloc des partis arabes obtient 11 députés.

7/ Aucun « petit parti » surprise n’a surgi à l’instar de « Gil » (retraités) lors des précédentes élections. Des hommes politiques honorables et favorables au processus de paix, tels Ami Ayalon et Gershon Baskin, qui avaient choisi de se présenter sous la bannière d’une curieuse alliance Verts + Meimad (religieux proches des travaillistes), ont subi un revers cinglant et n’obtiennent aucun député. Autant de voix perdues à gauche.

8/ Conclusion : le « processus de paix », déjà moribond, s’éloigne encore. A moins qu’Obama… Il est d’ailleurs possible que l’élection d’Obama jouera un rôle dans la constitution d’une future coalition « Obama-compatible ». Il suffit d’ailleurs de jeter un œil sur la charte du Likoud, qui promet de garder toute la « Judée et Samarie » et qui ne reconnaît aucun Etat palestinien. Il est vrai que les chartes des partis politiques peuvent se révéler « caduques », mais on part de loin…

9/ Concernant Obama, il est possible que son rôle ait pu avoir deux effets contradictoires : pour les uns, choisir un parti Obama-compatible, pour les autres, choisir justement un parti aux positions plus dures, garantissant ainsi une résistance aux pressions dont les électeurs prévoient qu’Obama pourrait exercer sur Israël.

10/ Il est intéressant de noter l’analyse que fait le CRIF de ces résultats dans sa dernière revue de presse : « Israël Beiteinou (droite radicale), annoncé comme le grand gagnant de ces élections, en particulier par la presse arabe au Proche-Orient, n’a finalement obtenu que 15 sièges, contre le parti travailliste (gauche), annoncé comme le grand perdant aux premières estimations, et qui a finalement obtenu 13 sièges (seulement deux sièges de moins). »

Alors qu’Israel Beitenou d’Avigdor Lieberman, parti raciste, xénophobe, « poutinien » en quelque sorte, est devenu la 3e formation du pays, avec, il est vrai moins de sièges que prévu (certains sondages allaient jusqu’à 20 !), le CRIF ne trouve à dire sur lui que seule « la presse arabe au Proche-Orient » s’inquiétait de la menace qu’il représentait. A croire qu’au CRIF, on ne lit ni la presse israélienne, ni celle du monde entier. Non, seuls les méchants Arabes s’en inquiétaient. Et le fait de se consoler en faisant remarquer que les travaillistes (on pourrait discuter du terme de « gauche », mais soit) recueillent « seulement » deux sièges de moins que Lieberman, alors qu’ils ont subi une défaite historique et sont devancés par un parti fascistoïde, relève pour le moins du déni.