La meilleure façon de protéger l’intérêt national d’Israël serait d’adopter la décision de la Cour, tant au plan juridique que comme posture morale de l’État.


« Concernant ces demandeurs d’asile déjà parvenus chez nous, après avoir traversé d’autres pays et des milliers de kilomètres de désert par des routes inexistantes, puis des centaines de kilomètres dans le Sinaï où certains furent victimes des abus de scélérats qui les ont martyrisés, ont violé leurs femmes et leurs enfants, et ont assassiné une partie d’entre eux par des moyens hétérodoxes – nous aurions dû accueillir ceux qui ont atteint notre frontière, blessés dans leur chair et leurs âmes (…), afin de panser leurs plaies tant physiques que morales ; et faire montre à leur égard de générosité et de compassion en matière de travail, d’allocations sociales, de santé et d’éducation. »

Ces mots lourds de sens sont ceux du juge Its’hak Amit dans les attendus du jugement rendu ce lundi par la Cour suprême, par lequel un amendement à la Loi [dite] “anti-infiltration” qui permettait d’emprisonner sans procès tout demandeur d’asile pour trois ans s’est vu invalider. La Cour a cassé une douzaine de lois depuis la promulgation, en 1992, de la Loi fondamentale sur les droits de l’être humain à la dignité et la liberté.

L’amendement aboli cette semaine était le plus violent et le plus dommageable de tous. Les règles qu’il édictait violaient non seulement les législations internationale et israélienne, mais surtout les valeurs fondamentales de la justice et de la morale universelles. Le fait que la Knesset et le gouvernement s’y soient montrés indifférents témoigne d’une troublante dégénérescence de la morale publique.

La façon dont une peinture délibérément controuvée a exploité la détresse des résidents du sud de Tel-Aviv – induisant l’incarcération sans jugement de milliers de personnes pour une si longue période – montre qu’on a usé de cynisme et d’incitation [à la violence] pour donner des choses une « présentation manichéenne », selon les termes du juge Ouzi Fogelman, « problématique quand elle vient des pouvoirs publics ».

À ses yeux, il semble que l’autorité judiciaire reste notre seul bouclier contre un effondrement moral absolu. Bénissons le fait que la Cour suprême nous ait évité cette disgrâce, insistant sur la nature inacceptable d’un châtiment imposé à quelqu’un au simple motif qu’il demande asile. Après quelques sévères désillusions en matière de droits de l’être humain ces dernières années […] espérons que ce verdict, dont les principales conclusions ont été adoptées à l’unanimité, illustre une détermination renouvelée de la part de la Cour dans la défense des droits de l’être humain.

On ne peut que déplorer que le ministre de l’Intérieur, Guidon Saar, se soit élevé contre le verdict de la Cour, laissant même entendre qu’une autre voie légale serait trouvée pour « défendre l’intérêt national ». Saar, comme ceux de ses collèges qui ont voté en faveur de l’amendement, à commencer par le Premier ministre, n’a pas encore compris que la meilleure façon de défendre l’intérêt national est de retrouver l’esprit ayant présidé à cette décision – en tant que disposition légale, mais aussi que posture morale de l’État envers des groupes de population sans force ni voix.