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Haaretz, 9 janvier 2004


Deux importantes personnalites palestiniennes, le Premier ministre Ahmed
Qorei (Abou Ala) et le chef spirituel du Hamas Sheikh Ahmed Yassin, ont
reflete hier l’humeur qui prevaut chez les Palestiniens depuis le gel du
processus de paix.
Ce qu’a dit Qorei en faveur de la creation d’un seul Etat binational fait
echo a des declarations faites recemment dans les medias palestiniens par
certains universitaires et militants politiques. De nombreux Palestiniens en
sont arrives a saisir que pour Israel, la menace d’un Etat binational est la
pire des menaces.

Le premier a evoquer cette idee, pendant la premiere intifada (1987-1992), a
ete le professeur Sari Nusseibeh, aujourd’hui president de l’universite
Al-Qods. Il a declare qui si Israel refusait de se retirer des territoires,
les Palestiniens devaient exiger l’annexion et la totalite des droits
civiques. Pour les Palestiniens, l’affaire est simple : s’il n’existe aucune
chance de creer deux Etats pour deux peuples, la seule autre option qui
reste est un Etat pour deux peuples – un Etat binational qui, etant donne la
realite demographique, deviendra rapidement un Etat arabe.

Dans ce contexte, on a assiste ces derniers mois a plusieurs propositions
palestiniennes demandant a demanteler l’Autorite palestinienne, pour obliger
ainsi Israel a reinstituer un controle militaire total, avec tous les couts
qui en decouleraient. La plupart de ceux qui defendent cette idee sont des
intellectuels, qui pensent que la situation actuelle permet a Israel une
« occupation de luxe », c’est-a-dire une occupation sans la responsabilite a
l’egard de la vie de la population palestinienne.

Alors que s’approche la date du plan de desengagement unilateral d’Ariel
Sharon, on peut s’attendre a ce que les appels palestiniens en faveur d’un
Etat binational se multiplient.

La declaration de Yassin – selon laquelle, si un Etat palestinien est cree
en Cisjordanie et a Gaza, il accepterait une paix temporaire avec Israel et
laisserait « le reste des terres occupees a l’histoire » – est elle aussi le
resultat de circonstances politiques concretes, bien qu’il ait deja fait des
declarations similaires par le passe.

Meme Yassin, qui est considere au sein du Hamas comme un pragmatique, n’est
pas pret a renoncer au principe du droit des Palestiniens a toute la terre
entre le Jourdain et la Mediterranee. Une serie de commandements religieux
edictes par le Hamas etablit que cette terre est une terre sainte pour
l’Islam, sur laquelle les musulmans ne sont pas autorises a faire la moindre
concession.

Mais Yassin est conscient du fait qu’il est probable que le gel diplomatique
conduira a l’effondrement de l’Autorite palestinienne, ce qui pourrait
permettre a son mouvement de se presenter comme une alternative. Et cela
exige de la part du Hamas de cultiver une image de serieux et de
responsabilite.

Il y a trois semaines, le Hamas celebrait le 50eme anniversaire de sa
fondation. A Gaza, l’evenement a ete marque par des marches qui
ressemblaient davantage a des defiles militaires officiels qu’a des
manifestations d’une serie de milices faites de bric et de broc.

Des observateurs palestiniens ont dit recemment que la relative accalmie
dans les attentats suicides de la part du Hamas etait liee a la volonte de
ce mouvement de se forger l’image d’un parti politique a la fois convenable
et apte a diriger le peuple palestinien.