Dans le contexte du projet de loi sur la définition de l’État d’Israël en tant qu’État-nation du peuple juif et ses conséquences sur l’avenir de ses citoyens juifs et arabes, l’article [1] d’Uri Avnery dont il est rendu compte ci-après (“A Curious National Home”) décrit, tout en revenant sur les notions de peuple juif et les fondamentaux du sionisme, la situation ambiguë dans laquelle pourraient se retrouver les deux composantes de la société israélienne.

Rappelons que ce projet, adopté en lecture préliminaire par la Knesseth (48 voix pour et 41 contre), stipule que « le droit à l’autodétermination dans l’État d’Israël ne concerne que le peuple juif » et que « le judaïsme sera considéré comme source législative en cas de lacune dans la loi israélienne ».


Uri Avnery [2] dénonce le nouveau projet de loi qui devrait être voté, dans deux mois, sur la définition d’Israël en tant que “État-nation du peuple juif”. Cette loi, selon Avnery, est une façon de conforter la coalition au pouvoir qui regroupe, à la Knesseth, 67 députés sur 120.

Il revient sur la définition du peuple juif, qui « dans le langage général se compose de tous les Juifs du monde, dont plus de la moitié vivent en dehors d’Israël et sont citoyens d’autres États. On leur demande s’ils veulent que l’État d’Israël les représente. […] Qu’en est-il des citoyens arabes d’Israël, qui constituent plus de 20% de la population ? Eh bien, ils restent citoyens, mais l’État ne leur appartient pas ». La loi devrait, en outre, abolir le statut de l’arabe en tant que « langue officielle ».

Ury Avnery pose alors la question : « Que signifie le terme “juif” ? Est-ce une désignation nationale ou religieuse ? » L’Israélien moyen, dit-il, répondra : « Les deux, bien sûr. Elle peut-être utilisée dans un sens ou dans l’autre, selon les circonstances. »

L’auteur rappelle que le « sionisme était essentiellement un processus consistant à transformer une ancienne communauté ethno-religieuse en une nation moderne. Lorsque le projet de loi stipule qu’Israël est « l’État-nation du peuple juif », cela signifie tous les Juifs du monde entier… » Et il s’interroge : « Qu’advient-il d’un Juif américain qui pense appartenir à la nation américaine, qu’en est-il du Juif canadien athée qui pense sa judéité comme une évocation pittoresque de ses grands-parents ? […] Ils sont tous juifs. La loi religieuse dit que même un Juif qui commet un péché est encore un Juif et, fût-il converti, reste juif qu’il le veuille ou non… »

« Tout cela a très peu à voir avec l’idéologie sioniste originelle. » Avnery, après avoir rappelé les conceptions des fondateurs, Herzl et Ben Gourion, s’attache à démontrer qu’aujourd’hui, même les juifs israéliens laïques sont imprégnés des récits bibliques, lesquels « produisent dans leur esprit un ensemble de certitudes idéologiques qui ne peuvent être éradiquées. […] Les Juifs sont spéciaux. Les Juifs sont uniques. C’est “eux” et “nous”. Le monde entier est contre nous. »

Et revenant sur le projet de loi, Avnery pose la question : « Qu’adviendra-t-il de près de deux millions d’Arabes citoyens de l’État national du peuple juif ? […] Pour le moment, ils resteront citoyens d’un État qui appartient à un autre peuple. »

« Nous aurons un État national pour le peuple juif, dont la majorité des Juifs du monde ne sont pas citoyens et dont deux millions d’Arabes non-juifs seront citoyens. [….] Au total, il existe maintenant dans la Palestine historique environ 7 millions de Juifs et quelque 7 millions d’Arabes. »


NOTES

[1] Publié sur le site de Amin (12 mai 2017). Arab Media Internet Network (Amin) est une organisation palestinienne indépendante et non gouvernementale fondée en 1996. Elle a pour but de favoriser le développement des médias indépendants en Palestine : <http://www.amin.org/articles.php?t=ENews&id=5199>

[2] Uri Avnery, ancien membre de la Knesseth et fondateur de l’ONG Gush Shalom.