Série de trois articles
(trad. Tal Aronzon pour La Paix Maintenant)


[->http://www.haaretzdaily.com/hasen/pages/ShArt.jhtml?itemNo=517058]
Ha’aretz, lundi 27 décembre 2004

Le choix de la désobéissance civile
par Nadav Shragaï

Le Conseil de Yesha [[Structure administrative regroupant les implantations de Cisjordanie, le Conseil régional de Judée-Samarie (en hébreu Yehudah ve-Shomron, d’où l’acronyme Yesha), se fait fréquemment le porte-parole du mouvement des colons]] avait à choisir entre deux approches contraires, ce
dimanche. La première, décrite comme « minimale » par le Conseil, était de
continuer à protester contre le désengagement dans le cadre de la loi, ce qui signifiait concrètement d’accepter l’évacuation de Gaza. L’autre était de casser progressivement les règles du jeu démocratique, en marchant vers l’affrontement garanti avec le gouvernement et l’armée. Le Conseil a opté pour la seconde, défendue par Pinh’as Wallerstein. Ce ne fut pas vraiment une surprise.

La décision d’appeler à violer massivement le décret de Désengagement, quitte à se retrouver en prison, est la conséquence directe de l’échec de sa stratégie précédente, censée provoquer des élections ou un référendum avant le retrait. Quand les dirigeants de Yesha ont compris que rien de tel n’allait se produire, ils changèrent brutalement de cap : ils ne quêteraient plus l’approbation publique en prévision d’élections à brève échéance ; ils n’essaieraient plus de gagner le coeur des gens dans l’attente d’un référendum.

Le conseil prêche maintenant les convaincus, les centaines de milliers de colons et le public sioniste-religieux. Il abandonne un temps Tel-Aviv et le Goush Dan [[Zone densément urbanisée de la plaine côtière au nord de Tel-Aviv]], principales cibles de sa campagne jusqu’à présent, pour se consacrer à ses propres sympathisants, qu’il veut faire descendre dans la rue. Il lui faut dès lors user d’un langage différent, traiter le gouvernement d’« illégitime » plutôt que s’autocensurer, ne plus rejeter les méthodes non-violentes de la désobéissance civile mais bien s’en emparer.

Ironie de la situation, cette ligne, proposée par Elyakim Haetzni deux décennies plus tôt, a été rejetée des années durant par le Conseil de Yesha. Ses opposants les plus résolus embrassent aujourd’hui les idées d’Haetzni [[Inspirées de Martin Luther King et du Mahatmah Gandhi, dont le Conseil de Yesha invoque maintenant les mânes]], qui voulait emplir les prisons israéliennes de dizaines de milliers de détenus volontaires prêts à payer le prix d’une violation délibérée de la loi. […]

Mais le test décisif aura lieu sur le terrain : ceux qui sont censés emplir les prisons israéliennes par milliers se manifesteront-ils vraiment ?


[->http://www.haaretz.com/hasen/spages/519295.html]
Ha’aretz, lundi 27décembre 2004

Les colons de Peât Sadeh acceptent leur relogement
dépêche Ha’aretz

Le chef de l’office du Désengagement a confirmé hier que la totalité des vingt familles de la colonie de Peât Sadeh, dans la bande de Gaza, seraient relogées au moshav Mavquiîm, au sud d’Ashkelon. Le directeur de l’office, Yonathan Bassi, a annoncé que cinq autres familles se joindraient à l’emménagement collectif au moshav [[Commune agricole]].

[…]

Bassi a saisi l’occasion d’une conférence de presse marquant la signature de cet accord avec les habitants de Peât Sadeh, dimanche, pour appeler d’autres implantations à contacter l’office du Désengagement pour coordonner un
déplacement collectif.

Ses services ont noté ces deux dernières semaines un changement d’attitude
de la part des colons, dont les responsables communautaires et présidents de
conseils commencent à se présenter comme les représentants de l’ensemble des collectivités en instance d’évacuation, a-t-il rapporté.

Bassi a encore annoncé que cinq autres implantations du Goush Katif étaient
actuellement en pourparlers avec l’administration pour organiser un départ
collectif.

« Le temps presse », a-t-il souligné, poussant les colons intéressés par un
déplacement volontaire à prendre contact avec l’office aussi vite que possible : « premier arrivé, premier servi ! »


[->http://www.haaretzdaily.com/hasen/pages/ShArt/itemNo=519244]
Ha’aretz, dimanche 26 décembre 2004

Évacuation ou Shoah, les colons en négationistes
par Bradley Burston

Pour les colons de la bande de Gaza, la menace prend de nombreuses formes –
y compris celles de l’étoile de David. Et pour la droite religieuse, il apparaît que le vieux slogan « Déraciner les implantations déchire le peuple », prend lui aussi toutes sortes de significations. Ces derniers jours, le débat interne a dégénéré en une tempête de controverses sur une escalade brutale des tactiques d’opposition au retrait, nées d’un désespoir naissant concernant l’éventualité croissante que dans un laps de temps de moins d’un an le désengagement ne parvienne à effacer les efforts de colonisation entrepris dans la bande de Gaza et une partie de la Cisjordanie.

En fait, la campagne engagée par les colons pour gagner le soutien de l’opinion publique à leur cause est peut être en passe de mourir – et précisément dans un baiser des plus fervents opposants, au sein de leur mouvement, au désengagement.

Il y a une semaine que l’hallali a sonné, peu après que des soldats se sont
engagés à refuser d’exécuter l’ordre d’évacuer des colons de leurs maisons,
peu après que le mouvement des colons et douze des 120 membres de la
Knesset ont officiellement donné leur aval au viol de la loi – du bouclier humain […] à l’assaut contre les forces de police – pour empêcher les évacuations.

Faisant le choix de la dramatisation, des activistes parmi les colons de Gaza, dont des enfants de rescapés de la Shoah, ont lancé une campagne visant à convaincre les Israéliens de porter une étoile de David orange, réminiscence de l’étoile jaune imposée aux Juifs persécutés par les soldats du Reich pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Ils interrompirent à regret cette campagne après que des rescapés de
l’anéantissement programmé par les nazis, dont certains habitants de la bande de Gaza, eurent fait entendre leur indignation et leur peine profonde devant l’instrumentalisation de la Shoah dans la lutte contre le désengagement.

Des années durant, les Palestiniens et les censeurs d’Israël à l’étranger ont exaspéré les Juifs en comparant les opérations militaires israéliennes dans les Territoires à celles de la machine d’extermination allemande. En Israël, où les rescapés de la Shoah et leurs descendants sont rassemblés en plus grand nombre, l’opposition à l’insigne orange s’enflamma, au mépris des frontières idéologiques.

La voix la plus nette, la plus imposante vint de la source la moins attendue, celle d’un haut gradé pratiquant [la religion] au sein de l’armée, un major général lui-même fils de rescapés de la Shoah : « Ils font partie des négateurs de la Shoah, ces colons qui portent l’étoile « , a déclaré le commandant Elazar Stern.

« Cela donne des armes à ceux qui prétendent que la Shoah n’a été qu’un épisode légitime de l’histoire, le résultat d’une décision démocratiquement adoptée par un peuple », a-t-il ajouté. « Si ce qui s’est fait pendant cette période ressemble à ce que nous faisons [aux colons], alors la Shoah n’a apparemment pas été si grave, si unique, en particulier dans notre propre histoire. »

Évoquant de façon poignante l’expérience de ses parents dans les camps de la
mort […] Stern cita dans une interview sur la deuxième chaîne [israélienne] leur réaction à l’idée d’étoile orange, qualifiée par eux de « folie ». Prié de donner sa propre opinion, il dit : « Je pense que c’est de la folie.  »

« Nous sommes pleinement conscient de la terrible douleur des colons »,
expliqua-t-il, ajoutant que l’étoile orange était susceptible de rendre les choses plus douloureuses encore, [en exacerbant les sentiments des soldats], furieux de se voir comparer aux Allemands de l’époque.

Le mouvement des colons a continué, la semaine passée encore, a engranger
les revers. Dimanche, Yonathan Bassi […] a annoncé que  » tous les résidents de Péât Sadeh […] emménageraient ensemble au moshav Mavkiîm « .
Cette nouvelle est venue couronner les désastres subis ces derniers temps par le mouvement contre le retrait, qui semblait jusque là assez fort et habile pour chasser Sharon et consacrer l’opposant au désengagement Benjamin
Netanyahu dans les rôles de chef du gouvernement, de leader du Likoud et d’arbitre de la future évacuation de Gaza.

À l’évidence, les colons ont pour le moins prouvé leur détermination face aux menaces les plus graves. Alors que les mitraillages surprise et les bombes suicide ont largement décru dans les autres parties de la Terre sainte, les familles israéliennes de la bande de Gaza sont la cible de tirs de roquettes quotidiens, sinon plus.

Les artilleurs palestiniens […] ont lancé plus de 5 000 projectiles [[mortiers, roquettes artisanales Qassam et missiles antichars]] sur les implantations, près d’une pour chaque homme, femme et enfant dans la bande de Gaza.

Aujourd’hui, cependant, les colons doivent aussi faire face à la menace que
représentent les actions de leurs propres camarades, ceux de leurs voisins qui ont suscité en Israël une opposition en appelant au refus de servir et au viol de la loi, et – plus périlleux encore – ceux de leurs voisins qui se préparent à faire leurs paquets et à partir.