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Compte-rendu du colloque : « Ou va Israel ? »
[Du 28 novembre au 1er decembre, le Cclj et les Amis Belges de Shalom Akhshav
ont accueilli un colloque international consacre a la situation politique en
Israel. Des experts scientifiques, des journalistes et des responsables
politiques ont mene une reflexion globale sur l’echec du processus de paix
et ont tente de degager des pistes pour une solution pacifique au conflit.
Ce colloque a egalement permis au public de mieux connaitre le mouvement
israelien Shalom Akhshav et de decouvrir l’Institut Givat Haviva.]

mise en ligne : jeudi 16 janvier 2003

Par Nicolas Zomersztajn – Regards n°536 – 7 janvier 2003


Depuis sa creation en 1978, le mouvement Shalom Akhshav milite pour la fin de
l’occupation de la Cisjordanie et Gaza et en faveur de la creation d’un Etat
palestinien aux cotes d’Israel. Le combat mene par ce mouvement s’inscrit
dans une perspective entierement sioniste.

Comme le souligne Dan Bitan, responsable national de Shalom Akhshav et
specialiste de la cooperation scientifique avec l’Europe a la fondation
Charles Bronfman, l’impasse actuelle nous renvoie a un dilemme auquel les
Israeliens sont confrontes depuis 65 ans.

Quel sionisme pour l’avenir ? Un Etat juif sur tout ce qui compose le grand
Israel ou les Juifs sont minoritaires, ou un Etat juif et democratique dans
lequel les Juifs constituent la majorite ? Beaucoup d’Israeliens ne
comprennent pas que ce debat n’oppose pas les patriotes a ceux qui aiment
les Arabes. Ce debat se tient a l’interieur du camp national ou s’affrontent
deux interpretations differentes du sionisme. Nous defendons resolument la
seconde option qui est la seule qui garantisse a Israel son existence en
tant qu’Etat juif et democratique. Malheureusement, nous avons encore du mal
a convaincre l’opinion publique israelienne. De nombreux problemes se posent
egalement en Europe avec les organisations pro-palestiniennes qui se
complaisent dans l’anti-sionisme.

Nous rappelons chaque fois a ces soi-disant amis de la gauche israelienne
que Shalom Akhshav est un mouvement sioniste. Nous n’acceptons pas la
delegitimation et la diabolisation d’Israel. C’est pourquoi, nous nous
sommes prononces unanimement contre le boycott des institutions
scientifiques et universitaires israeliennes. Ce boycott est
contre-productif, insiste Dan Bitan, et moralement inacceptable : il aboutit
a sanctionner des milieux dans lesquels ceux qui militent pour la paix sont
nombreux.

Observatoire des colonies

La derniere campagne de Shalom Akhshav met l’accent sur le retrait des
Territoires occupes. L’objectif est clair : permettre l’emergence d’une
autre opinion alors que precisement une majorite d’Israeliens considere que
les Territoires et les colonies constituent une source de problemes graves
pour Israel. Afin d’alimenter en donnees abondantes et serieuses le debat
sur les Territoires occupes, Shalom Akhshav s’est dote depuis douze ans d’un
observatoire des colonies. Entoure d’une equipe de benevoles, Dror Etkes,
chercheur a l’Universite hebraique de Jerusalem, dirige cet observatoire qui
assure le suivi de la colonisation en reperant sur le terrain l’evolution
des projets de construction, en prenant des photos aeriennes et en recoltant
l’information dans les publications officielles (Compagnie nationale
d’assurances, Bureau central des statistiquesŠ) et dans les revues du
mouvement des colons. Les enquetes que nous menons depuis des annees nous
ont permis de constater que la population juive des Territoires ne forme pas
un bloc politiquement et ideologiquement homogene, explique Dror Etkes.
Ainsi, 45 % des colons se sont installes en Cisjordanie pour des raisons
financieres (subventions gouvernementales et avantages fiscaux) ou pour des
motifs lies a la qualite de la vie (maisons spacieuses, environnementŠ). Les
ultra-orthodoxes representent 25 % de la population juive des Territoires.
Comme ils ne sacralisent pas la terre d’Israel comme les sionistes
religieux, ces gens ont choisi les Territoires pour des raisons economiques
mais aussi pour vivre dans des zones homogenes ou ils sont a l’abri des
menaces et des tentations du mode de vie laique. Enfin, 30 % des colons
appartiennent a la categorie des nationalistes religieux qui souhaitent
rejudaiser la Cisjordanie et Gaza. Ils ne cachent pas que leur presence doit
empecher toute possibilite de compromis territorial avec les Palestiniens.
Suite a certaines enquetes que nous avons menees, on constate que seule une
minorite de la population juive des Territoires -28 % par des moyens legaux,
6 % par tous les moyens- est determinee a ecarter jusqu’au bout toute
possibilite d’accord avec les Palestiniens, souligne Dror Etkes. Ce dernier
ne peut dissimuler malgre tout son pessimisme en raison du developpement
d’un phenomene inquietant pour la democratie israelienne : De nombreuses
colonies dominees par les nationalistes religieux sont devenues des zones de
non droit ou la loi israelienne n’est plus appliquee. Les Juifs qui y
commettent des crimes et delits beneficient d’une impunite de fait. Ils
acquierent donc la conviction qu’ils peuvent imposer leurs propres regles en
echappant au controle de l’armee et de la police. Malheureusement, cette
situation est consideree comme acceptable et legitime par de plus en plus
d’Israeliens. C’est grave car une societe democratique comme la notre ne
peut en aucun cas accepter ces derives, insiste-t-il encore.

Un Etat de droit

Les Israeliens sont-ils devenus cyniques et amers ? Sûrement pas. Comme le
souligne Avirama Golan, journaliste et specialiste des questions sociales au
quotidien Ha’aretz, Les Israeliens ont peur. La peur est devenue un element
essentiel dans la vie des Israeliens ;pas seulement la peur des attentats
mais aussi celle de l’avenir. La societe change et beaucoup d’Israeliens ne
comprennent pas ce qui leur arrive. Ce sentiment se manifeste surtout dans
les couches defavorisees. La situation economique et sociale ne cesse de se
deteriorer depuis deux ans. Beaucoup d’Europeens ignorent cela. Ils pensent
toujours au conflit et aux colonies, mais ce n’est pas ce qui preoccupe les
Israeliens. Ces derniers ne s’interessent pas a ce qui se passe en
Cisjordanie et a Gaza ; ils n’ y ont jamais mis les pieds. Les attentats
empoisonnent la vie des Israeliens, ils n’en peuvent plus. Cette
focalisation legitime sur les attentats les conduit a evacuer le probleme
des colonies et a se rabattre sur un homme fort qui ne fait pas de cadeaux
aux Palestiniens. La peur pousse donc beaucoup d’Israeliens a ne plus voir
la realite en face et a ne plus prendre en consideration les interets vitaux
d’Israel. Lorsque cette peur se manifeste a l’egard des Arabes d’Israel,
comme c’est le cas aujourd’hui, cela peut prendre des proportions graves.
Les citoyens arabes sont deja conscients qu’ils constituent une minorite
nationale et c’est normal. Mais si on prend des decisions irrationnelles a
leur egard, nous les transformerons peu a peu en une minorite subversive,
voire insurrectionnelle. Cela peut mener loin, considere Dan Bitan.

Ce dernier probleme preoccupe evidemment Mohammad Darawshe, Arabe israelien
et porte-parole du Centre Judeo-Arabe pour la Paix de Givat Haviva, qui ne
renonce pas a enseigner aux jeunes Arabes et Juifs qu’ils partagent un
destin commun. Selon lui, ils ne peuvent envisager leur avenir respectif en
excluant l’autre. Les Juifs vivent en Israel et c’est une realite que nous
devons accepter. Tout comme les Israeliens doivent reconnaitre que notre
citoyennete est legitime et nous considerer comme des partenaires egaux dans
le processus decisionnel. Bien que de nombreux problemes politiques
subsistent, des progres ont malgre tout ete accomplis. Si les Israeliens
sont capables de definir un Etat juif qui se fonde sur les principes qui ont
conduit a sa creation, alors il est possible d’indiquer la place de la
minorite arabe qui doit sentir qu’elle fait bien partie de cet Etat. Israel
doit etre l’Etat des Juifs mais aussi celui de tous ses citoyens.