La décision prise par Benjamin Netanyahu et Avigdor Lieberman de renouer leur vieille alliance est une bonne nouvelle pour le camp de la paix, la démocratie et les valeurs humanistes en Israël.

La décision prise par Benjamin Netanyahu et Avigdor Lieberman de renouer leur vieille alliance est une bonne nouvelle pour le camp de la paix, la démocratie et les valeurs humanistes en Israël. Le jeu transparent du bon et du mauvais flic est maintenant dépassé. Nous n’allons plus entendre : « Ce n’est pas ce que dit Lieberman qui compte, mais ce que Netanyahu fait » ou « Qu’est-ce que vous voulez à ce pauvre Bibi ? S’il se débarrasse de Lieberman, Yisrael Beïteinou fera tomber la coalition. » Il n’y a plus de “droite modérée” et “d’extrême-droite”. Ce sont deux doigts d’une même main, de tout temps voués à s’unir – depuis l’époque où Bibi buvait le lait ultra-révisionniste de son père tandis qu’Eïvet se nourrissait de bolchévisme.

La séparation entre le Premier ministre et son directeur-général dans la seconde moitié des années 90 ne fut pas la conséquence d’une rupture idéologique. Lieberman a préféré prendre la tête d’une troupe de renards plutôt que rester à la traîne des lions du Likoud. Yisrael Beïtenu fut un raccourci vers le sommet du parti-père, vers la fonction toute proche de Premier ministre. En politique, Lieberman n’aime pas jouer les doublures. À la première occasion, il mettra Netanyahu hors jeu. Souhaitons que cela se produise vite. Ce serait aussi une bonne idée qu’il renvoie dans leurs foyers ceux qui, de Dan Meridor à Benny Begin et Reuven Rivlin, servent de masque au Likud.

En quoi Netanyahu est-il préférable à Lieberman ? C’est vrai, son anglais est meilleur et son style plus raffiné. Netanyahu drape son refus dans un costume plus seyant, en particulier pour qui l’observe de loin. Son discours à l’université Bar-Ilan de Tel-Aviv, où il promit aux Palestiniens leur propre État, est devenu l’un des piliers de sa politique étrangère et de sa campagne d’information publique. Il est parvenu à convaincre l’opinion israélienne et beaucoup de gens à l’étranger que le processus de paix est bloqué du fait que le président de l’Autorité palestinienne, Mah’mud Abbas, refuse de le rencontrer.

Nous n’en sommes plus là. Il suffit d’un regard au programme politique de Yisrael Beïteinu pour voir que Lieberman croit qu’un État palestinien ressortit à un complot visant à se débarrasser d’Israël en tant qu’État juif. Il suffit de rappeler son projet de remplacer la formule de “la terre pour la paix” par une approche novatrice, “la paix pour la paix plus des échanges de population”, ainsi que les qualificatifs insultants dont il gratifia Abbas et ses appels à le renverser.

Tout le monde le sait, pour Lieberman “une promesse est une promesse”. Quelle raison aurait-on de soupçonner un tel homme de trahir ses principes à cause d’une fusion avec le Likoud ? Mais si Lieberman reste fidèle à sa conception du monde, Netanyahu devra troquer son message “modéré” pour le programme de Yisrael Beïteinu. L’électeur saura qu’il n’y a plus le vieux Netanyahu disant « la gauche ne sait pas ce que c’est qu’être juif », et le Netanyahu nouveau du discours de Bar-Ilan. Sur la scène internationale, les dirigeants sauront que le véritable visage de Netanyahu est celui de Lieberman. Netanyahu ne pourra plus dire à la chancelière allemande que le discours de son ministre des Affaires étrangères ne reflète pas les positions de son parti.

Si l’union entre Netanyahu et Lieberman ne fait ni progresser ni reculer les perspectives de paix avec les Palestiniens, la mise en place d’un gouvernement à la tête duquel ils seraient tous les deux éloigne les menaces de guerre dans la région. L’apparente modération présentée par Netanyahu, jointe à son partenariat avec Ehud Barak, considéré comme un homme d’État pondéré, avait ouvert des portes au cabinet sortant dans les capitales du monde. Sa grande gueule aidant, un gouvernement dans lequel Lieberman est mis en avant (en tant que ministre de la Défense, peut-être ?) aura plus difficultés encore à mobiliser les États-Unis et des pays européens à l’appui d’une attaque militaire contre l’Iran. Seul un fou s’aventurerait dans une conflagration régionale sans appui international. Netanyahu et Lieberman sont certes extrémistes, mais pas fous.

Aussi ne devrions-nous pas plus les craindre unis que séparés. Ils pourraient
au contraire se tirer dans les pattes. Le firmament politique israélien va maintenant s’éclaircir et, au sein de notre opinion publique, les daltoniens vont apprendre à choisir entre le blanc et le noir – entre le Likoud-Beïteinu qui se prépare et n’importe lequel des partis qui promettront s’en tenir à l’écart.

Peut-être, après tout, Lieberman a-t-il été envoyé à Netanyahu pour mettre en action le concept léniniste voulant que pires seront les choses, mieux elles iront ? Cela voudrait-il dire que le pire est déjà derrière nous ?