Plus de 170 000 personnes ont assisté lundi 27 avril à la cérémonie digitale du « Israeli-Palestinian Memorial Day ». 

Pour la revoir : https://www.facebook.com/theparentscircle.org/videos/239669447387598/?fref=mentions

Nous publions ci-après des extraits d’un article consacré à cet évènement de Shiri Ourian, directrice exécutive des Amis américains du Forum israélo-palestinien des familles endeuillées, Forum qui, avec les Combattants pour la paix, organise depuis 15 ans cette commémoration. En préambule, nous reprenons les propos de David Grossman prononcés lors de la cérémonie de 2018 et qui n’ont rien perdu de leur pertinence :

“…On fait beaucoup de bruit autour de notre cérémonie, mais nous n’oublions pas que le but de notre rencontre est surtout la mémoire et l’union. Même si le bruit est présent, il nous est extérieur en ce moment, car au cœur de cette soirée, il y a un profond silence, celui du vide créé par la perte… Difficile de séparer la mémoire de la douleur. Se souvenir fait mal, oublier fait encore plus peur et je sais que dans la douleur aussi, il y a du souffle, de la création, et la capacité de faire du bien. Le deuil n’est pas ce qui isole, il est aussi ce qui relie et renforce. Et voilà que d’anciens ennemis – Israéliens et Palestiniens – peuvent s’unir dans leur deuil, et même grâce à lui…”


Traduction :  Ilan Rozenkier pour LPM

Auteur : Shiri Ourian pour  Forward le 26 avril 2020

https://forward.com/opinion/444898/israelis-and-palestinians-mourn-our-losses-together-on-yom-hazikaron/

Mis en ligne le 28 avril 2020


La lutte contre les agents pathogènes dangereux qui traversent les sociétés n’est pas nouvelle pour les organisations israélo-palestiniennes telles le « Forum israélo-palestinien des familles endeuillées » et les « Combattants pour la paix ». La peur, la haine et la déshumanisation, comme les virus, sont invisibles. Ils sont souvent asymptomatiques chez beaucoup et, chez d’autres, ils entraînent des morts absurdes. COVID-19 et la peur, la haine et la déshumanisation ne connaissent pas de frontières, de religion ou de nationalité. Nous nous efforçons de les traiter au niveau individuel, au cas par cas, et au niveau de la société.

De l’horrible obscurité de l’épidémie de coronavirus, quelques petits éclats de lumière ont néanmoins émergé. Le trafic a disparu, l’essence est abordable, l’air semble plus pur, les travailleurs de la santé sont félicités en lieu et place des athlètes et des célébrités.

Il en va de même pour les organisations israélo-palestiniennes. Après avoir coorganisé pendant dix ans la Cérémonie conjointe du Jour du souvenir, cette année, le Forum des familles et les Combattants pour la paix organisent virtuellement la Cérémonie. Et s’il n’y aura pas de public en direct cette année (l’an dernier, 9 000 Israéliens et Palestiniens y ont assisté), il y a un bon côté à tout cela. Cette année, dans le monde entier, des milliers de personnes se rassembleront pour regarder le même contenu et au même moment en trois langues.

Cette solidarité mondiale a un pouvoir énorme. Les Palestiniens n’auront pas besoin de permis pour entrer en Israël, ni pour franchir les points de contrôle. Dans le passé, il fallait des décisions de la Cour suprême pour obtenir ces permis. Ils n’auront pas non plus à craindre, de retour chez eux, l’hostilité de ceux opposés à la normalisation. Cette année, plus de 40 organisations américaines (et européennes) se sont réunies pour parrainer ensemble la cérémonie, un rapprochement sans précédent entre les organisations de toute la communauté.

Yom Hazikaron, le jour de commémoration israélien, est un jour sacré en Israël. Presque toutes les familles israéliennes ont perdu quelqu’un dans le conflit, et en ce jour du souvenir, elles se réunissent pour se souvenir et faire leur deuil collectivement.

Mais, traditionnellement, les Israéliens ne reconnaissent pas que leur chagrin est également partagé par les Palestiniens. Et par conséquent, les cérémonies officielles israéliennes offrent souvent un récit de désespoir, acceptant que « nous devons vivre ou mourir par l’épée« . Tragiquement, cela conduit à une douleur profonde alimentant le désespoir, et le sentiment d’être la victime exclusive – qui prévaut dans les deux sociétés aujourd’hui – est en soi un moteur permanent de conflit.

Une grande incertitude demeure quant à la manière de stopper la pandémie de coronavirus, et quant à ce à quoi ressemblera notre monde « après »… Parfois, il semble aussi qu’Israéliens et Palestiniens craignent l’incertitude de ce que seraient leurs vies et leurs identités mêmes, sans la peur et la haine qui ont défini leur relation pendant si longtemps.

Mais nous savons, avec une grande certitude, que nous devons reconnaître que la guerre n’est pas le fait du destin. Nous pouvons aplanir la courbe du deuil si nous parvenons à accepter la douleur de tous les orateurs de la cérémonie, celle du Palestinien Yaquob Al Rawi qui a perdu sa femme, et celle qu’il partage avec Tal Kfir, une Israélienne endeuillée qui a perdu sa sœur.

Lorsque les Palestiniens et les Israéliens remettront en question le statu quo et s’uniront pour reconnaître la perte de l’autre, nous pourrons construire une nouvelle réalité fondée sur le respect mutuel, la dignité, l’égalité, la liberté et la paix.

Le Mémorial commun évoque ce moment étrange, où nous reconnaissons notre interdépendance inhérente et où nous recherchons non seulement des outils pour éliminer la menace de morts inutiles, mais aussi de l’espoir.

Lundi, des milliers d’Israéliens, de Palestiniens et d’autres citoyens du monde se réuniront pour partager la douleur de leur passé et pour construire l’espoir de leur avenir. Joignez-vous à nous.