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Haaretz, 17 decembre 2003

par Ron Pundak[[Ron Pundak est le directeur exécutif du Peres Center for Peace, et l’un des auteurs du pacte de Genève.]]

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Comme prévu, le pacte de Genève a ete accueilli en Israël par de dures critiques. Les attaques déchainées et mensongères venues de la droite etaient prévisibles. Celles des proches d’Ehud Barak, ou fondeées sur l’aveuglement de la doctrine tordue de ce dernier, étaient attendues, elles aussi. La plus inquiétante, cependant, a été la critique de la part de ceux dont on aurait pu s’attendre à ce qu’ils se joignent à l’initiative, et qu’ils contribuent à expliquer les avantages qu’elle représente pour l’Etat d’Israël et pour l’avenir du sionisme.

Parmi ceux-ci, on peut distinguer deux types. L’un, au nom de la critique, biaise les faits, et l’autre traite l’accord directement, mais prend l’ombre de la montagne pour la montagne elle-même. Le professeur Shlomo Avineri, par exemple, a écrit dans Yediot Aharonot que « le peuple juif n’est pas mentionné dans le document », et a évoqué la possibilité que « parmi les signataires palestiniens, il y en ait qui pensent qu’il n’existe pas de nation juive ». Avineri, l’un des universitaires les plus éminents d’Israel, a tort et trompe son monde.

L’un des premiers articles du pacte de Genève commence par ces mots : « l’Etat d’Israel et l’OLP … affirmant que cet accord marque la reconnaissance du droit du peuple juif à un Etat et la reconnaissance du droit du peuple palestinien a un Etat ».

De plus, l’important article traitant de Jérusalem commence par ces mots : « les parties reconnaissent l’importance historique, religieuse, spirituelle et culturelle de Jérusalem et son caractère sacré pour le judaïsme ». L’article stipule aussi que « au regard du caractère sacré de l’Esplanade, et à la lumière de l’importance religieuse et culturelle particulière du site pour le peuple juif, il n’y aura ni fouille, ni excavation, ni construction sur l’Esplanade, à moins que cela ne soit approuvé par les deux parties ». Ces deux articles representent une réussite énorme pour Israël en comparaison des positions des parties aux negociations de Camp David, et
devraient répondre aux objections soulevées par Avineri.

Le professeur Asher Susser, qui le 21 novembre a publié dans Haaretz un article critiquant le traitement par Genève du problème des réfugiés, est un intellectuel honnête et très sérieux, et qui a, contrairement à de nombreux autres critiques, vraiment lu le texte du pacte. Pourtant, après l’avoir lu dans tous les sens, il en est encore à critiquer de minuscules details.

Susser se trompe dans sa perception du document, qui avant toute chose est
destiné à prouver qu’il est possible d’obtenir un accord équitable et réalisable entre les parties sur tous les problèmes en contentieux, et cela même constitue un succès considérable. Le pacte de Genève n’est pas nécessairement le véritable accord que signeront les parties, et il est donc bon d’en examiner les articles les moins importants, et en cela, l’aide de Susser est la bienvenue. Aux points où il sera possible d’etre plus rigoureux, il faudra l’être lors des negociations. Mais faire des quelques points d’interrogation l’objet entier et à travers eux critiquer l’accord en général, cela est une erreur majeure.

Dans l’accord, la section « réfugiés » est sans équivoque, et peut servir de base ferme à tout accord futur. Il n’est pas anodin que, du côté palestinien, ceux qui ont participé à la formulation de cette section voient leur vie menacée. Là-bas, dans les camps de refugiés, on comprend tres precisément la signification sans ambiguité de ce que dit le document : il n’y aura pas de droit au retour, et Israël est souverain dans la décision concernant le nombre de refugiés qu’il acceptera, dans un contexte moral et humanitaire.

De plus, selon le pacte de Genève, apres mise en oeuvre de cet article, les
Palestiniens ne pourront plus présenter de revendications. La clé, ici, est la fin du conflit, la fin des revendications, et la clôture d’un dossier douloureux ouvert il y a 55 ans. La résolution 194 des Nations Unies ne constitue la base d’une solution qu’en fonction de ce qui apparaît dans le document, et là, la mise en oeuvre est définie, et il est parfaitement clair qu’il n’y a pas de droit au retour. De plus, l’accord dit que la mise en oeuvre de cet accord constituera le règlement du conflit dans tous ses aspects. Il faut etre franc et dire que, même plus tard, il y aura des
réfugiés qui continueront à exiger ce qu’ils considèrent comme « juste », mais ce qui est clair, c’est que l’accord ne permet pas à ce droit de devenir réalité.

Le pacte de Genève est considéré par ses auteurs comme une initiative qui, de fait, réaliserait la véritable vision du sionisme.

Il ne s’agit pas d’un rêve fou, et ce n’est pas non plus la position de quelques marginaux. Les auteurs de l’accord et ses partisans des deux côtés représentent un public tres important. Les encouragements venus de pays qui soutiennent traditionnellement Israël, comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne, comme de dirigeants d’Etats arabes modérés comme l’Egypte, la Jordanie et le Maroc, et de personnalités comme Bill Clinton et Jimmy Carter, renforcent encore le sentiment qui est en nous, héritiers du sionisme pragmatique : nous avons en mains quelque chose de sérieux.