Ha’aretz, 3 novembre 2004

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Trad. Tal Aronzon pour La Paix Maintenant


Parmi les dixaines de milliers de personnes qui sont venues Place Rabin
samedi soir dernier – un peu fatiguées et quelque peu déçues par la
minceur de l’événement et l’incertitude de son propos – pour un
rassemblement du souvenir à l’occasion du 9ème anniversaire de
l’assassinat du Premier Ministre Yitz’hak Rabin, il y avait un groupe qui
se remarquait par sa tenue d’uniforme.

Il y avait environ 5.000 jeunes, plus peut-etre, a porter, croyez-le ou
non, des chemises bleues, la plupart avec des lacets rouges (Hanoar Haoved
vehalomed : le Jeunesse ouvriere et etudiante), bien qu’etonnamment il y
ait eu aussi quelques chemises bleues a lacets blancs (le mouvement de
jeunesse de gauche Hachomer Hatzair) et meme a boutons blancs (Mahanot
Haolim).

Ces dernieres annees avaient vu se produire une revolution, relativement
tranquille mais fascinante, au sein des mouvements aux chemises-bleues,
qui symbolisent la gauche sioniste. D’organisations clairsemees
brandissant les drapeaux elimes d’un monde demode et devaste (avant meme
la mort de cette chanson qui parlait d’un monde qui avait existe
auparavant, et dont
l’avant-garde de la jeunesse d’aujourd’hui voulait faire table rase),
souffrant entre autres maux du baiser ecrasant de l’ours de partis et
groupes politiques qui avaient perdu leur voie, ils sont devenus une force
socio-ideologique qui intrigue et qui compte.

Fer de lance de cette evolution, le mouvement de la Jeunesse Ouvriere et
Etudiante, qui fut fonde en 1924 pour proteger les droits des jeunes
travailleurs. Il avait eu son apogee dans les annees 1950 et 1960, tenant
la place centrale parmi les mouvements organises, mais il fut par la suite
relegue a l’arriere-plan, tout comme la federation syndicale de la
Histadrout et le mouvement travailliste. Vers les annees 1980, il
n’attirait plus autant que le mouvement scout, apolitique, qui attirait la
bourgeoisie, et n’avait pas la seduction des clubs diriges par le parti
ultra-orthodoxe
Shas.

Il y a dix ans, ce mouvement – comme l’ensemble du phenomene chemise bleue

 etait evoque par des eloges nostalgiques, suivant l’idee que les
mouvements de jeunesse avait joue leur role et appartenaient desormais au
passe. En novembre 1995, sur les marches de la Mairie de Tel-Aviv, un
nouveau phenomene apparaissait dans lequel beaucoup voyaient un successeur
naturel
aux mouvements de jeunesse : les enfants aux bougies. Apolitiques, ils
etaient seulement reunis autour du deuil et des pleurs et du choc apres
l’assassinat et cela semblait tout ce que la jeune generation « non
droitiere » etait capable d’accomplir autour d’idees.

Mais maintenant, fin 2004, alors que le budget du ministere de l’Education
pour tous les mouvements de jeunesse a ete sabre de pres de 50%, le vieux
mouvement de la Jeunesse ouvriere et etudiante compte plus de 100.000
membres, avec 678 sections dans tout Israel – des Juifs, des Musulmans,
des Chrétiens, Druzes, Tcherkesses, laics, religieux, traditionnalistes.
Hachomer Hatzair a egalement enregistre une hausse impressionnante des
adhesions. Et Mahanot Haolim, qui a toujours ete le plus petit des trois
mais qui arborait son empreinte ideologique propre, connait aussi un
reveil.

C’est vraiment plus qu’un reveil. Les trois mouvements ne perdent pas leur
temps sur des questions pueriles. Par leur engagement dans la communaute,
en examinant et en discutant les evenements en cours, a travers une
activite politique qui repond immediatement aux developpements sociales,
economiques et politiques, ils reussissent a forger un ordre du jour dans
le vide cree par la gauche extenuee.

Les  » points de la justice sociale  » mis en place par les membres des
mouvements de jeunesse et leurs responsables lors des fetes de Soukot au
mois dernier dans les banlieues et dans les quartiers des villes
defavorisers, les activites qu’ils animent pour les enfants et leurs
discussions qu’ils tiennent pour les parents, leurs rencontres avec la
jeunesse palestinenne et l’assistance juridique qu’ils assurent pour les
jeunes travailleurs (qui constituent 20 % des membres du mouvement), leur
lutte contre la politique economique du gouvernement, leur appui concret
aux
groupes d’adultes qui prennent part a l’activite sociale dans diverses
communautes, et l’approfondissement des etudes et des connaissances dans
les domaines lies a la societe, a l’economie et a la culture – ces
phenomenes ont cree un nouvel agenda, qui allie avec succes un point de
vue sioniste avec une approche et un engagement sociaux et démocratiques
dans la société.

Ces jeunes, qu’on pouvait entendre samedi soir dernier discuter de
questions philosophiques et morales etherees, qui avaient pris part la
semaine derniere a la manifestation en faveur du plan de desengagement, et
qui cette semaine ont créé des « veilles pour la democratie », sont a
l’oppose des enfants des bougies. Les enfants des bougies refletaient un
etat d’ame, les chemises bleues offrent une reponse a la quete «
ancienne-nouvelle » du sens.

Les enfants a la bougie se rassemblaient un bref instant autour de
quelques chansons, mais les chemises bleues recherchent une appartenance
et un engagement de long terme. Les enfants des bougies s’evadaient de la
politique, les mouvements de jeunesse se voient comme parties integrantes
des developpements politiques et veulent apporter le changement politique.

A present, la grande question est de savoir si ces jeunes gens vont aussi
produire des leaders pour l’avenir. Cela depend en grande partie de la
capacite des partis de gauche a comprendre a quel point cette nouvelle
force est pertinente et authentique, et a lui donner un espace.