Une guerre se termine et on ne peut que s’en féliciter. D’une part parce qu’elle ne provoquera plus de victimes de part et d’autre, du moins dans l’immédiat. D’autre part, parce qu’elle aura permis d’éloigner – à défaut d’éradiquer – un danger existentiel pour Israël et sans doute pas seulement pour lui, ce qui explique probablement pourquoi Israël a bénéficié d’un laisser faire. Cette guerre n’était sans doute pas conforme au droit international, encore qu’on puisse s’interroger quant à la pertinence de cette référence dans la mesure où la situation en Iran, s’agissant de son potentiel nucléaire et de ses menaces constantes et réitérées de faire disparaître un État pourtant reconnu par la communauté internationale, est en contradiction flagrante avec ce même droit international dont l’application est inexistante. Est-on alors en droit de l’invoquer à l’encontre d’un État qui certes l’enfreint mais, dans le cas présent, passe outre du fait qu’il est en danger de vie ou de mort de par la violation de ce droit international et de l’absence de réaction internationale appropriée face à cette à transgression?

Quoi qu’il en soit, l’intervention israélienne, dans son volet nucléaire, était justifiable et comprise par la population israélienne, quelles que puissent être ses fracturations, et plus largement, par plusieurs pays de la région et même au-delà.

D.Trump, comme à l’accoutumée, a joué un rôle essentiel, sinon dans le déclenchement des opérations du moins lors de la phase finale, bombardement du site nucléaire de Fordo et imposition de l’arrêt des combats. Imposition dont témoigne le fait que c’est lui qui a annoncé le cessez-le-feu avant même les protagonistes, Israël en tête. Ainsi le danger de l’enlisement dans une guerre d’usure est évité tant à Israël – qui aurait du mal à soutenir sur le moyen terme les pertes en vie humaines, les destructions et le coût économique faramineux – qu’à Trump, lui qui s’était engagé à régler les conflits en 48h, à ne plus entraîner l’Amérique dans des guerres ne la concernant pas. On a vu qu’une partie de sa base commençait à « ruer dans les brancards » et à lui reprocher sa « trahison ».

Maintenant les négociations devront permettre de s’assurer que l’Iran ne puisse plus se doter de l’arme atomique et de définir les sanctions en cas de non-respect de l’engagement incluant une possible intervention militaire.

Comme l’a écrit Yaïr Golan, « …dans le brouillard de la guerre et de l’euphorie de la victoire, il est encore trop tôt pour connaître les résultats des frappes contre le programme nucléaire iranien. Ce qui est clair, c’est qu’Israël se trouve aujourd’hui à un tournant décisif. Saurons-nous tirer parti de nos succès militaires pour mener une action politique stratégique qui conduira à la paix dans la région ? Sans accord entre les États-Unis et l’Iran pour éliminer la menace nucléaire, Israël risque de ne conserver qu’une victoire tactique. Le véritable défi – et l’opportunité – consiste à traduire cette victoire militaire en une nouvelle réalité axée sur la normalisation régionale et la solution à deux États... ».

Cette normalisation régionale qui permettrait un contrôle réel du nucléaire iranien n’est pas envisageable sans la fin de la guerre à Gaza. Lorsqu’en Israël, la société commencera à oublier les nuits d’insomnie, à se remettre de la fatigue, à oublier les alarmes et la course vers les abris, qu’elle prendra conscience de l’étendue des dégâts et s’attellera à la reconstruction tant physique que psychique, l’attention du monde se portera à nouveau sur la terrible situation dans la bande de Gaza, l’ampleur des destructions, une distribution de l’aide alimentaire qui aide à survivre et non à vivre tout en s’accompagnant jour après jour, dans l’indifférence, de dizaines de victimes civiles en quête de nourriture, sans compter celles que provoque la poursuite des opérations militaires.

Il importe donc maintenant que D.Trump parvienne à imposer au gouvernement israélien et au Hamas de mettre un terme à la guerre à Gaza sur la base des mesures déjà évoquées dans le cadre de négociations antérieures : libération des otages et de prisonniers palestiniens, mise à l’écart du Hamas dans la direction de Gaza et possibilité pour ses combattants, ses dirigeants et leurs familles de quitter Gaza, mise en place par l’Autorité palestinienne d’une équipe légitime pour former un gouvernement provisoire, sans la participation du Hamas pour la gestion immédiate du quotidien, la distribution de l’aide alimentaire qui devra entrer librement, l’organisation d’élections. D.Trump devra obtenir de l’Égypte, la Jordanie, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite de prendre part à une force sécuritaire temporaire en coordination avec le retrait israélien de Gaza.

On sait qu’un tel projet n’est en rien conforme à la vision du gouvernement israélien actuel dans la pérennité duquel les extrémistes, certes minoritaires, sont essentiels. Pour eux, le 7 octobre participe d’un miracle. Pour eux, toute une frange de la population doit être exemptée de la conscription tout en bénéficiant de toujours plus de subsides de l’État. Pour eux, les contre-pouvoirs doivent être réduits au minimum et affaiblis au maximum. La théocratie doit l’emporter sur la démocratie. Pour eux, la colonisation des territoires occupés doit s’étendre, le contrôle de la population palestinienne se durcir, le suprémacisme juif se généraliser.

Ces « fantaisies » qui mèneraient le pays à la catastrophe sur les plans sécuritaire, économique et éthique, l’isoleraient du reste du monde, l’éloigneraient de la diaspora, solidaire d’Israël mais sans doute pas d’un tel Israël, ne sont pas, loin s’en faut, partagées par la majorité des Israéliens, préoccupés plus que jamais par leur sécurité et celle du pays sans pour autant verser dans un tel extrémisme.

Tous les sondages donnent la coalition actuelle minoritaire, (moins de 50 sièges sur 120). Dans le dernier sondage du Maariv du 20 juin 2025 (guerre avec l’Iran en cours mais avant le cessez-le-feu) elle n’a que 49 sièges, même si elle progresse de 4 sièges. Le Likud reprend la première place mais son gain provient en partie d’une perte de Puissance juive (droite extrême). Une nouvelle majorité sans Netanyahu ne serait sans doute pas « colombe » pour autant.

Alors que l’odeur de prochaines élections, anticipées, devient plus forte, tant du fait des difficultés internes de la coalition actuelle et de sa fragilité que de la volonté de Netanyahu de profiter du « momentum » iranien, le renforcement du camp libéral et démocratique en Israël devient plus que jamais un enjeu de première importance, notamment pour traduire les succès militaires en une nouvelle réalité régionale centrée sur l’établissement d’accords de paix au Moyen-Orient.

« L’heure est venue de conclure de larges alliances. Le moment est venu de normaliser les relations, de fixer des frontières permanentes pour Israël, de créer un État palestinien et de mettre fin au conflit israélo-palestinien. Après la guerre à Gaza, après la guerre au Liban et même après la guerre en Iran, la paix peut régner ici. Mais pour la paix, il faut des dirigeants qui ne soient pas épris de guerre. » (Yaïr Golan)