Deposition devant la sous-commission pour les affaires du Proche-Orient et
de l’Asie du Sud-Est de la commission des Affaires etrangeres du Senat (americain)

par Dror Etkes, directeur de l’Observatoire de la colonisation de Shalom Akhshav (La Paix Maintenant)

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Shalom,

Mon nom est Dror Etkes, et je dirige l’Observatoire de la colonisation du
mouvement israelien Shalom Akhshav (La Paix Maintenant). C’est pour moi un
grand honneur et un immense privilege de temoigner devant vous au nom de
Shalom Akhshav pour discuter du mouvement de colonisation et de sa relation
avec le processus de paix israelo-palestinien, malheureusement bloque par la
violence et par l’echec des deux parties a remplir leurs obligations.

En tant qu’Israelien profondement devoue a son pays, et qui travaille a
preserver son avenir en tant qu’Etat juif et democratique, j’apprecie
enormement que cette sous-commission manifeste autant d’interet pour mon
pays, et pour notre recherche de la paix avec nos voisins.

J’apprecie egalement le haut niveau de soutien que le Congres a prodigue a
Israel depuis sa creation. Votre aide sans faille a ete, et continuera
d’etre, essentielle a mon pays.

Historique de Shalom Akhshav et de l’Observatoire de la colonisation

Avant d’aborder les colonies, je voudrais parler brievement du mouvement que je represente.

Shalom Akhshav (La Paix Maintenant) est ne en 1978, quand 348 officiers de reserve et soldats combattants de Tsahal publierent une lettre ouverte au
Premier ministre d’alors, Menahem Begin, pour le presser de parvenir a un traite de paix avec l’Egypte. Tres vite, Shalom Akhshav est devenu le mouvement de terrain le plus important en Israel.

Ce qui etait vrai alors l’est encore aujourd’hui : nous sommes un mouvement
sioniste, avec des racines dans l’establishment militaire et securitaire, qui pense que la paix est essentielle pour assurer la securite a long terme d’Israel.

Depuis, Shalom Akhshav a organise de grandes manifestations pour la paix, qui
ont reuni des cenatines de milliers d’Israeliens, et bati une serie de projets de recherche et d’analyse sur des domaines lies au processus de paix. L’un de ces projets s’appelle l’Observatoire de la colonisation, et j’en assure actuellement la direction.

L’Observatoire de la coloisation est ne parce que Shalom Akhshav a toujours pense que les colonies en territoires occupes menacaient notre existence en tant qu’Etat juif et democratique, affaiblissaient la securite d’Israel, assechaient nos ressources economiques, affectaient la moralite de notre societe, et servaient a perpetuer la domination d’Israel sur un autre peuple, empechant ainsi Israel de parvenir a une paix avec les Palestiniens.

Les colonies constituent aujourd’hui une menace existentielle pour l’avenir
d’Israel

Je veux etre tres clair : il y va de l’interet superieur d’Israel de se separer des colonies et des territoires occupes que les colons voudraient voir annexes a l’Etat.

(..) La Cisjordanie et Gaza ne sont pas vides, a part les colons, il y a aujourd’hui environ 3,5 millions de Palestiniens. Et vu l’evolution demographique, ces Palestiniens, ajoutes aux Arabes israeliens qui vivent a l’interieur de la Ligne verte, les Juifs constitueront bientot une minorite sur le territoire compris entre le Jourdain a la Mediterranee.

Quand ce jour sera venu, Israel cessera d’etre un Etat juif democratique. Nous ne serons plus un Etat juif parce que les Juifs israeliens seront moins nombreux que nos voisins arabes, et en consequence, nous devrons devenir un Etat bi-national, avec pour perspective le fait qu’un Etat bi-national civil et stable est virtuellement impossible. Ou bien nous choisirons de renoncer a toutes les normes democratiques afin de maintenir la suprematie de la minorite juive sur une majorite arabe.

L’une et l’autre de ces options doivent faire peur aux amis d’Israel, au Senat ou ailleurs aux Etats-Unis. Mais nous devrons choisir entre ces options si des mesures fermes ne sont pas prises immediatement pour nous liberer, nous, nos allies et nos voisins, du fardeau des colonies.

Les colonies affaiblissent notre securite parce que chaque colon, chaque colonie, chaque route de contournement qui relie Israel aux colonies, doivent etre proteges par l’amee israelienne. On demande a nos soldats de mettre leur vie en danger chaque jour pour defendre des communautes israeliennes placees deliberement au milieu de centres de populations palestiniennes pour briser la continuite territoriale palestinienne. En Cisjordanie, la ligne de defense d’Israel est, en gros, dix fois plus longue que la Ligne verte, a cause de la necessite de proteger les colonies et leurs infrastructures.

Une recente etude publiee par un des quotidiens israeliens les plus importants, Haaretz, a montre qu’Israel a depense un peu moins d’un demi milliard de dollars par an pour maintenir environ 10.000 hommes dans les territoires avant la premiere intifada. Haaretz a aussi montre que notre ministere de la Defense depense environ le double de cette somme, soit plus d’un milliard de dollars, cette fois a cause des violences actuelles. Ces troupes et cet argent pourraient servir a defendre nos frontieres.

En plus d’affaiblir les capacites de defense d’Israel, le mouvement de colonisation coute chaque annee aux contribuables israeliens au moins 556 mlillions de $ en depenses non-militaires, toujours selon la meme etude.

Les depenses totales pour les colonies se montent a plus de 10 milliards de $ depuis 1967.

Les colonies affectent egalement les interets israeliens en sapant l’autorite politique de leaders palestiniens moderes, ceux qui souhaitent stopper le terrorisme. Pour que ces leaders soient en mesure d’avancer leur programme politique, ils ont besoin de prouver a leurs electeurs qu’une voie non-violente de negociations peut conduire a un futur Etat palestinien en Cisjordanie et a Gaza. Or, les colonies agressent tous les jours les coeurs et les esprits de la rue palestinienne. La construction de colonies delivre un message coule dans le beton et l’acier : Israel n’est pas interesse par des negociations.

Enfin, les colonies inquietent Shalom Akhshav parce qu’elles contribuent a ce que les populations israeliennes et palestiniennes soient imbriquees partout sur les territoires, et rendent impossible le fait de separer les deux societes en deux Etats viables et independants.

Ce n’est pas un hasard. C’est le resultat d’une planification deliberee de la part du mouvement des colons et de leurs partisans dans les differents gouvernements israeliens depuis des annees, en particulier de notre actuel Premier ministre, Ariel Sharon.

Les colonies et le processus de paix

Je voudrais maintenant parler du role que jouent actuellement les colonies dans le processus de paix.

Il est important de garder a l’esprit que, malgre le fait que les colonies constituent un obstacle important a la paix, il n’y a aucune equivalence morale entre les colonies et les attentats terroristes. Il est clair qu’il y a une differnce entre la construction d’une maison en Cisjordanie et l’envoi d’un kamikaze pour tuer des Israeliens innocents. Je voudrais me faire l’echo de ce qu’ont dit Amnesty International et Human Rights Watch : les attentats terroristes contre des civils (y compris des colons) sont des crimes de guerre et des crimes contre l’humanite.

Je reconnais egalement que les colonies ne sont pas la seule cause des
tensions entre Israeliens et Palestiniens. En meme temps, dans un processus
ou les Palestiniens devront echanger des territoires contre la paix, les colonies ont beaucoup a voir avec ce que qu’Israel devrait offrir aux Palestiniens a travers des negociations, mais qu’il n’a pas offert.

Voici l’essentiel des faits : selon des sources israeliennes gouvernementales, environ 230.000 colons vivent actuellement dans 145 colonies de Cisjordanie et de Gaza, considerees comme legales par la loi israelienne, et plus de 120 avant-postes crees depuis 1996 sans autorisation (tous ces avant-postes n’existent pas forcement, car 20 d’entre eux – pour la plupart inhabites – ont ete demanteles). Environ 7.000 colons vivent dans la bande de Gaza, dans 17 colonies, le reste de la population des colons vit en Cisjordanie.

Bien que la construction dans les colonies ne couvre qu’une minuscule fraction des territoires occupes, Israel a exproprie environ 50% des terres de Cisjordanie, soit qu’elles aient ete confisquees en tant que « terres d’Etat », soit qu’elles aient ete saisies pour « raisons militaires », soit qu’elles aient ete declarees « proprietes abandonnees », soit encore qu’elles aient ete expropriees pour « utilisation publique ». De plus, les colonies et les territoires qu’elles controlent sont souvent situes pres de localites palestiniennes pour empecher celles-ci de s’etendre, ou au milieu de centres de populations afin de briser leur continuite territoriale.

Contrairement a ce que l’on croit souvent, l’expansion des colonies s’est
poursuivie pendant les annees du processus de paix d’Oslo, la population des
colons ayant pratiquement double, et des milliers de logements supplementaires ayant ete construits. Cette croissance de la colonisation a renforce la popularite des Palestiniens rejectionnistes et sape celle des dirigeants palestiniens moderes qui ont soutenu les accords d’Oslo.

L’initiative de paix du president Bush reconnait explicitement que les colonies constituent un probleme immediat et oblige Israel a le traiter.

Bien que le sort definitif des colonies officielles soit laisse aux soins d’Israel et des Palestiniens qui devront le resoudre dans le cadre d’un accord de paix, la feuille de route detaille des mesures specifiques qu’Israel doit prendre au debut du processus afin d’empecher les colonies de poser un probleme encore plus important.

Ces mesures doivent etre prises par Israel, que ce plan soit une reussite ou non.

Les avant-postes

Au cours de la premiere phase de la feuille de route, Israel doit demanteler
immediatement les avant-postes crees depuis mars 2001.

Non pas apres que les Palesiniens auront rempli leurs obligations en matiere de securite, mais immediatement.

Et pas seulement ceux des avant-postes qu’Israel considere comme non autorises ou illegaux, mais tous ceux construits a partir d’une certaine date, qui coincide avec la premiere election d’Ariel Sharon au poste de Premier ministre.

Pour cerner le probleme des avant-postes et leur profil, l’Observatoire de la colonisation a ete utile. Nous circulons partout dans les territoires occupes, et nous les survolons a bord d’ULM pour les localiser et observer leur croissance.

Nous considerons comme avant-postes les colonies construites sans autorisation prealable de l’Etat, situees a une distance significative des colonies officielles, et disposant d’infrastructures de base leur permettant d’exister en tant que communautes independantes.

Ces avant-postes sont crees pour une raison precise : completer la chaine des colonies israeliennes dans les zones qui sont restees sous controle israelien total selon les accords d’Oslo, et les relier aux colonies isolees au coeur de la Cisjordanie, afin de constituer des blocs de communautes plus solides. L’armee israelienne, et de nombreux gouvernements d’Israel ont eu connaissance de ces faits, et ont souvent apporte leur aide.

Le phenomene des avant-postes n’est pas nouveau. C’est de cette facon qu’ont
ete creees les differentes colonies a partir de la fin des annees 60. Cependant, sous le mandat de Netanyahou, les colons ont recu le soutien d’hommes politiques de droite qui les ont encourages a utiliser cette methode. Ce fut Ariel Sharon, alors ministre des Affaires etrangeres, qui revint des negociations de Wye Plantation en octobre 1998 et appela les colons a s’emparer des sommets des collines et a y creer de nouvelles colonies pour empecher que la terre soit rendue aux Palestiniens. Sous Netanyahou, environ 50 avant-postes furent crees. Ce phenomene a atteint son apogee sous le premier gouvernement Sharon, qui a vu se creer environ 75 nouveaux avant-postes (quoiqu’une petite partie d’entre eux ait ete demantelee).

A l’occasion, le Premier ministre Sharon a pu paraitre demanteler certains avant-postes, mais il s’agit d’une plaisanterie.

Le methode pour soi-disant demanteler un avant-poste est connue : le gouvernement choisit le moment le plus propice sur le plan politique pour engager un combat limite contre un avant-poste isole. Les colons, en particuler la « jeunesse des collines », reagissent par la resistance aux soldats et aux policiers israeliens, qui sont souvent l’objet de violences lors du processus. Les cameras filment tout, et cela passe bien a la television. Mais quand les journalistes s’en vont, les colons erigent d’autres avant-postes, soit sur les memes lieux, soit sur des lieux proches, soit encore dans des regions eloignees et difficiles d’acces pour les journalistes.

Actuellement, plus de 120 avant-postes ont ete crees depuis 1996, quelques-uns ont reellement ete evacues, et les colons continuent a pousser pour en construire de nouveaux chaque jour et consolider les plus anciens.

Le gel de la colonisation

La deuxieme mesure qu’Israel doit prendre pour se conformer a la premiere phase de la feuille de route est de geler toute activite de colonisation (y compris la croissance naturelle des colonies existantes).

Ainsi que je l’ai deja mentionne, les colonies et leur population ont continue a se developper durant les annees du processus de paix, creant ainsi des faits accomplis sur le terrain qui rendent plus difficile la negociation sur leur sort futur. Les gouvernements israeliens successifs se sont servis du pretexte de la « croissance naturelle » comme d’une faille a travers laquelle on a construit davantage de logements et de routes de contournement, et fait venir davantage de colons dans les territoires occupes.

Mais, en fait, s’agissant des colonies, la notion de « croissance naturelle » n’a pas de sens.

Une « croissance naturelle » impliquerait qu’un avatar de la « Main invisible » d’Adam Smith guide des Israeliens vers la Cisjordanie et vers Gaza. Or, s’il est vrai que certains colons s’y installent pour des raisons ideologiques ou religieuses, ils ne representent qu’une faible minorite. La grande majorite des colons (77% d’entre eux, si l’on en croit une etude independante commandee par Shalom Akhshav) s’installe dans les territoires occupes pour des raisons de « qualite de vie ». Les gouvernements israeliens ont offert d’importants avantages economiques, qui font qu’il revient nettement moins cher d’habiter en Cisjordanie ou a Gaza qu’a l’interieur de la Ligne verte. Cela permet aux colons d’avoir un niveau de vie meilleur que celui qu’ils auraient eu autrement.

Un gel de l’activite de colonisation exigerait de mettre fin a ces subventions, mais au contraire, Israel continue a encourager la croissance des colonies.

Shalom Akhshav a demande a un analyste financier independant d’etudier les
depenses du gouvernement pour la Cisjordanie et Gaza en 2001. Cet analyste,
Dror Tzaban, a travaille au departement Budget du ministere des Finances, et ete assistant du directeur general du ministere des Finances.

Son etude montre qu’en 2001, si on adopte un taux de change de 4,1 shekels
pour 1 dollar, Israel a depense au moins 553,6 millions de $ pour les colonies de Cisjordanie et de Gaza, dont au moins 440,5 millions de $ peuvent etre consideres comme des depenses « supplementaires », c’est-a-dire des depenses consacrees aux colons et aux colonies qui n’auraient pas ete engagees pour ces individus et ces communautes dans le cadre de postes de budgets alloues aux Israeliens vivant a l’interieur de la Ligne verte.

Mr Tzaban n’a pas etudie les depenses militaires destinees a proteger les colonies, et il a ete dans l’impossibilte de determiner les depenses appartenant a certains postes civils, comme l’education.

Ces chiffres ne sont peut-etre pas tres impressionnants pour des membres du
Senat habitues a manier des sommes bien plus importantes, mais a titre de
comparaison, Israel a recu en 2001 838,2 millions d’aide economique de la part des Etats-Unis. Ce qui signifie qu’Israel a depense cette annee-la l’equivalent de plus de la moitie de cette aide pour les colonies, compte non tenu des depenses militaires.

Une etude plus recente, conduite par le quotidien Haaretz, que j’ai mentionnee plus haut, a ete encore plus large, car ses journalistes ont eu acces a des donnees auxquelles Shalom Akhshav n’a pas eu acces.

Haaretz a donc montre qu’Israel depensait au moins 556 millions de $ par an
pour les colonies, compte non tenu des depenses militaires. Ces surplus de
depenses representent 2.222 $ par an par colon. Les principaux postes
concernes sont les transferts aux collectivites locales (156 millions de $),
le logement (111 millions), et les routes (89 millions). Les credits d’impot
sur le revenu representent environ 29 miilions de $, mais ils ont ete supprimes cette annee (…)

Loin de respecter ses engagements et de geler la croissance de la colonisation, le gouvernement Sharon a lance recemment un enorme programme d’encouragement au logement dans les colonies, et prevoit une hausse des
investissements pour le tourisme dans les territoires occupes.

Shalom Akhshav pense que notre gouvernement doit geler la croissance de la
colonisation et transferer la totalite des 556 millions de $ supplementaires
consacres aux colonies vers des depenses pour les Israeliens vivant en-deca
de la Ligne verte.

La cloture de securite

On a beaucoup parle ces derniers mois de la cloture de securite qu’Israel
construit en Cisjordanie. Bien que la cloture ne soit pas mentionnee dans la
feuille de route, elle n’en est pas moins devenue un sujet de contentieux entre le gouvernement Sharon et l’administration Bush.

Je dirai tout d’abord qu’il n’y a rien de mal en soi a ce qu’Israel erige une barriere de securite entre la Cisjordanie et nous. En realite, cette idee, que soutient Shalom Akhshav, vient du Parti travailliste et d’autres organisations de la gauche israelienne, qui ont indique des les premiers jours de l’intifada qu’il etait fou de la part d’Israel de laisser ses frontieres le long de la Cisjordanie ouvertes aux infiltrations terroristes.

Trop d’Israeliens ont paye un prix tres lourd parce que rien ne s’opposait au chemin que prenaient les terroristes. Israel a le droit et l’obligation de defendre ses frontieres, et ce n’est pas le premier pays au monde a utiliser une cloture pour assurer sa securite. Tout en affirmant qu’Israel doit etre en faveur d’une option viable pour une paix negociee avec les Palestiniens, nous ne devons pas hesiter a proteger notre frontiere jusqu’a ce qu’une telle paix soit possible.

Mais la barriere de securite qu’est en train de construire le Premier ministre Sharon est tres differente du plan d’origine qui consistait a eriger une cloture le long de la Ligne verte. Sharon s’est tres fortement oppose au concept initial de cloture, parce qu’il en connaissait les implications politiques. La construire le long de la Ligne verte aurait signifie que les colonies qui se trouveraient de l’autre cote seraient susceptibles d’etre demantelees, une fois des frontieres defnitives fixees
avec les Palestiniens. Ainsi, les colons et leurs partisans ont commence a
revendiquer un maximum de colonies du cote israelien de la cloture, et c’est
seulement dans la perspecive ou cette cloture renforcerait de fait les colonies et le controle par Israel d’environ 50% de la Cisjordanie que le Premier ministre l’a soutenue.

Les objections du president Bush au trace de la cloture que propose Sharon sont donc fondees. Cette cloture, selon les plans actuels, violerait une autre obligation d’Israel : ne pas entreprendre d’actions qui saperaient la confiance, dont les confiscations et/ou demolitions de maisons et de proprietes palestiniennes. Tracer la cloture de telle maniere qu’elle coupe des Palestiniens d’environ la moitie de leur territoire constitue de fait une confiscation de biens, et empeche un accord negocie. Ainsi, elle va a l’encontre de la vision du president Bush concernant la fin de l’occupation. Selon des sources israeliennes, 85% des terres
requisitionnees pour la cloture dans sa premiere phase de construction sont
des terres confisquees a des Palestiniens.

Il faut noter que l’une des raisons pour lesquelles les Israeliens se montrent si enthousiastes a l’idee d’une cloture en Cisjordanie est la reussite de la cloture qui entoure la Bande de Gaza, que n’a franchie aucun terroriste palestinien. Mais la cloture de Gaza est construite le long de la frontiere de 1967, et cela doit constituer un precedent pour une cloture entre Israel et la Cisjordanie.

De plus, ce trace, tel qu’il est propose, placerait des dizaines de milliers de Palestiniens, vivant pres de colonies, a l’interieur de la ligne de defense d’Israel, des Palestiniens en colere car ils seront coupes de leurs terres arables, de leurs proches et de leurs services sociaux. Le Premier ministre Sharon s’oppose vehementement a un quelconque droit au retour palestinien (qui ajouterait a Israel des dizaines de milliers de Palestiniens), et pourtant, sa cloture reviendrait a annexer de facto quelque 500.000 Palestiniens.

Repousser la cloture plus profondement en Cisjordanie en fera egalement
augmenter le cout de construction, la portion entourant Ariel ajoutant a elle seule environ 224 millions de $, si elle est terminee.

Enfin, une cloture plus longue entrainera des contraintes supplementaires pour l’armee, qui devra patrouiller et la defendre.

Voici ce qu’a ecrit dans Maariv l’analyste israelien Amir Rappaport sur les
problemes de securite que poserait le trace defendu par le gouvernement
Sharon :
« Il (le trace) obligerait Tsahal a mobiliser un grand nombre de militaires pour le defendre, et ce pour deux raisons. Non seulement la cloture le long de la Ligne verte est plus courte, mais elle est aussi situee sur un terrain plus favorable que celle qui s’enfonce en Samarie, plus accidentee et plus difficile a defendre. Un bon nombre d’officiers pense qu’il aurait ete plus judicieux de prevoir des le debut une cloture plus ou moins le long de la Ligne verte (…). Il existe donc de bonnes raisons de penser que la cloture a ete planifiee selon des interets politiques, afin de conserver du cote israelien le maximum de territoire possible, et moins dans une optique de securite ».

Shalom Akhshav encourage le Senat a soutenir le droit d’Israel a construire une cloture de securite, mais soutient aussi les objections du president Bush a son trace tel qu’il est propose, et qui servirait les interets des colonies. Je vous prie d’user de votre influence pour vous assurer que la cloture sera construite le long de la Ligne verte.

L’opinion publique

Enfin, il est important de signaler que les positions de Shalom Akhshav sur les colonies refletent bien davantage l’opinion publique, en Israel comme dans la communaute juive americaine, que celles du gouvernement Sharon. En fait, meme la majorite des colons est relativement moderee sur certaines de ces questions.

Je m’explique.

Depuis le debut de l’intifada, les sondages d’opinion israeliens refletent un soutien croissant a l’evacuation des avant-postes et d’autres colonies,en particulier dans le contexte d’un traite de paix.

Depuis dix ans, le Steinmetz Institute de l’universite de Tel-Aviv mene tous les mois une etude sur l’opinion israelienne a l’egard du processus de paix. Selon ces sondages, entre 60 et 70% des Israeliens disent invariablement qu’ils seraient en faveur d’un retrait et d’un demantelement des colonies, total ou partiel, si un traite de paix etait signe. Ces chiffres se retrouvent dans d’autres etudes. De plus, un recent sondage d’Haaretz montre que 40% des Israeliens sont prets a evacuer au moins une partie des colonies de facon unilaterale, meme sans traite. Le meme sondage montre que 55% des Israeliens pensent que les colonies sont davantage un fardeau economique qu’un atout securitaire, et 55% pensent aussi que les avantages accordes aux colons devraient etre abolis ou reduits.

Des sondages aupres des Juifs americains, menes par notre association soeur
aux Etats-Unis, Americans for Peace Now (APN), ont montre des attitudes
similaires. Dans un sondage en juillet dernier, APN a montre que pres de 71%
des Juifs americains soutenaient, totalement ou dans une certaine mesure, le gel de la colonisation, et que 58% soutenaient d’une facon ou d’une autre la fin de l’occupation de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza. De plus, 59% des Juifs americains seraient en faveur d’un accord definitif entre Israel et les Palestiniens, grosso modo sur les bases ou se sont arretees les parties lors des dernieres negociations officielles a Taba, bases qui incluent l’evacuation de la plupart des colonies des territoires.

J’ai dit auparavant que la plupart des colons se sont installes dans les territoires occupes pour des raisons non-ideologiques. Cela se reflete dans les resultats de deux sondages commandes par Shalom Akhshav l’annee derniere, ou les colons ont du repondre a des questions sur le processus de paix. Les resulats peuvent surprendre, parce qu’il apparait que les colons sont plus moderes qu’on aurait pu le faire croire.

Par exemple, dans notre sondage de juillet 2003, nous avons constate que 90%
des colons ne violeraient pas la loi au cas ou interviendrait une decision de se retirer des territoires, que seuls 1 a 2% d’entre eux auraient recours a tous les moyens pour s’opposer a une evacuation, et que 83% accepteraient de partir en echange de compensations financieres. En fait, 29% des colons quiterraient les colonies aujourd’hui si cela leur etait possible.

Sur les questions politiques, 71% des colons pensent qu’il faut trouver un accord avec les Palestiniens, 66% pensent que les avant-postes illegaux devraient etre demanteles, et 57% des colons considerent la « jeunesse des collines » comme extremiste et dangereuse.

En d’autres termes, quand Israel devra prendre des decisions difficiles a propos des colonies, la grande majorite des colons ne sera pas necessairement un obstacle.

Conclusion

Je voudrais conclure en insistant une fois de plus sur le fait que moi, en tant qu’Israelien, et Shalom Akhshav, en tant que mouvement sioniste, apprecions le soutien apporte par le Congres a Israel, annee apres annee. Sans vos efforts, nous serions dans une situation bien pire qu’aujourd’hui, au plan economique comme au plan de la securite. Nous vous prions de continuer a nous aider a combattre le terrorisme comme d’autres menaces regionales.

Je voudrais aussi insister sur le fait que le manquement d’Israel a ses obligations quant aux colonies n’est en aucune maniere une excuse pour l’Autorite palestinienne pour avoir echoue a remplir les siennes, dans le combat contre le terrorisme et dans la mise en oeuvre de nombreuses reformes. Comme l’indique la feuille de route, les deux cotes doivent prendre parallelement des mesures pour que ce plan reussisse.

En meme temps, je voudrais vous dire que votre indulgence a l’egard du refus de l’actuel gouvernement d’Israel a traiter le probleme des colonies et de sa volonte de construire une barriere de securite en pleine Cisjordanie pour compliquer tout retrait d’Israel des territoires occupes n’est pas de l’interet d’Israel, et ce que la feuille de route soit appliquee ou pas. Ici aussi, nous avons besoin de votre aide.

Laisser Israel intensifier son occupation des territoires par les colonies et la cloture revient a condamner notre avenir en tant qu’Etat juif et democratique.

La poursuite de la colonisation mettra fin au reve sioniste, que le terrrorisme soit ecrase aujourd’hui ou non.

Il s’agit de la menace la plus grave a laquelle nous soyons confrontes. Je vous demande de nous aider a relever ce defi.

L’une des manieres de nous aider serait de prendre en compte une proposition
faite cette annee par Americans for Peace Now, sur l’utilisation de l’argent qui serait deduit des garanties de pret que le Congres a genereusement et sagement accordees a Israel, un argent qui doit etre deduit a cause des depenses d’Israel pour ses colonies. Au lieu qu’Israel perde ces garanties, APN a suggere que cette portion des garanties soient placee dans un fonds separe destine a encourager la construction a l’interieur de la Ligne verte, pour les colons desireux de revenir en Israel. Il n’esiste a l’heure actuelle aucun fonds de cette sorte. Aider a en creer un enverrait un message constructif a propos des colonies et manifesterait de la compassion pour les colons qui ne peuvent pas se permettre de rentrer chez eux.

Encore une fois, j’apprecie l’occasion qui m’est donnee de temoigner devant vous, et je serai heureux de repondre a toutes vos questions sur les colonies.

Merci.