N’écoutez pas ceux qui accusent hystériquement les dirigeants américains d’être «anti-israéliens» lorsqu’ils s’opposent à l’occupation ou mettent en garde contre l’annexion. Aujourd’hui, c’est l’une des choses les plus «pro-israéliennes» que les États-Unis puissent faire.


Traduction : Jacqueline London pour LPM

Photo : La police israélienne des frontières aux prises avec des Palestiniens, lors d’une manifestation à Soreef près de Hébron, le 22 novembre. (Abed Al Hashlamoun/EPA-EFE/REX/Shutterstock)

Auteur : Ami Ayalon, The Washington Post, 22 novembre 2019. (Cet article est adapté d’un discours prononcé le 26 octobre 2019 lors de la conférence de J Street aux USA.)

https://www.washingtonpost.com/opinions/2019/11/22/occupation-is-tearing-israel-apart-we-need-united-states-help-end-it/

Article mis en ligne le 9 décembre 2019


Ayant passé presque toute ma vie adulte à travailler pour la sécurité et les intérêts supérieurs d’Israël, je suis heureux de constater qu’une discussion sérieuse et solide a vu le jour dans la politique américaine sur le devenir des relations américano-israéliennes. L’affirmation récente du Secrétaire d’État, Mike Pompeo, au sujet de la légalité des colonies de peuplement israéliennes dans les territoires occupés, ne fait que souligner l’urgente nécessité de repenser ces relations.

Israël est aujourd’hui confronté à d’énormes défis qui menacent non seulement notre sécurité, mais également notre démocratie et notre avenir national. La vérité est que nous ne pouvons pas surmonter ces défis sans l’aide des États-Unis et sans que notre allié s’exprime honnêtement et sans tergiverser.

Aujourd’hui, pour promouvoir toute initiative de paix garantissant un Israël juif, démocratique et en sécurité, nous avons besoin de partenaires. Bien entendu, nous devons avoir des partenaires parmi les dirigeants palestiniens et dans le monde arabe. Mais les partenaires les plus importants de ce parcours difficile doivent être nos amis des États-Unis, soucieux de l’avenir d’Israël en tant que patrie démocratique du peuple juif.

Pendant des décennies, j’ai fait partie de la défense israélienne en tant que combattant, commandant de la marine et chef du service de sécurité du Shin Bet. J’ai perdu des amis au combat. J’ai envoyé des soldats à la guerre – dont certains ne sont jamais revenus. Ce sont ces expériences qui me poussent à affirmer clairement: la poursuite de l’occupation est la plus grande menace pour la sécurité d’Israël et pour notre existence en tant que démocratie.

Il est difficile pour beaucoup de mes compatriotes de le reconnaître car la réalité qu’ils voient, c’est qu’Israël est en guerre, une guerre qui a débuté lorsque les premiers pionniers sionistes sont arrivés sur les terres à la fin du 19e siècle. Ils voient qu’Israël mène une lutte permanente pour son existence même en tant que pays indépendant, un combat contre des ennemis qui n’acceptent pas notre droit, en tant que peuple, de vivre dans un État-nation. Ils voient l’occupation comme le seul front possible dans cette juste guerre défensive.

Mais grâce à leur perspective différente due à la distance, les vrais amis d’Israël aux États-Unis sont capables de reconnaître une réalité différente. Ce que les États-Unis peuvent voir, de l’extérieur, c’est que nous, Israéliens, menons deux guerres différentes. La première est en effet une guerre de défense juste – une guerre pour l’établissement et la protection d’Israël, à l’intérieur des frontières de 1967, sur la base de résolutions internationales, dans l’esprit de notre Déclaration d’Indépendance. Les États-Unis peuvent constater que, même si nous sommes toujours confrontés à de réelles menaces, nous avons presque gagné cette guerre. Nous avons conclu des accords de paix avec l’Égypte et la Jordanie et obtenu de l’État palestinien la reconnaissance officielle de l’Etat d’Israël et de son droit d’exister. En 2002, la Ligue arabe a présenté une initiative de paix qui a mis fin à son refus de longue date de reconnaître notre droit à un pays.

En dépit de ces progrès incroyables, nous continuons de mener une deuxième guerre en Israël – une guerre qui menace de saboter tous les autres sacrifices et gains que nous avons réalisés. Il s’agit d’une guerre visant à élargir notre frontière à l’est, à construire de nouvelles colonies de peuplement et à empêcher la création d’un État palestinien voisin. C’est une guerre injuste, fondée sur le déni aux Palestiniens de leur droit légitime à l’autodétermination dans leur propre pays.

Je représente les points de vue de la vaste majorité des hauts responsables présents et passés des forces de défense israéliennes, qui estiment que cette seconde guerre injuste ne peut être gagnée uniquement par des moyens militaires. Si nous ne mettons pas un terme à cette guerre via un accord à deux États, elle se poursuivra pendant des générations. Cela ne conduira qu’à plus de violence et de terreur. Si on la laisse se poursuivre, ce sera finalement la fin de l’Israël des pères fondateurs du sionisme.

C’est pourquoi, nous avons besoin que les États-Unis s’expriment à haute voix et nous disent en tant qu’alliés la vérité. Nous avons besoin que les États-Unis, compte-tenu des relations entre nos deux pays, nous orientent sur la voie de la paix, de la stabilité et du maintien de la démocratie – et ne nous  encouragent pas à glisser vers la catastrophe.

Les États-Unis ne doivent pas simplement détourner le regard lorsque des hommes politiques irresponsables et hors de contrôle manifestent un mépris pour les valeurs démocratiques communes que partagent nos deux nations. N’écoutez pas ceux qui accusent hystériquement les dirigeants américains d’être «anti-israéliens» lorsqu’ils s’opposent à l’occupation ou mettent en garde contre l’annexion. Aujourd’hui, c’est l’une des choses les plus « pro-israéliennes » que les États-Unis puissent faire.

En temps de crise, lorsque les États-Unis voient les signes de mauvais augure – et que nous ne faisons ou ne pouvons rien -, il est de leur devoir, en tant qu’allié fidèle, de se lever et de nous dire la vérité. C’est le sens réel de la responsabilité mutuelle, de l’amitié et de l’alliance.