Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Juste avant l’arrivee d’Anthony Zinni, l’emissaire americain, et a la suite
d’attentats meurtriers qui ont coute de trop nombreuses vies, Tsahal
effectue une operation de grande envergure dans les camps de refugies et
dans les villes de Cisjordanie et de Gaza. Lundi, des forces ont investi
Ramallah, ainsi que le camp de Jabalya, a Gaza. La veille, Qalqiliyah et le
camp de Deheishe ont ete occupes, et des operations ont ete menees a
Tulkarem, Naplouse et Jenine. Quelque 160 Palestiniens ont ete tues, dont
beaucoup dans des circonstances non elucidees. Au cours de ces operations,
les hommes des camps ont ete rassembles, les yeux bandes, les mains
attachees, et ils ont ete identifies et interroges avant d’etre relaches.
2000 hommes ont ainsi ete interroges, et seuls quelques-uns sont restes en
etat d’arrestation, suspectes d’appartenir a des groupes terroristes.

Cette operation militaire est la plus importante depuis le debut des hostilites, en septembre 2000. Sur le plan tactique, elle a produit quelques resultats (des caches d’armes ont ete decouvertes, ainsi que des ateliers de fabrication de roquettes et de mortiers, et des donnees exploitables sur le plan du renseignement se sont accumulees), mais il semble que l’objectif principal ait ete de faire passer aux Palestiniens un message : les camps de refugies ne sont plus hors limites, quand il s’agit de frapper les infrastructures terroristes.

Il est impossible d’ignorer la nature de cette operation, qui est en complet
decalage avec la politique officielle jusqu’aujourd’hui, qui faisait une
distinction claire entre ceux qui s’occupent de terrorisme, et qui doivent
etre mis hors d’etat de nuire, et la population en general, qu’Israel ne
desirait pas impliquer dans le conflit. Cette fois, Tsahal a deliberement
inflige de la souffrance et de l’humiliation a la population palestinienne
dans son ensemble. On ne peut l’interpreter d’une autre facon : le
gouvernement israelien, a travers ses forces armees, a cherche a utiliser
l’humiliation comme moyen de pression, ou comme punition. Il n’y a aucun
autre moyen d’interpreter ces scenes prises en photo, ou l’on voit des
centaines de gens, ligotes et les yeux bandes, menes vers le lieu de leur
interrogatoire.

Le Chef d’Etat Major Shaul Mofaz a beaucoup tarde a emettre des reserves au
sujet du marquage sur le bras des prisonniers. Le General Gershon Yitzak,
commandant des forces de Tsahal en Cisjordanie, a declare que les bandeaux
et les menottes denotaient un manque de reflexion. Les reserves a retardement du Quartier General au sujet de l’operation suscitent quelques questions. Les officiers n’ont-ils pas donne d’instructions a l’avance a leurs soldats sur la maniere de traiter les civils? Il est inquietant de constater que le chef d’etat-major, et le commandant des forces en Cisjordanie n’ont pas mesure depuis le debut la signification profonde d’une friction a grande echelle avec la population.

L’idee de l’humiliation a ete apparemment instillee de haut en bas, depuis
le gouvernement jusqu’aux soldats. Ariel Sharon voulait humilier le
President de l’Autorite Palestinienne, Yasser Arafat, en l’emprisonnant a
Ramallah. Son collaborateur, Ouri Shani, a declare lundi qu' »Arafat ne
pouvait passer que d’une cage a l’autre ». Il n’est donc pas etonnant que des
officiers et des soldats se comportent dans l’esprit de leur commandant en
chef et de ses collaborateurs.

Les actions qui atteignent la population, et qui impliquent l’humiliation de civils, ne font que saboter les chances, deja minimes, d’aboutir a un cessez-le-feu, et au bout du compte, a un accord et a une reconciliation. Avec l’arrivee de l’emissaire americain, le gouvernement se doit d’agir avec moderation et discernement. Au lieu de souffler sur les braises et de semer la haine, il ferait mieux de redoubler d’efforts pour obtenir le calme et revenir à la voie politique.