The Forward, 10 décembre 2004

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[[Luis Lainer est membre du bureau exécutif d’Americans for Peace Now.]]

(Trad : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant)


[Introduction : Une station de radio israélo-palestinienne ne diffuse actuellement que sur
internet, le gouvernement israélien refusant de débloquer son matériel de
diffusion hertzien. Luis Lainer demande au gouvernement, dans le cadre des
mesures de bonne volonté qu’il a lui-même annoncées, de permettre à la Voix
de la Paix d’être entendue par le plus grand nombre. Signalons que cette
radio a été l’objet d’une communication de Saman Khouri lors de notre récent
colloque « Bâtisseurs de Paix », à La Villette [[Relevé deux faits dans l’intéressante communication de Saman Khouri à La
Villette : contrairement à ce que prévoyaient les fondateurs de la station,
ce sont les émissions d’actualité et non la musique qui attirent le plus les
auditeurs. Ces émissions d’actualité sont conçues de la manière suivante :
ce sont les journalistes palestiniens hébréophones qui traitent de
l’information en hébreu, et des journalistes israéliens arabophones qui
traitent de l’information en arabe.]].]


Au lendemain de la mort de Yasser Arafat, le Premier ministre Sharon
annonçait que, pour lui, le « vrai visage » de la nouvelle direction
palestinienne serait mesurée à l’aune de la fin des incitations à la haine
contre Israël dans les médias et dans le système scolaire palestiniens.
Sharon a raison d’insister sur cet aspect des choses. Mais s’il s’agit de
créer une meilleure atmosphère pour les relations entre Palestiniens et
Israéliens, le premier ministre peut, lui aussi, faire quelque chose.

Depuis plus d’un an, son gouvernement a ordonné la rétention, dans un hangar
de l’aéroport Ben-Gourion, d’un émetteur radio acheté par une station de
radio qui s’est engagée pour la paix, Voice of Peace (la Voix de la Paix).
Les fondateurs israéliens et palestiniens de cette station veulent utiliser
cet émetteur pour diffuser des programmes en faveur de la tolérance et de la
coexistence, en arabe, en hébreu et en anglais, en arrosant Israël et les
territoires palestiniens. Si le premier ministre veut traduire ses sermons
en faits, il doit immédiatement libérer l’émetteur.

La Voix de la Paix est une inititative commune entre l’organisation
palestinienne Biladi, le journal Jerusalem Times (Jérusalem Est) et le
groupe israélien Givat Haviva. Elle maintient l’équilibre dans son
management, dans son contenu et dans les langues utilisées. Les deux
co-directeurs sont l’Israélien Shimon Malka et le Palestinien Maysa
Baransi-Siniora. La station s’est vu attribuer une fréquence par l’Autorité
palestinienne, et les fonds proviennent de l’Union européenne, de
l’ambassade du Japon en Israël et de la fondation suisse Rich.

Même si son émetteur est actuellement inutilisable, la station émet déjà sur
internet, avec des programmes consacrés à l’actualité, au sport, à la
culture et à la musique. On peut l’écouter en direct sur
www.allforpeace.org
La Voix de la Paix attire actuellement environ 7000 auditeurs/jour, mais
elle se doit d’élargir son audience. Après tout, elle fournit très
exactement ce que Sharon a dit qu’il aimerait entendre de la part des
Palestiniens : une programmation qui fait une large part aux différents
aspects d’une question, vue des deux côtés, à la déconstruction des
stéréotypes, et qui aborde des problèmes d’intérêt commun, comme la santé,
la culture et l’économie.
Baransi-Siniora, le co-directeur palestinien de la station, disait récemment
lors d’une interview à l’hebdomadaire israélien Kol Ha’ir : « Nous
détruisons, vous détruisez. Assez! Le sentiment de vengeance n’aide aucun
des côtés à aller quelque part. Nous y sommes tous perdants. Nous essayons
de parler à des gens qui ne pensent pas comme nous. A ceux qui croient aux
slogans qui prônent la violence, à ‘dans le sang et dans le feu, nous
libérerons…’ Chaque histoire a deux facettes, et il est important que les
gens aient les deux. Quand un journal en arabe montre la photo d’une femme
qui pleure sur des oliviers déracinés, il est important que les lecteurs
sachent que, la veille, des coups de feu ont été tirés sur une voiture
israélienne depuis l’oliveraie. Il est important que nous connaissions
l’état d’esprit véritable des gens, non seulement sur les questions de
sécurité, mais aussi sur la société, l’économie et la culture, qui ne sont
pas moins importantes et qui doivent être montrées au public sans les
filtres gouvernementaux, et sans les slogans que nous ne supportons plus ».

Malka, le co-directeur israélien (qui a fait ses classes dans le mouvement
de droite Bétar, et grandi dans un environnement sépharade conservateur),
est sur la même longueur d’onde : « que croit donc nos gouvernants? Qu’un
jour, d’un seul coup, il y aura quelqu’un avec qui parler de l’autre côté?
Qu’est-ce qu’ils croient, que tout d’un coup, tout va se mettre en place et
que les gens vont arrêter de croire à ce qu’on leur a appris depuis des
années? Que les gens vont commencer à s’aimer d’un seul coup? Pour faire la
paix, il faut présenter une information équilibrée, davantage d’aspects,
davantage de positions. Dans les relations entre les peuples, il y a autre
chose que du noir et du blanc. »

Avec des dirigenats comme cela à la tête de la station, on pourrait croire
que Sharon désire très fort que la Voix de la Paix émette. Mais Malka dit
que leur émetteur est bloqué à la douane, et que le ministère israélien des
communications refuse de le débloquer. Il pense que le gouvernement
israélien n’autorisera pas la station à émettre, malgré les innombrables
réunions avec officiels des ministères et conseillers juridiques, afin de
les informer sur le concept de la radio.

C’est le moment pour Sharon d’aider à instaurer un climat social et
politique différent dans les territoires palestiniens. Les messages de
tolérance, de paix et de compréhension mutuelle qui émanent de la Voix de la
Paix doivent sortir du guetto d’internet. Il est temps que Sharon débloque
l’émetteur, afin que la Voix de la Paix se fasse entendre plus clairement.