Six semaines avant le congres du Parti travailliste, qui doit decider de son
programme diplomatique, son comite central a eu hier soir un debat
preliminaire sur le sujet. Il n’y eut ni vote, ni decision, mais a la fin de
la soiree, il etait clair que le vainqueur etait le depute Haim Ramon, qui
espere supplanter Benjamin Ben-Eliezer dans le role de candidat au poste de
Premier ministre aux prochaines elections. La proposition de Ramon, en
faveur d’une separation unilaterale d’avec les Palestiniens, a sans aucun
doute conquis les congressistes.

Si le congres du 2 juillet prefere, lui aussi, le plan de Ramon a celui de
Ben-Eliezer, le leadership du ministre de la defense sur le parti pourrait
etre en danger. Mais il est vrai que ce n’est pas le comite central qui elit
le president du parti, ce sont les electeurs.

Environ la moitie des 1700 membres du comite central etaient presents a la
reunion qui se tenait au kibboutz Shefayim. Ramon, dont les partisans
avaient couvert la salle d’affiches en faveur d’une separation unilaterale,
a eu la surprise de decouvrir que Ben-Eliezer avait fait de meme. Mais le
plan de separation de Ben-Eliezer n’est qu’une partie d’un plan plus vaste,
qui comprend aussi un accord sur un statut final, sur les bases du plan
Clinton. Pour Ramon, la separation unilaterale est le programme a elle
seule.

Dans un discours de 40 minutes, Ben-Eliezer a presente son programme.
Celui-ci a trois composantes : la guerre au terrorisme, une « separation
securitaire » et un accord sur le statut final. Ce dernier comprendrait un
Etat palestinien sur la plupart des territoires de Cisjordanie et de Gaza,
l’evacuation de colonies, une partition de Jerusalem, les Palestiniens
recevant les quartiers arabes de Jerusalem Est, et un statut international
impliquant la supervision du Conseil de Securite des Nations-Unies et des
Etats islamiques sur les lieux saints de la Vieille Ville, sur lesquels ni
Israel ni la Palestine n’exercerait sa souverainete.

Mais c’est Ramon qui a le plus retenu l’attention. Dans un discours court et
incisif, il a fait a Ben-Eliezer ce que Benjamin Netanyahou avait fait a
Ariel Sharon lors de la reunion du Comite Central du Likoud dimanche dernier
: attaquer la politique pour s’en prendre a l’homme. Il a « felicite »
Ben-Eliezer pour avoir finalement presente un plan diplomatique, pour les
besoins de la reunion, a l’initiative de laquelle se trouve Ramon lui-meme,
et il s’est demande s’il etait bien raisonnable de proposer de diviser
Jerusalem, alors que des Israeliens sont tues dans des attentats.

« Le debat entre nous ne concerne pas ce qui arrivera si jamais nous avons un
partenaire (palestinien) », a-t-il dit. « La question est : que faire si nous
n’avons pas de partenaire. Comment nous defendons-nous? Comment creons-nous
une frontiere pour nous-memes? Et comment sais-je que nous n’avons pas de
partenaire? Parce que j’entends Fouad (Ben-Eliezer) repeter que le role
historique d’Arafat est termine ».

« Comptons-nous rester a Netzarim jusqu’a ce qu’Arafat ou ses heritiers
acceptent de parler? Est-ce que les soldats – tes enfants, comme tu les
appelles (s’adressant a Ben-Eliezer, ndt) – continueront a etre positionnes
la-bas, a proteger les avocats de Netzarim et les laitues de Kfar Darom? La
separation securitaire que tu proposes, avec toutes les colonies de l’autre
cote de la ligne, n’est pas un plan. C’est le programme d’Ouzi Landau
(droite du Likoud) : eux la-bas, et nous ici, et la-bas ».

A cet instant du discours, Ben-Eliezer, furieux et le visage tout rouge,
interrompt l’orateur, frappe sur la table et crie : « Assez! ». Mais Ramon
continue.

« Ne t’enerve pas, Fouad ». « Ouzi Landau propose lui aussi de construire une
cloture, avec Tsahal et les colonies de l’autre cote ».

De facon remarquable, ce discours sarcastique n’a suscite aucun nom
d’oiseau, pas memes de la part des partisans de Ben-Eliezer. Mais peut-etre
etait-ce tout simplement la politesse regnant au sein du Parti travailliste
: ceux qui ne desiraient ecouter quitterent la salle. C’est ce qui s’est
passe massivement quand l’ancien Premier ministre Ehoud Barak a pris la
parole, pour declarer son soutien aux deux plans, celui de Ramon, et celui
de Ben-Eliezer.

Apres le discours de Barak, tous les travaillistes importants se sont
succede a la tribune pour critiquer le plan Ramon, devant une salle a moitie
vide. Les Ministre des Affaires Etrangeres Shimon Peres a propose de
negocier avec la communaute internationale et non avec les Palestiniens. Le
President de la Knesset Avraham Burg – adversaire de Ben-Eliezer dans la
derniere competition pour le leadership du parti – a dit que le plan de
Ramon revelait un desespoir de ne jamais obtenir la paix. Et Shlomo Ben-Ami,
ancien Ministre des Affaires Etrangeres, a dit que la frontiere unilaterale
de Ramon ne serait jamais reconnue par la communaute internationale.

Plus tard, Ben-Eliezer a declare a des journalistes que si le congres du
parti adoptait le plan Ramon, il le presenterait au gouvernement, et que si
celui-ci ne le prenait pas en compte, le Parti travailliste quitterait la
coalition. Mais il s’en est pris a l’intention de Ramon de le defier pour la
direction du parti. « Nous devons nous concentrer nos efforts pour battre le
Likoud, pas pour desintegrer encore davantage le parti par une nouvelle
competition ».