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Le Monde, 15 mars 2002


La campagne politique lancee par la coalition israelo-palestinienne pour la
paix sur le theme : « Sortons des territoires, Revenons a nous ! » ouvre
enfin une perspective a un conflit qui s’enlise et dont personne ne voit
l’issue.
Pour la premiere fois, des intellectuels et des hommes politiques des deux
bords, au premier rang desquels les militants de La Paix Maintenant, signent
un texte commun affirmant les principes qui permettent de batir une solution
politique. La creation de cette coalition, en pleine Intifada, alors qu’il
est difficile pour les protagonistes des deux camps meme de se rencontrer,
est la meilleure reponse à la critique recurrente sur l’inexistence d’un
camp de la paix palestinien en miroir du camp israelien. Le discours de Sari
Nusseibeh, prononce en hébreu il y a quelques semaines à Tel Aviv devant 15
000 manifestants, ou il pronait l’application de la loi du retour pour les
refugiés palestiniens à l’interieur du futur Etat palestinien et pour les
colons au sein de l’Etat d’Israel dans le cadre de ses frontieres d’avant
1967, est un acte tres important. Il affirmait ainsi publiquement, sans etre
dementi ensuite par l’Autorite palestinienne, la necessite pour les refugies
de renoncer a leur demande de retour en Israel, une des exigences, qui avait
contribue à l’echec des negociations de Camp David et de Taba.

Cet appel, lance par la coalition pour la paix a la societe israelienne de
revenir a elle, lui pose clairement un defi : Definir ce qui constitue le
fondement de son identite. Depuis 1967, le développement accelere et
irresponsable des colonies dans les territoires occupes mine et corrompt les
fondements d’Israel comme Etat et comme societe. Revenir a soi pour Israel,
c’est reconnaitre qu’il y a un conflit insurmontable entre le Grand Israel
et l’Etat d’Israel, c’est reconnaitre qu’il est impossible d’avoir les deux.
Ceux qui veulent l’integralite de la terre portent la responsabilite de
l’ecroulement a terme de l’Etat. Ceux qui veulent preserver l’Etat doivent
se resoudre à abandonner une partie de la terre.

Un meme appel au retour a soi devrait egalement conduire les Palestiniens a
choisir sans equivoque entre l’abandon du terrorisme et la construction d’un
Etat aux cotes d’Israel ou la poursuite de chimeres qui depuis 54 ans n’ont
fait que maintenir ce peuple dans le malheur.

Pour nous ici, qui militons depuis des annees pour qu’enfin la paix puisse
s’installer entre ces deux peuples, nous devons analyser la situation des
deux camps de la paix, de part et d’autre de la ligne verte, afin de mieux
les aider. Il y a 18 mois, quelles que soient les erreurs de Barak, tous les
sondages en Israel montraient que s’il était revenu de Camp David avec une
proposition d’accord, il aurait ete soutenu par une majorite de la
population. Meme l’evocation du partage de souverainete de Jerusalem ne
remettait pas en cause ce large soutien. Après l’echec des négociations, une
partie de ce soutien au processus de paix s’est erode ; les positions
israeliennes se sont radicalisees parallelement au developpement de
l’Intifada et à l’accroissement des attentats.

Tirons les consequences de ces evenements. L’Etat palestinien n’existera que
le jour où une majorite d’Israeliens sera convaincue que celui-ci ne les met
pas en danger. Le camp de la paix doit retrouver sa crédibilite aupres d’une
population devenue sceptique et mefiante. Malgre 18 mois d’Intifada, les
sondages recents montrent que la majorite des populations israelienne et
palestinienne sont pour la reprise des negociations. Appeler a soutenir la
coalition israelo-palestinienne pour la paix, c’est aider le camp de la paix
a presenter l’autre, non pas comme un adversaire, mais comme un partenaire
aux objectifs communs. Nous avons une responsabilite dans ce conflit :
Appeler a soutenir les forces de paix engagees sur le terrain, a casser la
logique des camps et apporter notre caution et notre poids moral de
veritables amis d’Israel, soucieux de sa securite et de son avenir, a ceux
qui se battent courageusement pour l’emergence d’une solution politique.

David Chemla
Les Amis de Shalom Akhshav