Nous nous blindons, mais pas pour la guerre

En ce moment, les journalistes et les diplomates demandent souvent aux
hommes politiques palestiniens s’ils preparent leur peuple aux memes
eventualites que le font les hommes politiques israeliens vis-a-vis du
leur.
Ils veulent parler, evidemment, de la fourniture au public de masques a
gaz
et d’autres preparatifs dans l’hypothese ou l’Irak nous enverrait des
missiles porteurs de charges, conventionnelles ou non-conventionnelles.

La reponse negative de la part des Palestiniens les surprend toujours,
car
cette reponse rend compte d’un autre type de preparation, et signale un
autre type de danger. Les Palestiniens se font beaucoup de soucis a
propos
de cette guerre, et craignent particulierement l’actuel gouvernement
d’extreme droite en Israel, hostile au peuple palestinien et a sa
direction.
Leurs craintes concernent ce que ce gouvernement pourrait nous faire, en
profitant de la diversion qu’entrainerait cette guerre pour la
communaute
internationale et les medias.

A tort ou a raison, les Palestiniens ne font aucun preparatif en
prevision
d’attaques irakiennes, parce que, d’un cote, il existe un sentiment,
aussi
bien au sein du peuple que chez ses dirigeants, que l’Irak n’enverra
aucun
missile dans la region, et de l’autre, parce que l’Autorite
palestinienne
est tout simplement incapable de mettre en oeuvre des preparatifs a
grande
echelle comme le font les Israeliens, vu l’etat de nos infratsructures.

Pourtant, les Palestiniens sont inquiets de l’eventualite d’une guerre,
car
ils craignent que s’ensuive un changement radical dans l’equilibre des
forces dans la region au detriment des Arabes, y compris des
Palestiniens,
ce qui pourrait marquer profondement les negociations futures. Les
Palestiniens ne peuvent prendre au serieux les allusions ou les
promesses
voilees americaines selon lesquelles, apres la guerre, le conflit du
Moyen-Orient connaitrait son heure de verite. Ils considerent la guerre
comme un simple moyen de repousser encore les pourparlers et de geler
toute
initiative diplomatique, en particulier americaine. Pour eux, la guerre
offre au gouvernement d’Ariel Sharon l’occasion de poursuivre ses
efforts
pour atteindre ses objectifs par la force et la violence, et pousser les
Palestiniens, d’abord a l’effondrement, puis au bout du compte a la
reddition.

Des signes avant coureurs d’une crise palestinienne profonde se font
deja
jour. L’administration americaine est mecontente de la position
europeenne
sur l’Irak, et cela affecte de facon negative son implication dans le
« Quartette ». En retour, pour justifier leur role au Moyen-Orient et
l’existence du Quartette, les Europeens ont reagi en soumettant Arafat a
une
pression considerable. Cette semaine, on a vu les Europeens tenter de le
livrer aux Americains en lui arrachant des concessions qu’il avait
refuse de
faire jusqu’ici, par exemple sur la nomination d’un premier ministre et
d’un
vice-president.

Il n’est donc pas difficile de comprendre pourquoi la plupart des
Palestiniens considerent que la guerre en Irak n’aura d’autre effet sur
le
conflit israelo-palestinien qu’a travers certaines consequences
indirectes,
comme le fait de retarder une intervention diplomatique, une eventuelle
escalade de la pression israelienne, et bien sur, une destabilisation a
long
terme de l’equilibre des forces dans la region.