S’agissant de l’une des élections les plus cruciales de l’histoire du pays, il n’est pas exagéré de dire que l’enjeu des prochaines élections est de sauver la démocratie en Israël.


Traduction : Bernard Bobhbot pour LPM

Photo : le Premier  ministre Netanyahu lors d’une conférence de presse, Jérusalem, le 21 mars 2019.  © Olivier Fitoussi.

Editorial de Haaretz, 8 mars 2019

https://www.haaretz.com/opinion/editorial/saving-israeli-democracy-1.7063911


La Conférence Haaretz sur la démocratie en Israël a eu lieu 12 jours avant les élections à la 21e Knesset. Il s’agit de l’une des élections les plus dramatiques de l’histoire du pays.

Le candidat de droite, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, fait campagne alors que le procureur général Avichai Mendelblit a décidé de le poursuivre et l’inculper (il reste encore une audience pour que la décision soit définitive) pour corruption, fraude et abus de confiance. Par ailleurs, Netanyahu fait face à de graves révélations qui doivent encore être examinées, concernant sa participation présumée dans l’affaire de délit d’initié dans l’affaire des sous-marins.

En outre, la 20e Knesset et le quatrième gouvernement de Netanyahu ont consacré l’essentiel de leurs efforts à attaquer la démocratie et ses institutions par des législations antidémocratiques visant à affaiblir la Haute Cour de Justice et à limiter le pouvoir des institutions démocratiques. Ces législations cherchent également à porter atteinte à la séparation entre les pouvoirs publics, à la liberté d’expression et au concept d’égalité, en particulier celui des citoyens arabes du pays, tout en essayant de restreindre les droits humains et civils.

Nous manquons d’espace dans cet éditorial pour expliquer en détails les  projets de lois consacrés à ces objectifs. Heureusement, certains ont été repoussés au dernier moment, grâce, entre autres, au leader de Kulanu, Moshe Kahlon.

Le blitz législatif tout au long du mandat de ce gouvernement a été incessant. De nombreuses initiatives ont été bloquées à différents stades du processus législatif. Il s’agissait notamment de plusieurs versions d’une loi qui aurait permis à la Knesset de légiférer à nouveau sur toute loi que la Haute Cour aurait annulée ; la loi qui aurait permis aux ministres de nommer le conseiller juridique d’un ministère ; la modification du système de nomination des juges ; la loi dite  » loi française « , qui aurait interdit la mise en accusation d’un Premier ministre sortant ; et une loi visant à faire respecter les institutions culturelles par le gouvernement.

Malheureusement certaines de ces lois ont été adoptées, dont l’une autorisant les membres de la Knesset à évincer un de leurs collègues, la loi restreignant le groupe de défense des droits de l’homme, Breaking the Silence, une loi obligeant les groupes sans but lucratif de gauche à signaler les dons étrangers, une loi régissant le financement du cinéma, et la loi phare de l’État-nation, qui ne stipule même pas l’égalité des droits entre tous les citoyens de l’État, ancrant dans la loi la primauté des Juifs sur les Arabes.

Mais cette attitude vile de la Knesset ne s’est pas arrêtée là. Cet activisme législatif s’est accompagné d’un bruit de fond sous la forme d’une délégitimation des médias, des tribunaux, des forces de l’ordre impliquées dans l’enquête sur Netanyahu, du ministère public, de la police et de son commissaire sortant, Roni Alsheich, de l’opposition et des groupes des droits humains. En outre, des professeurs d’université et des artistes « de gauche » ont été persécutés, et la minorité arabe a fait l’objet d’une incitation débridée. Pas plus tard que cette même semaine, Netanyahu a été interviewé sur la chaîne de télévision 12, où il a accusé de manière indécente les partis arabes de soutenir le terrorisme.

L’élection qui doit avoir lieu le 9 avril a été avancée par Netanyahu afin que la publication de la décision du procureur général précède son acte d’accusation. De plus, on craint beaucoup que Netanyahu, s’il est élu, n’utilise son prochain mandat pour légiférer des lois qui empêcheront sa mise en accusation. Il n’est pas exagéré de dire que l’enjeu des prochaines élections est de sauver la démocratie israélienne.