Le kibboutz s’est considérablement transformé au cours de ces 40 dernières années, d’aucuns même parlent de sa quasi disparition. Mais « le cadavre bouge encore » et « l’esprit kibboutz » semble perdurer, voire se renouveler en s’incarnant dans de nouvelles formes organisationnelles, non plus à la campagne mais en ville, non plus pour promouvoir l’égalité entre ses membres mais pour atténuer les disparités sociales et économiques avec les communautés défavorisées.

Traduction: Armande KAPLANSKI   pour LPM

Légendes des photos:

Nomika Zion, fondatrice du Kibboutz urbain Migvan à Sderot. 

Les membres du Kibboutz Migvan de Sderot ont construit leur ppropre environnement au sein de la ville. 

Auteur : Abigail Klein Leichman,  20 septembre  2018, pour  ISRAEL21c – uncovering Israel

https://www.israel21c.org/urban-kibbutzim-plant-seeds-for-improving-city-life/

Abigail Klein Leichman est écrivain et rédactrice adjointe à ISRAEL21c. Avant de s’établir en Israël en 2007, elle était rédactrice spécialisée et correctrice pour un important quotidien de New Jersey. En tant que free lance, elle a contribué pour divers journaux et périodiques depuis 1984.


Le  vieux modèle  socialiste  prend  une  orientation moderne  et  des communautés motivées  font  une incursion  sociale  dans le monde israélien des banlieues  défavorisées 

Guy  Guardi est membre fondateur du kibboutz urbain Beit Israël, créé il y 25 ans dans la banlieue sud de Jérusalem (Gilo Aleph). Il ne se considère pas comme un pionnier semblable aux fondateurs du kibboutz  presque centenaire Ein Harod, dans la vallée de Jezreel, où il a grandi.
A l’origine, ces communautés égalitaires  (kibboutz signifie « rassemblement »  ou  « collectif ») se battaient pour établir des fermes fertiles sur un sol aride, alors qu’aujourd’hui, le kibboutz urbain a pour but d’améliorer la qualité de vie et d’éducation dans un environnement défavorisé. C’est une façon différente d’être  pionnier.

 » L’unique but d’un kibboutz urbain est de reprendre la vieille idée du kibboutz (un groupe de personnes vivant ensemble et partageant leurs ressources pour s’entraider afin  d’accomplir leur mission) et l’appliquer à un environnement social plutôt qu’agricole« , explique Guardi. Au début, il y avait cinq familles laïques ou religieuses dans le kibboutz  Beit Israël en 1993. Elles  emménagèrent dans un centre de primo-arrivants et tendirent la main aux résidents des logements publics environnants. « Nous travaillons avec des gens merveilleux qui traversent malheureusement beaucoup d’épreuves. Pour le comprendre, nous devons vivre parmi eux, les respecter et construire la confiance.  Cette relation doit influencer les deux parties » déclare Guardi à ISRAEL 21c. « De toutes les choses que j’ai accomplies, la plus importante est simplement de vivre là et d’être un ami et un voisin compatissant« . Les membres fondèrent Kvutsat Reut, à but non-lucratif, afin de promouvoir l’action sociale et le pluralisme religieux à Gilo Aleph.

Kvutzat Reut-Kibboutz Beit Israël offre des programmes informels d’éducation pour tous  âges, revitalise les établissements publics pré-scolaires et élémentaires touchés par une baisse d’inscriptions. Il a fondé « Mechinat  Beit Israël » qui s’adresse à des jeunes avant l’armée et propose un programme d’étude, de formation de leaders et de préparation à l’action sociale locale, programme qui attire les étudiants tant israéliens qu’étrangers.

« Le kibboutz Beit Israël  est l’un  des premiers à  inventer ce modèle  et beaucoup de gens sont venus ici pour l’étudier au cours de ces 25 dernières années » déclare Omer  Leftkowitz , membre de longue date. « Israël est empli de gens  qui cherchent  une vision et une vie qui ait du sens. Les communautés investies d’une mission ouvrent la voie pour y accéder« . (Cf. https://www.youtube.com/watch?time_continue=118&v=ixXL1WIVHlg)

Un nouveau mouvement social
Nomika Zion, fondatrice du kibboutz urbain Migvan, au sud de la ville de Sderot, estime que plus de 200 kibboutzim urbains ou communautés similaires existent à travers Israël. Sans cesse de nouveaux sont créés. « C’est un nouveau mouvement social » dit-elle. Ce mouvement inclut les  communautés de Garin Torani rassemblant de jeunes familles religieuses, les villages d’étudiants volontaires appartenant à l’association Ayalim dans le Neguev et en Galilée, ainsi que des communautés non-juives (dont les Druzes).

« Ils ont en commun leur profonde implication dans le bien-être social et l’éducation de leur cité ou leur ville » déclare N. Zion à ISRAEL 21c. Elle héberge souvent des visiteurs, des reporters et des étudiants étrangers qui tentent de comprendre le phénomène. Elle commence avec sa propre histoire : elle est  kibboutznik de 3ème  génération. «J’ai été élevée dans les valeurs d’égalité mais tout près se trouvait une ville d’immigrants d’Afrique du Nord que nous ne rencontrions jamais. Je voulais abattre ce mur métaphorique, partager ma vie avec des gens d’origines différentes et essayer de construire des relations qui ne soient pas basées sur la domination de quiconque« . 

Six  jeunes pionniers suivirent N. Zion à Sdérot en 1987. A cette époque, les enfants des immigrants marocains qui avaient fondé la ville avaient grandi et nombre d’entre eux s’engageaient activement pour améliorer leurs conditions de vie. « Des changements passionnants se produisaient et nous voulions y prendre part. Quand nous commençâmes, nous n’obtînmes aucun soutien du Mouvement kibboutzique ni du gouvernement, mais nous voulions créer une autre forme de communauté en Israël« . Les membres  du  kibboutz Migvan vécurent pendant 14 ans dans un hébergement social avant d’acheter la terre et d’y construire leur  propres maisons et leur Centre Communautaire.

Ils fondèrent la première  compagnie high-tech de Sdérot. Les propriétaires du kibboutz et les ouvriers de la ville qui y travaillaient percevaient un salaire égal et prenaient démocratiquement les décisions concernant la gestion. En 1994, ils fondèrent l’association « Gvanim » destinée à procurer à tous, en particulier aux Israéliens nécessiteux, des opportunités égales d’emploi et d’éducation. En 2008, ils construisirent des maisons pour environ 20 personnes handicapées de manière qu’elles puissent vivre parmi  eux.

Aujourd’hui, la compagnie High-Tech et Gvanim sont indépendants. Un grand nombre des 100 membres du kibboutz  Migvan sont impliqués dans ces entreprises mais sont libres de travailler où ils le veulent. Sans sacrifier les activités partagées comme les repas, les soins aux enfants, les célébrations des fêtes et les séminaires  éducatifs, la structure économique et sociale est devenue plus flexible. Il en est ainsi dans beaucoup des 250  kibboutzim  traditionnels à travers  Israël.

« Au fil des années, de nombreuses familles se sont jointes à nous, sans désir d’économie partagée. Aussi aujourd’hui, six familles seulement y participent » explique N. Zion. « Chacun est très proche de l’autre malgré les différences. Les gens contribuent de différentes manières« . Un changement similaire a eu lieu au kibboutz Beit Israël à Jérusalem. Ses 10 familles de base sont soutenues par un groupe indépendant  de 60 familles environ qui  contribuent à effectuer les programmes de Kvutzat  Reut.

Mechinat Beit Israël comptait la première année 60 hommes et femmes et 25  la seconde. Leifkowjtz, âgé de 40 ans maintenant, diplômé de la première promotion de Mechinat Beit Israël, vint après l’armée en 2002 rejoindre le kibboutz urbain. Il enseigne au collège et dirige les activités concernant l’aluminium qui ont commencé dans 6 kibboutzim similaires en Israël. Bon nombre d’enfants à risque du voisinage bénéficient du programme « Kvutzat Reut ». Ils reviennent après l’armée et deviennent des partenaires dans l’amélioration de leur environnement. « Les projets sociaux que nous réalisons touchent de plus en plus de gens » dit Leibowitz . « Ce n’est pas qu’un projet; c’est la vie. Vous avez besoin de personnes qui considèrent cela comme une mission« .

Construire  ensemble  la société d’Israël
Dans un quartier  pauvre du  nord de Nazareth Illit, 150 membres du  Kibboutz urbain Mishol – la  moitié d’entre eux étant des enfants – résident dans un ancien centre pour immigrants  de  huit  étages. Environ vingt pour cent sont des seniors. Les immigrants venus de l’ancienne Union Soviétique et les Arabes, musulmans et chrétiens, y sont majoritaires. « Nous avons  commencé il y a environ vingt ans » dit un membre fondateur, James Grant Rosenhead, 44 ans, venu de Grande-Bretagne en 1999. « Nous travaillons avec toutes les populations, dans un environnement où sévit le racisme, et amenons les enfants à construire ensemble la société d’Israël ».

Les membres du kibboutz Mishol gèrent l’école élémentaire et Tikkun (« Réparation »), le programme-phare de leur ONG, inclut des activités post-scolaires et un centre d’accueil pour jeunes. Cette année, ils construisent une serre éducative. Tikkun prend la direction, dans le cadre des 50 antennes des Mahanot Ha Olim (un mouvement de jeunesse fondé en 1929 pour aider à établir des kibboutzim agricoles), d’une action visant  à préparer les jeunes à fonder des « communautés urbaines intentionnelles « .*
« Nous avons maintenant un réseau de six kibboutzim actifs : outre le nôtre, les kibboutzim de Rishon le Zion, Eilat, Migdal Haemek, Haïfa et la vallée du Jourdain » déclare  Rosenhead à ISRAEL21c . « Nous les aidons à établir les projets  d’éducation  et les projets  sociaux dans leur environnement« .

Quatre-vingts pour cent des membres adultes du kibboutz Mishol choisissent de travailler dans les projets lancés localement et nationalement par Tikkun. Rosenhead, anciennement Directeur général adjoint de Tikkun, s’est récemment reconverti en tant que programmateur informatique pour travailler dans la start-up de développement de bases de données que le kibboutz a créée.

Hazon, (« Vision »)**, laboratoire juif concernant la durabilité basé aux U.S.A, est en train de lancer un projet afin de mettre en relation des communautés intentionnelles en diaspora avec celles existant en Israël. Rosenhead servira de guide pour les visites en Israël.

N. Zion, membre du kibboutz Migvan ajoute : « Quand  vous  créez  un nouveau modèle social de vie, cela est très romantique. Puis vous rencontrez la réalité, avec ses compromis et ses déceptions. Et, cependant, je n’aurai pu rêver il y a 33 ans que la réalité serait encore  plus  belle que le  rêve« .

*Communauté intentionnelle: notion en sociologie utilisée pour désigner un ensemble de personnes d’origines diverses ayant choisi de vivre ensemble en un lieu donné et sous une forme organisationnelle et architecturale définie. C’est l’intention qui distingue la communauté d’une autre.  

**https://hazon.org/about/overview/