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Ha’aretz, 29 mars 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Peu de temps après la fin de la guerre de 1967, Moshe Dayan, alors ministre de la Défense, accordait une interview à la BBC. Sa réponse à une question qui lui demandait ce qu’attendait Israël de ses voisins résonne encore dans tout le Moyen-Orient : « Nous attendons un coup de téléphone des Arabes ». Aujourd’hui, le moment est venu de modifier le message et de commencer à prendre les mesures pratiques nécessaires pour se séparer des territoires conquis à l’occasion de cette guerre.

Ces paroles de Dayan reflétaient non seulement l’arrogance d’un leader ivre de sa victoire, mais aussi le soulagement d’une nation qui a eu le sentiment d’échapper à son annihilation. Avec l’extrême clairvoyance qu’offre le jugement a posteriori, les historiens prétendent que l’atmosphère d’angoisse qui a saisi Israël pendant la période d’attente des mois de mai et juin 1967 était exagérée, sinon délibérément alimentée par le gouvernement, mais les gens qui étaient là se souviennent de la terreur de ces journées, et de la menace palpable qui planait au-dessus d’eux. La réponse de Dayan fit donc l’objet d’un consensus général : Israël avait l’impression d’avoir échappé à un holocauste, et avec un sentiment à la fois d’orgueil et de colère, il annonçait au monde qu’il était satisfait des résultats de cette confrontation militaire qui lui avait été imposée par ses ennemis, et qu’il n’avait aucune intention de changer ces résultats. ??Moins de 10 ans plus tard, Dayan dut ravaler ses mots. Lorsque l’occasion de faire la paix avec l’Egypte se présenta, Dayan se conforma à la règle suivant laquelle Israël ne repousse pas une main qui se tend pour faire la paix, et ne tint plus compte d’une autre de ses déclarations : « Sharm el-Sheikh sans paix est préférable à une paix sans Sharm el-Sheikh ». La même approche guida Itzhak Rabin pour les accords d’Oslo et pour le traité de paix avec la Jordanie.
?Mais les gouvernements israéliens successifs n’ont pas su libérer le pays de l’emprise de la bande de Gaza et de la Cisjordanie, jusqu’à l’évacuation de Gaza par Ariel Sharon. Les élections d’hier ont été une sorte de référendum à retardement sur le plan de consolidation. Sans connaître les résultats (cet article est écrit avant le décompte des voix), on peut dire que la vox populi a été entendue : le peuple préfère la paix aux territoires, et si la paix n’est pas possible, alors, une trêve fondée sur la dissuasion qui permettra à Israël de consacrer ses ressources au bien-être de ses citoyens.
?La volonté du peuple s’est vue à travers sa réponse au désengagement et aux différents sondages qui l’ont accompagné. Le camp « orange », anti-désengagement, a perdu la bataille. (…)

La conclusion est claire : après plus d’une génération, le sort en est jeté. L’opinion a compris qu’Israël devait se réveiller et cesser de rêver : il n’est pas possible de conserver la Judée et la Samarie. Et les dirigeants politiques en viennent progressivement à s’accommoder de cette prise de conscience, en hésitant toutefois à traduire cette idée par des actions concrètes, et encore moins à fixer un calendrier. ??Le moment est venu de cesser de traîner les pieds : le rôle essentiel du nouveau gouvernement sera de prendre les mesures nécessaires qui conduiront à se séparer des territoires. Et, en premier lieu, il faut cesser d’attendre un coup de téléphone du Hamas. Au lieu d’adopter une posture arrogante et d’observer de loin ce qui se passe du côté palestinien en attendant que les conditions que nous avons fixées soient remplies, le nouveau gouvernement en Israël devra prendre l’initiative et changer la relation qui prévaut entre Israël et les Palestiniens. La guerre des Six jours fut une réponse juste et appropriée à une véritable menace existentielle. Mais le désir de colonisation a été une mutation qui a provoqué un désastre. Les temps ont changé depuis 39 ans. Les téléphones aussi.