Haaretz

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Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant

Depuis trois ans, le gouvernement israelien mene une « guerre sans merci
contre le terrorisme » par l’intermediaire de l’armee et des services de
securite. Au cours de ce « combat », Tsahal est revenu dans les villes
palestiniennes, a etabli des checkpoints a travers toute la Cisjordanie, mis
des villes entieres sous couvre-feu, isole Yasser Arafat, demoli des maisons
et liquide des chefs terroristes. Pourtant, le terrorisme s’est accru, les
pertes (des deux cotes) ont continue a augmenter, la haine entre les deux
nations s’est appofondie et l’Etat d’Israel, comme son voisin palestinien, a
continue a decliner.

L’economie a commence a s’effondrer, et avec elle la resilience de la
societe qui avait rendu possible la creation d’Israel et sa resistance face
aux menaces exterieures qui le menacent depuis qu’il existe. L’equilibre
demographique s’inverse, et une menace concrete pese sur Israel en tant que
democratie. Des craquements apparaissent meme au sein de l’armee, symbole de
l’unite nationale, qui est toujours restee en dehors des dissensions
politiques. Israel a plonge dans des abysses sans precedent, dans tous les
domaines, mais le Premier ministre et ses fils donnent le ton et invoquent
le droit de se taire (allusion aux scandales financiers qui impliquent A.
Sharon, ndt).

Depuis trois ans, on essaie de faire taire les critiques avec le bon vieux
slogan « silence, on tire », et l’argument selon lequel la critique porte
atteinte a la securite de l’Etat. La conception, que Sharon et Shaul Mofaz
(d’abord chef d’etat-major, puis ministre de la Defense) ont developpee avec
beaucoup de talent, dit que toutes les organisations palestiniennes, et en
fait la population palestinienne tout entiere, soutiennent le terrorisme et
veulent la destruction d’Israel ; que l’Autorite palestinienne ne constitue
pas moins un ennemi que le Hamas et le Jihad islamique, et qu’en
consequence, il ne faut pas parler avec elle ni encore moins la croire ; et
que le terrorisme peut etre vaincu par la force militaire.

L’echec de cette conception est apparu des le debut des combats. Dans leur
secheresse, les chiffres ont montre que plus nous exercions de pression sur
les Palestiniens, plus les attentats se multipliaient. Plus nous etoffions
notre presence dans les territoires, plus les pertes augmentaient. Et plus
nous nous en prenions a Arafat, plus il se renforcait. Pour toute personne
sensee, il etait evident que la politique de Tsahal dans les territoires
affectait la securite des citoyens israeliens et etait contraire aux
interets de l’Etat. Loin de vaincre le terrorisme, cette politique
(bouclages, checkpoints, liquidations) cree du terrorisme. Elle alimente la
haine d’Israel, isole le pays sur le plan international et represente un
danger pour son existence.

Neanmoins, a la fois le gouvernement et l’armee ont continue a fonctionner a
partir de cette conception erronee selon laquelle le terrorisme ne peut etre
vaincu que par la force militaire. Comme saisis de stupeur, les ministres
ont suivi la conception Sharon-Mofaz et n’ont manque aucune occasion de
torpiller toute tentative de sortir Israel du bourbier ou Sharon l’avait
plonge, apres s’etre sorti, meurtri et ensanglante, du bourbier libanais
dans lequel l’avait plonge Sharon vingt ans plus tot.

La crtique de la politique du gouvernement qu’a emise la semaine derniere le
general Moshe Yaalon, chef d’etat-major, a constitue une surprise, non
seulement dans sa forme, mais surtout a cause du fait que jusqu’ici, il
adherait a la meme conception, et executait loyalement les ordres du niveau
politique. La future commission d’enquete qui se penchera sur cette periode
exposera certainement au grand jour l’ampleur de l’echec auquel nous
assistons aujourd’hui, mais il ne fait aucun doute que les remarques du chef
d’etat-major, qui a revele de la plus claire des facons le fosse qui existe
entre la conception qui a guide Tsahal et la realite de la situation,
constitueront un tournant majeur.

La methode qu’a choisie le chef d’etat-major peut etre critiquee, mais le
moment est venu de s’occuper de l’essentiel, et l’essentiel est que, pour la
premiere fois, le commandant en chef de l’armee admet que Tsahal ne peut pas
vaincre et que la politique poursuivie par le gouvernement met en danger la
securite d’Israel en lui causant des dommages irreversibles au niveau de la
societe, de l’armee et de l’Etat. L’exemple le plus flagrant est le
desaccord entre Tsahal et le ministre de la Defense a propos du trace de la
cloture de securite. L’armee a propose une veritable cloture de securite,
alors que le ministre de la Defense est guide par des considerations
politiques.

Meme si le public israelien n’exprime pas sa gratitude envers le chef
d’etat-major pour son acte tres important, l’Histoire, elle, le fera.
Contrairement au premier ministre, qui est coupe de la nation, qui ne
ressent pas la douleur et ne recoit pas le message qui dit la profondeur du
desespoir, et au ministre de la Defense, qui melange politique et securite,
le chef d’etat-major regarde les meres de ce pays droit dans les yeux. Il
sait qu’il n’existe aucune justification valable a la mort de leurs enfants
a Netzarim (colonie isolee de la Bande de Gaza, ndt). Il sait que leur
presence la-bas ne contribue en rien a la securite, et il commence a
comprendre que d’ailleurs, nous n’avons rien a y faire. Contrairement au
premier ministre et au ministre de la Defense, qui traitent les soldats de
Tsahal comme des pions sur un echiquier, le chef d’etat-major se soucie
d’eux. Ecoutez attentivement ce qu’il dit.

L’Etat d’Israel peut vaincre le terrorisme palestinien, mais seulement si le
combat est accompagne d’un processus politique. Une separation d’avec les
Palestiniens en accord avec eux, qui rendra possible la re-creation d’Israel
en tant qu’Etat juif et democratique a l’interieur de frontieres reconnues
pas la communaute internationale toute entiere, sera une veritable victoire,
non seulement sur la menace terroriste, mais aussi sur la menace
demographique. La voie militaire a echoue, et le moment est venu de revenir
a la voie de la negociation. Le pacte de Geneve prouve que c’est possible.
L’Histoire ne pardonera pas a ceux qui choisissent d’envoyer nos enfants
mener une guerre inutile.