GUY PORAN: «Les orientations antidémocratiques prises par la coalition gouvernementale de Netanyahu sont bien plus dangereuses pour Israël que le refus collectif des réservistes de faire leurs périodes d’armée.»

Dans le cadre de Chroniques pour la paix, émission bimensuelle sur Radio Shalom parrainée par La Paix Maintenant et JCall, Paul Ouzi MEYERSON s’entretient avec GUY PORAN sur les raisons qui poussent de plus en plus de membres des différents services de sécurité du pays, hauts gradés y compris, à menacer de ne plus accomplir leurs périodes de réserve bénévoles comme ils le faisaient antérieurement avant la tentative de « putsch judiciaire ».

GUY PORAN, ancien pilote d’hélicoptère de l’armée de l’air israélienne, est l’un des leaders du mouvement des aviateurs, qui fait partie de cet ensemble de hauts gradés issus des différentes armes, qui menacent, si la réforme de la Justice est adoptée, de ne plus se présenter dans leurs unités pour accomplir leurs périodes de réserve bénévoles.


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La mobilisation des citoyens israéliens pour défendre leurs institutions démocratiques se poursuit. On attendait le résultat des négociations sur la réforme de la justice menées, sous l’égide du Président Herzog, entre la coalition d’extrême droite au pouvoir et l’opposition libérale, mais cela n’a rien donné. Donc, après un ralentissement, le mouvement s’amplifie. Samedi 1er juillet, pour la 27ème semaine consécutive, ils étaient 350 000 manifestants dans de nombreuses villes d’Israël.
Le Premier ministre Netanyahu est coincé entre la puissance du mouvement populaire, les éléments « raisonnables » de son parti, le Likoud, et les ministres radicaux, nationalistes, religieux et racistes de sa coalition. Désormais, quand «Bibi»fait un pas en avant, il est obligé de reculer aussitôt. Le gouvernement d’Israël est prisonnier de ses contradictions et cela se ressent dans tous les domaines de la vie du pays. Celui de la sécurité n’est pas épargné alors que l’on connaît le rôle primordial de l’armée et des services de sécurité dans la sauvegarde de l’État.
Beaucoup de réservistes, soldats et officiers, combattants de l’infanterie et tankistes, pilotes et parachutistes, techniciens et spécialistes du renseignement, menacent de ne plus faire leurs « périodes de réserve » (milouim) si le régime perd son caractère clairement démocratique.
Guy Poran explique tout d’abord que les escadrilles sont composées de pilotes permanents (les jeunes qui accomplissent leur service militaire puis s’engagent pour une période plus ou moins longue en tant que militaires de carrière, permanents, rémunérés par l’armée) mais surtout de réservistes. Plus âgés, une fois par semaine, ils retournent dans leurs unités pour s’entraîner et encadrer les recrues plus jeunes alors qu’eux-mêmes sont inserés dans la vie civile et exercent une activité professionnelle hors armée. Après avoir servi comme pilotes durant de nombreuses années, ils ne sont plus contraints d’effectuer des périodes de réserve (à la différence de ce qui se passe dans les autres armes) et s’ils continuent à le faire, c’est à titre bénévole, de leur plein gré.
Ne plus faire ses réserves est alors parfaitement légal et en aucun cas, il ne s’agit de désobeissance, de refus de servir, comme la droite cherche à le faire croire pour délégitimer leur contestation.
En réponse à la question d’Ouzi Meyerson sur la différence entre le mouvement des pilotes et celui des militaires des autres armes, Guy Poran revient sur la spécificité de l’armée de l’air pour laquelle les réservistes sont essentiels. Elle repose sur leur contribution, alors que dans l’infanterie par exemple, leur rôle est moindre. Il y a suffisamment de soldats effectuant leur service obligatoire de réservistes.
Même s’il n’est pas possible de donner de chiffres car la décision est individuelle, que l’on rend publique ou pas, mais il ne s’agit pas d’un mouvement marginal. Guy Poran précise que le mouvement ne remet pas en cause le caractère démocratique de l’élection de Netanyahu mais refuse la modification des « règles du jeu » postérieurement à cette élection. Durant des dizaines d’années, les gouvernements ont pris des décisions qui plaisaient ou pas et jamais au grand jamais, une menace de cette nature n’a été brandie. C’est parce que ce gouvernement légitime veut adopter des mesures illégitimes que la protestation s’est manifestée. Dans un premier temps, il n’y a pas eu d’appel à refuser d’accomplir ses réserves. Le mouvement ne s’y est résolu que quand il a vu que le gouvernement refusait d’entendre la protestation.
Ce mouvement met-il en danger la sécurité du pays? Guy Poran répond par la négative. En cas de conflit, la quasi totalité des pilotes répondront « présents ». Ce qui affaiblit la sécurité, c’est la remise en cause du contrat moral passé entre le pays et ses citoyens et l’impact que cela va avoir sur leurs motivations.
Les responsables militaires actuels sont conscients de la gravité de la situation et s’ils insistent sur la nécessité de ne pas introduire la politique dans l’armée, ils restent prudents et mesurés dans leur expression,à la différence souvent des politiques, se refusant en général à jeter de l’huile sur le feu, à porter des accusations contre ceux qui adoptent ces positions de refus de faire leur réserve.
Pour conclure, Guy Poran insiste sur l’ampleur de ce qui se prépare et qui justifie la mobilisation et sa fermeté : la volonté du pouvoir exécutif d’agir à sa guise, de faire ce qui bon lui semble, l’irraisonnable inclus, en bridant le seul contre-pouvoir qui subsiste en l’absence de constitution, la Cour suprême. Il rappelle au demeurant l’importance de la démocratie et son rôle protecteur pour les militaires israéliens, susceptibles d’être poursuivis à l’étranger si la communauté internationale cessait de reconnaître Israël comme une démocratie.

Mis en ligne le 16 août 2023