Texte : David GROSSMAN  à  Kaplan samedi dernier – Manifestation Des élections maintenant, Tel-Aviv, le 22 juin 2024
Traduction libre : Dory groupe WhatsApp  » Je suis  Israël »

Photo : © Tomer Neuberg/Flash90

(Captation de l’intervention de David Grossman – Tel Aviv, 22 juin 2024, sous-titrée anglais)
Mis en ligne le 29 juin 2024

 


Soudain s’envole un cri,
Venu de nulle part,
Comme un coup de fouet
Précis et cinglant. Il nous a réveillé d’un sommeil profond-
En colère-
Dites, êtes-vous devenus fous ou quoi ?
Renoncer à tout cela ?
Comme ça, déjà, perdre l’espoir ?
Sans se battre vraiment ?
« Laisse », avons-nous répondu,
« Laisse-nous nous recueillir sur ce qui nous arrive,
Pleurer nos morts,
Attendre que cela se termine »,
Cette chose – nous n’avons pas de mot pour la décrire,
Comme muets en face de cette affliction,
En face de l’infâmie que subissent nos otages.
Alors laisse-nous être, seulement être
Sans comprendre sans penser
Jusqu’à ce que s’arrête la souffrance
Du pays ravagé, du pays bafoué,
Du pays violé.
Pour une minute, les lumières ont tremblé, pour une minute les tunnels ont gémi.
Et le monde était noir et blanc.
Et le monde était charbon et glace.
Et nous nous sommes levés au milieu de la nuit,
Ma femme, moi et l’enfant,
Et le cri posé sur une épaule,
Et l’espoir sur mon autre épaule
En respiration artificielle et endormi.
« Car combien de temps pouvons-nous comme ça? » a dit ma femme doucement,
Pour que l’enfant n’entende pas,
Pour qu’il ne soit pas pris de panique,
« Nous étions les plus hightech au monde, et une nation start-up,
Et maintenant il s’avère que nous avions une infirmité,
Que nous n’étions qu’un groupe de chant de première partie
Pour celui qui sur la grande place criait « Srak, Srak » _(Yigal Amir : « Bluff, bluff »)_
« Regarde », a murmuré ma femme,
« Voilà, ça arrive comme ça,
Ça a l’air comme ça quand ça arrive vraiment »-
Nous avons vu-
Nous avons vu de longues colonnes de voitures, silencieuses,
S’écoulant des montagnes vers les vallées,
Englouties dans des navires, englouties dans les mers.
« Comme si, en un jour d’horreurs, ce pays était devenu trop exigeant, au-delà de nos capacités », dit ma femme surprise.
Non, non, a ricané un jeune homme qui passait sur une trottinette
Avec un pistolet à sa ceinture.
Non, non, sauf qu’un jour de terreur, le désir d’un pays qui soit le vôtre s’est éteint pour vous, s’est peut-être perdu pour vous, ou, peut-être, vous ne l’avez jamais éprouvé. »
« Et ce n’est pas que nous nous enfuyions », ai-je dit à ma femme,
« Nous changeons seulement de disquette,
Nous nous relocalisons à l’intérieur »
Soudain, l’enfant a parlé : « Yallah, levez-vous de vos cendres, les parents,
La peur et le désespoir vous donnent l’alerte » –
C’est ainsi qu’a parlé notre fils, et en face de ses yeux se sont renforcées
Les images d’un album que nous ne connaissions pas, d’une enfance ensanglantée,
une enfance de guerre, déchirée dans le berceau,
Avec, ici et là aussi, des images d’une enfance intensive…
« Car si nous ne nous levons pas des cendres maintenant », dit notre fils,
« Nous ne nous lèverons plus, plus jamais »,
« Ou bien, nous nous lèverons si différents »
A dit ma femme, « si étrangers et si terribles,
Si durs et si amers,
Et méconnaissables »-
« Jusqu’à ce que nous ne soyons plus jamais
La mauvaise génération ».
« Maintenant c’est la dernière minute »,
A rugi mon fils « et même si ça a l’air d’un cliché,
D’un outil pour une heure   _(Kli Shaa)_
Les règles sont en train d’être rédigées.
Ceux qui ont été abandonnés – quittent,
Ceux qui ont été laissés pour compte – renoncent.
Parle-moi, mon père,
Aide-moi à respirer,
Je vieillis, mon père, je suis au bout du rouleau,
Mon âme est fatiguée, épuisée.
Donne-moi de l’espoir, donne-moi une raison –
« Tu restes silencieux, mon père, je le dirai à ta place :
Maintenant c’est l’heure de se battre, les hommes, les femmes-
Maintenant c’est l’heure de sortir dans les rues et sur les routes.
Et il y a pour qui se battre, et il y a pour quoi,
Car un tel cadeau, un cadeau de la vie,
Ne nous sera jamais offert une seconde fois.
Et un autre pays ne s’épanouira pas de la discorde.
Et il y a pour qui se battre,
A ce jour tout dépend de vous.
Maintenant c’est le moment de se lever, de vivre,
D’être un peuple ou de ne pas être,
D’être un homme ou de ne pas être,
Et il y a pour qui et il y a pour quoi,
Et tout ne tient
Qu’à un fil. »