L’article qui suit, ecrit par David Chemla, president des Amis de Shalom
Akhshav, devait etre publie dans un grand quotidien de la presse nationale.
Aux dernieres nouvelles, il ne le sera pas. Mais nous poursuivons nos
efforts.
En attendant, nous pensons utile de le soumettre a votre reflexion.


Sionisme = Racisme, Sionisme = Fascisme, etait l’un des mots d’ordre
entendus a la manifestation organisee a Paris contre la guerre en Irak. A
l’outrance de ces slogans, certaines des associations et partis coordinateurs de cette manifestation en rajoutaient en appelant au boycott d’Israel, de ses produits, de ses chercheurs et de ses universites. En faisant l’amalgame entre la politique condamnable d’un gouvernement et la population d’un Etat, ces associations, qui militent par ailleurs pour la levee du boycott impose a la population irakienne, participent au lynchage mediatique de tout un peuple mis, ainsi, au ban des nations.
Cette condamnation systematique d’Israel, ou l’on sent parfois de mauvais
relents d’antisemitisme, participe a la ghettoisation d’Israel. Au lieu
d’aider le peuple israelien a prendre en compte le droit de ses voisins a
avoir leur Etat independant, on l’enferme encore plus derriere cette
muraille qu’il est en train de batir. De plus, en proposant une vision
totalitaire de la societe israelienne, alors que malgre la situation cette
societe se caracterise par la richesse de son debat democratique, ces
associations confortent les fantasmes dangereux de certains mouvements
radicaux islamistes, lourds de consequences meme au sein de notre communaute:nationale, comme nous l’avons vu avec les attentats antisemites. Mais il semble que dans la faillite des ideologies caracterisant notre epoque, la
cause palestinienne, juste dans son essence, soit plus mobilisatrice, images
des medias aidant, que celle des autres conflits. Cette cause, integree dans
la croisade antimondialisation, devient ainsi l’etendard aux couleurs de
keffieh avec lequel une nouvelle generation entre aujourd’hui en politique.

Parallelement, un certain nombre de signes temoignent de la montee de
l’intolerance au sein d’une frange de la communaute juive. Les violences, a
l’issue de la manifestation que nous avions organisee en marge de celle du
CRIF, en avril dernier, ou les menaces a l’encontre de certains signataires juifs d’appels contre la politique du gouvernement israelien, en sont les signes precurseurs. Ce climat, qui se nourrit par ailleurs de l’image deformee que nous renvoient les medias du conflit, contribue a alimenter cette psychose collective, alors qu’il faudrait plutot profiter de notre eloignement pour aider les protagonistes a se rencontrer.

Ainsi va l »Histoire au Moyen-Orient : chaque camp, enferme dans sa propre
souffrance, a tendance a se conforter dans son analyse et a refuser de voir
la douleur de l’autre. Ces deux peuples sont malades, malades du poids trop
lourd de leur Histoire respective. Chaque attentat est vecu en Israel comme
la repetition d1une tragedie qui, si elle n’est plus collective comme ce fut
le cas pour la Shoah, reste une catastrophe individuelle pour ceux qui en
sont victimes. Chaque action de represailles menee par Tsahal a l’encontre
des activistes palestiniens, causant trop souvent la mort de civils et la
destruction de maisons, est vecue par la population palestinienne comme la
continuite de cette Naqba collective qui a commence en 1948 et qui depuis ne
s’est jamais terminee.

Ces deux peuples ont aujourd’hui un besoin urgent de therapeutes qui les aideraient a depasser leurs peurs respectives. Malheureusement, ici, certains de leurs partisans les enferment dans leurs certitudes, au lieu de les aider a batir le seul projet commun susceptible d’apporter la paix dans la region et qui se retrouve dans les parametres enonces par le plan Clinton. Ces partisans contribuent ainsi a enflammer les esprits au lieu de chercher a creer des ponts entre les deux societes. Il est évidemment beaucoup plus facile d’avoir une lecture manicheenne de l’Histoire et de diaboliser l’autre plutot que d’analyser la situation dans sa complexite en reconnaissant la part des responsabilites de chacun dans le blocage actuel.

Le Moyen-Orient brule aujourd1hui. Il risque peut-etre de s’enflammer plus
encore si les USA se lancent dans une guerre contre l’Irak, guerre redoutee
par tout le camp de la paix en Israel, non par sympathie pour le regime de
Saddam, mais pour les dangers qu1elle pourrait entrainer pour la region. Ce
Moyen-Orient a besoin aujourd’hui de pompiers et non d’apprentis pyromanes.
Mais l’on sait depuis le 11 septembre que le metier de pompiers est un
metier a risques. De grands hommes d’Etat, comme Sadate et Rabin, l’ont paye
de leur vie. D’autres, comme Ami Ayalon et Sari Nusseibeh , continuent ce
chemin. Ils n’ont peut-etre pas encore un large soutien au sein de leur
peuple, bien que tous les sondages menes en Israël montrent avec constance
que 70 % de la population est prete aux concessions indispensables pour
l’etablissement de la paix et que, du cote palestinien, des signes encourageants laissent presager d1evolutions post-arafatiennes qui pourraient s’affirmer le moment venu. C’est la seule voie pour rompre le cycle de violences, c’est celle dans laquelle nous nous sommes engages aux cotes du camp de la paix, afin d’eteindre cet incendie avant qu’il ne nous consume tous.

David Chemla
Les Amis de Shalom Akhshav