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Ha’aretz, 30 juillet 2005

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Les trois flèches qui indiquent les directions de l’attaque planifiée par les colons et leurs partisans pour la semaine à venir ne sont rien d’autre que le cœur d’un plan de guerre. Des dizaines de milliers de citoyens de l’Etat d’Israël s’apprêtent à combattre le gouvernement, le parlement, l’armée et la police d’un Etat souverain : le leur. Il s’agit là d’un irrédentisme violent, du fait d’une petite minorité qui a sa propre culture, ses propres lois, et pour qui la source de l’autorité n’est pas élue par l’ensemble des citoyens. Ce qui ne l’empêche pas de ne voir aucune objection à être financée par l’Etat contre lequel elle se bat; auquel elle fait la guerre.

Cette semaine, ce plan de guerre va obliger les Forces de défense d’Israël et la police d’Israël à déployer des milliers de policiers et de soldats pour défendre les lois et la souveraineté de l’Etat. Le prix sera insupportable. Il ne s’agit pas seulement du prix par soldat ou par policier, du prix de la nourriture, du carburant et de la maintenance des véhicules, qui va se monter à plusieurs dizaines de millions de shekels, mais aussi de la déshérence dans laquelle va être laissée la défense du pays pendant ce laps de temps : les citoyens seront moins protégés par la police, les dispensaires d’urgence du Magen David Adom (Etoile de David Rouge, équivalent de la Croix Rouge) seront mobilisés au service de la guerre contre les colons, et Tsahal devra diminuer son activité de défense de routine, afin de bâtir couche après couche autour de la bande de Gaza. [[pour étayer ce qu’écrit Zvi Bar’el : les opposant au retrait ont collé cette nuit dans les rues de Tel-Aviv des affiches qui préviennent les habitants que, la police étant « occupée à expulser des Juifs », il seront donc vulnérables aux voleurs en tous genres.]]

Les citoyens d’Israël sont en droit de se sentir abandonnés pendant cette période, à cause des colons. Dans un pays normal, la majorité serait déjà sortie de ses gonds : laisser un groupe relativement restreint lui dicter son ordre du jour de cette façon, à un prix si élevé, payé de sa poche, cela serait inconcevable. N’est-il pas possible d’exiger qu’au moins, cette opération de défense contre les factieux soit payée sur le budget alloué à ces mêmes factieux?

Mais les colons savent qu’ils ont sur qui compter. Cette fois encore, la majorité qui paye restera chez elle, et les convois orange passeront et lui riront au nez, à ces pigeons qui continuent à obéir aux lois. Les femmes, encore une fois, feront « tss, tss » à la vue de leurs fils soldats ou de leurs maris policiers subissant les insultes odieuses qui pleuvront de tous côtés. Et si ce n’était que les insultes. Cette fois, les colons juifs ont compris la leçon de la première marche, et tentent, ouvertement, d’épuiser les forces de sécurité. Il semble que la question n’est plus la préservation de la « Terre sainte » de Gaza, mais plutôt de qui gagnera la guerre. Pour atteindre leur but, ils sont prêts à passer sur le corps de ceux d’entre eux qui ont déjà demandé à quitter le champ de bataille, à préparer leurs nouveaux foyers et à prendre un nouveau départ.

Il n’y a rien de plus légitime pour une minorité que de participer à la prise de décision citoyenne. C’est même l’essence de la démocratie. Mais il n’y a pas de plus grand crime contre la démocratie que la tentative par une minorité de prendre le contrôle de cette prise de décision. Le Moyen-Orient abonde d’exemples où des organisations radicales minoritaires, sous couvert de démocratie, tentent de renverser des régimes et de les remplacer par des théocraties.

Le peuple d’Israël, depuis la création de l’Etat, a dans son immense majorité fait du jeu politique le champ de bataille légitime. Une armée juive secrète? Les Fidèles du Mont du Temple? La jeunesse des collines? Des assassins juifs? Ceux-là étaient à la marge de la marge, une marge hallucinée et délirante. Mais que faire si cette marge se met en branle, dans les directions indiquées par les trois flèches, vers Gaza donc, mais au bout du compte vers Jérusalem? Que faire si ce sont aujourd’hui des « citoyens compatissants » comme le leader des colons Pinhas Wallenstein ou le député d’extrême droite Zvi Hendel qui jouent le rôle habituellement joué par les dingues ? Que faire quand l’extrémisme devient le centre?