La Paix Maintenant condamne l’abolition par la Knesset du « principe de raisonnabilité ». La loi votée le 24 juillet 2023 affaiblit considérablement le contrôle des décisions et des nominations du gouvernement par l’instance judiciaire alors que sont quasi inexistants les contre-pouvoirs que l’on trouve dans toute démocratie digne de ce nom.

L’adoption de cette loi porte un coup sévère à la démocratie israélienne et éloigne le pays des valeurs et principes fondateurs énoncés dans la Déclaration d’indépendance de 1948.

Jusqu’à présent, la Cour suprême pouvait invalider des décisions du gouvernement qui ne répondaient pas à un critère de « raisonnabilité », disposition permettant de s’opposer à d’éventuels abus du pouvoir exécutif, dans un système qui manque, on ne le redira jamais assez, de contrôles et d’équilibres. La nouvelle loi ouvre le champ à la nomination de fonctionnaires incompétents voire corrompus – mais proches des gouvernants – et à l’adoption de lois abusives.
Le texte adopté, de quelques lignes à peine, mentionne expressément les décisions de nominations et de révocations. La « chasse aux sorcières » est ouverte et il ne faut pas être grand clerc pour en identifier les probables premières victimes. De plus, la loi empêche dorénavant de considérer « déraisonnable » la décision du gouvernement de ne pas décider, son abstention à prendre des décisions qui lui incombent ou à ne pas exercer son autorité. Ainsi il sera possible au ministre de la Justice de ne pas procéder à la convocation de la commission de sélection des juges (tant que sa décision sera susceptible de ne pas trouver grâce à ses yeux) ou bien de ne pas procéder à des nominations pourtant essentielles.

Cette loi scélérate, votée à la va-vite, malgré l’opposition massive d’une grande partie de l’opinion publique israélienne incluant même des électeurs de l’actuelle coalition, entraîne des changements importants dans la manière dont le pays est gouverné. Elle constitue en fait la première étape (c’est un » premier pas » a déclaré le ministre de la Justice après l’adoption du texte) vers l’objectif que poursuit le gouvernement de Netanyahu : non pas un simple remaniement ou une réforme judiciaire mais un changement de régime, le passage d’une démocratie certes imparfaite mais – oh combien vivace – à une société illibérale.

La coalition actuelle, dominée par ses éléments les plus fanatiques et messianiques, promeut un programme clair et assumé : redessiner à son image Israël, état juif au sens étroit du terme et pour lequel la démocratie est plus parure que nature. Elle cherche à neutraliser la Cour suprême afin d’adopter la série de lois promises lors de son entrée en fonction en décembre dernier, des lois qui affaibliraient davantage la démocratie israélienne, mettraient en péril les droits des minorités, des femmes, restreindraient la liberté religieuse, fractureraient davantage encore la société israélienne.

L’abrogation du principe de raisonnabilité atteste que ce gouvernement n’entend pas adopter un comportement et une politique raisonnables – sinon pourquoi abroger ce principe?- et illustre ce que Shalom Akhshav/ Peace Now ne cesse de dénoncer depuis longtemps : l’annexion rampante d’Israël par les territoires occupés.

Symbolique ou significatif, les principaux leaders de ce coup de force judiciaire, Ben Gvir, Rothman, Smotrich vivent dans les colonies. Rien de surprenant à ce que dans un avenir proche, la mainmise sur l’institution judiciaire s’accompagne d’une intensification de la colonisation que la Cour Suprême ne sera plus dorénavant à même de freiner. Bezalel Smotrich, qui a pris le contrôle effectif des territoires occupés, n’a-t-il annoncé il y a peu aux les membres de la commission des Affaires Etrangères et de la Sécurité de la Knesset, un plan en préparation qui permettra à Israël de détruire des constructions palestinienne non seulement en zone C, déjà sous son contrôle, mais aussi dans les zones A et B au motif qu’elles seraient contraires à la « sécurité nationale » d’Israël ? Ainsi la valeur centrale qui va guider la construction en Cisjordanie, si rien ne change, ne sera plus le respect du droit (ce qui ne fut pas toujours le cas loin s’en faut) mais « la préservation des intérêts nationaux, politiques et sécuritaires d’Israël dans la région ».

La poursuite incessante de mesures draconiennes par la coalition continuera à provoquer d’énormes fractures dans la société israélienne et entre Israël et la diaspora juive, ainsi qu’avec les alliés occidentaux d’Israël. Fermement attachés à la sécurité, à la démocratie et à l’avenir pacifique de la région basé sur un accord politique, nous sommes opposés à ces changements.
Tous, en Israël et de par le monde, Juifs et non Juifs, nous devons nous élever avec force contre le programme du gouvernement Netanyahou qui engage plus avant le pays sur la voie de l’autocratie et de l’extrémisme. Nous nous tenons fermement aux côtés des millions d’Israéliens qui entendent continuer leur combat pour sauver la démocratie de leur pays et sa vision fondatrice.

Nous devons regarder la réalité en face : une bataille vient d’être perdue mais plusieurs recours ont d’ores et déjà été déposés… Cette défaite, provisoire à nos yeux, ne doit pas faire oublier les acquis du mouvement de protestation citoyenne : la coalition a été contrainte de renoncer à faire passer lors de la session d’été la majorité des lois de la « réforme » qu’elle avait annoncée tambour battant. Les textes sont déjà prêts et seront présentés à la rentrée. Bloqués en été, ils pourront l’être en automne si…
Comme le disent les leaders de la contestation : « …de pays, nous n’en avons pas d’autre…la désespérance n’est pas une option pas plus qu’elle ne constitue un programme politique ».

Ils continuent à agir et nous… à les soutenir !

Pour le bureau,
Ilan Rozenkier, Président LPM