Les élections se sont soldées par un échec pour tous ceux qui souhaitaient un changement, non seulement de personne mais aussi de politique.

La frustration est d’autant plus vive qu’une alternative plausible avait – tardivement il est vrai – commencé à poindre. Au fil de la campagne, alors qu’à son début tout semblait joué d’avance, la possibilité d’un changement, essentiellement de la personne Netanyahu plus que de sa politique, devenait crédible.

Cette hiérarchisation reposait sur la volonté d’un retour à la « normale », à savoir à une relative moralité, sans attaque contre la Cour Suprême, sans dénigrement de ses adversaires politiques, sans délégitimation des associations de la société civile, sans accroître les clivages entre les composantes de la société israélienne et les fractures sociales, sans appels à la haine, sans distendre les relations entre Israël et les Juifs de par le monde, de par les choix dictés non par les valeurs mais par une certaine réalpolitik, sans doute pas aussi réal que cela, au profit de l’orthodoxie religieuse comme de l’illibéralisme politique… tous ces objectifs  pouvaient sembler justifier la mise au second plan des questions sociales et surtout des solutions au conflit israélo-palestinien pour se concentrer sur un changement de personne. Le devenir de la société israélienne l’emportait sur le devenir de l’occupation et du conflit… pour autant que l’un aille sans l’autre, ce dont on est en droit de douter.

L’éloignement brutal de cette perspective de changement et son coût psychologique font sans doute oublier la relative stabilité des blocs en présence, voire même d’un léger recul de la droite. En 2015, elle comptait 67 sièges, elle n’en a plus que 65 en 2019. Certes le Likud a progressé (+6) mais c’est au détriment des autres composantes de la droite. De même, le bloc modéré, davantage celui du centre que de la gauche, a légèrement progressé (+2) mais c’est surtout restructuré au détriment des partis traditionnels, le Parti Travailliste et dans une moindre mesure, le Meretz.

On est en droit de s’interroger sur la durabilité de ce parti Bleu-Blanc, composite, qui regroupe plusieurs formations et nombre d’égos dont la cohabitation au sein d’une même structure reléguée dans l’opposition semble plus que problématique. En cas d’éclatement, il est probable que les partis traditionnels du centre gauche retrouveront quelques-unes des plumes perdues, mais ce serait au détriment de la possibilité d’un changement nécessaire qu’en leur état actuel, ils ne sont pas à même d’initier et encore moins, de faire aboutir.

Cette stabilité du bloc modéré, dont la dimension minoritaire se comprend compte tenu d’évolutions démographiques qui arrivent à maturité et surtout du contexte sécuritaire, reste à bien des égards encourageante, alors qu’il y a quelques semaine à peine, des missiles tombaient sur le centre du pays, sans parler de ceux qui s’abattent sans discontinuer sur les agglomérations du Sud. Certes, les gouvernements israéliens ont leur part de responsabilité dans la perpétuation du conflit, de la colonisation et de la poursuite qu’elle induit de la domination d’un peuple sur un autre. Mais le leadership palestinien ne saurait s’exonérer de toute responsabilité. On peut dénoncer avec véhémence le grignotage d’un futur État palestinien et être clair quant aux objectifs poursuivis. Israéliens et Palestiniens sont confinés sur une même embarcation qui se fragilise au fil du temps. Il semble vain de croire que des changements profonds puissent s’opérer dans la politique israélienne tant qu’un danger perçu comme existentiel menacera, qu’il soit d’ordre local ou régional. Il y aura toujours un leader pour éveiller à tort ou à raison cette appréhension qui, au final, entravera toute velléité de prise de risques pour un changement pourtant indispensable. Paradoxal, difficile à comprendre et à mettre en œuvre… les plus faibles, les moins lotis doivent rassurer les plus forts, les dominants, pour mettre un terme au recours à la force et en finir avec la domination.

S’il existe un partenaire palestinien comme le proclame le camp de la Paix, il importe de l’assumer et le faire savoir, de le démontrer par des relations et des contacts sur le long cours. Il en va de même s’agissant des Arabes israéliens. Leur mise à l’écart du jeu politique est non seulement injuste mais ne peut que mener à une impasse. Tels sont les défis auxquels le camp de la Paix et le bloc modéré auront à faire face.

Certains ont commencé à s’orienter en ce sens, en s’engageant au sein d’associations de la société civile œuvrant pour un rapprochement judéo-arabe et israélo-palestinien.

Nous serons aux côtés de ceux qui sur le terrain ne peuvent se permettre de baisser les bras, tant pour eux-mêmes que pour leurs enfants.

Nous ne doutons pas que de cet échec ils feront un tremplin.

Ilan Rozenkier

16 avril 2019