article en anglais sur le site d’Haaretz

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Encore un de ces retournements de l’Histoire. Dix ans jour pour jour apres
la signature des accords d’Oslo, le gouvernement d’Israel prend la decision
de principe d’expulser Yasser Arafat du territoire de l’Autorite palestinienne, dont la creation est une des consequences de ces accords. Cette expulsion mettrait fin a ce chapitre de l’Histoire. Le gouvernement dirige par Ariel Sharon et Benjamin Netanyahou, qui ont tous deux ete les fers de lance de l’opposition a la tentative de rapprochement avec le peuple palestinien, a donne un ordre destine a mettre en pieces la vision de la paix d’Yitzhak Rabin et de Shimon Peres.

Il existe a peu pres autant d’explications donnees a l’echec du processus d’Oslo que d’acteurs investis dans cet effort de paix. Depuis le debut, Benny Begin (ancien depute, fils de Menahem Begin, ndt) a cru que la source du mal residait dans l’illusion de paix qui avait saisi Rabin et ses collegues, et qui les avait tant eblouis qu’ils ne purent pas discerner ce qu’il y avait de frauduleux dans l’attitude d’Arafat vis-a-vis d’Oslo. Begin reunit des indices, essayant de demontrer que le leader palestinien n’avait pas vraiment l’intention de conclure un accord de paix avec Israel. Pour Begin, Arafat considerait Oslo comme un cheval de Troie duquel sortiraient un jour des guerriers qui feraient revivre la vision de la Grande Palestine. Aujourd’hui, la plus grande partie de l’establishment securitaire partage
l’interpretation de Benny Begin.

Yossi Beilin, l’un des architectes des accords d’Oslo, a dit que Netanyahou
l’avait deliberement dissout pendant les trois ans qu’ont dure son mandat de
premier ministre. Gilad Sher, qui a dirige le groupe des collaborateurs d’Ehoud Barak, et l’un des acteurs les plus importants dans l’effort qui a consiste a transformer les discussions avec les Palestiniens en accord de paix au sommet de Camp David, tient Arafat pour responsable, en raison de sa faiblesse en tant que leader. Pour Uri Savir, negociateur en chef israelien a Oslo, ce sont les « elements fondamentalistes des deux cotes ».

Il ne fait aucun doute que les resultats desolants d’Oslo decoulent d’un
processus complexe mettant en jeu des contradictions internes, des forces et
des individus repondant a toutes sortes de motivations. Neanmoins, quand on
considere cette decennie a posteriori, il est crucial de voir le role qu’a joue Israel dans la mort d’Oslo.

En fait, la contribution d’Israel a l’echec est simple a trouver : c’est le refus d’Israel de quitter les territoires. La responsabilite des Palestiniens n’en est pas moindre pour autant. Mais il leur appartient de faire leure propre examen de conscience, dans leurs propres journaux.

En exprimant le fait qu’Israel etait officiellement pret a reconnaitre les droits nationaux du peuple palestinien, les accords d’Oslo ont constitue un tournant historique. A cet egard, ils demeureront un jalon dans ce qui faconnera les relations entre les deux peuples. Cependant, malgre les accords, Israel n’etait pas pret de l’interieur, sur les plans de la raison et de l’emotion, a accepter la necessite de quitter les territoires pour que le peuple palestinien puisse y creer son Etat. Et sans qu’il y soit pret, il n’existe aucune perpective pour un accord.

Que le conflit israelo-palestinien ait ses racines dans une animosite entre religions, ou qu’il soit fonde sur un sentiment national d’injustice, ou encore qu’il soit la consequence de la conquete des territoires, il ne peut y avoir de solution sans qu’Israel se retire sur la Ligne verte d’avant 1967. Quiconque prone la continuation de l’occupation des territoires par Israel condamne les deux cotes a un conflit sans fin. Car aucun leader palestinien ne pourra obtenir de son peuple son assentiment a cette conquete.

Depuis septembre 1993, cette verite elementaire a echappe a tous les premiers ministres d’Israel. Ceux qui l’ont peut-etre percue ont recule devant la perspective de la traduire en politique concrete. Rabin, Peres, Netanyahou, Barak et Sharon ont joue un double jeu : d’une main, ils menaient des negociations avec les Palestiniens pour appliquer un accord qui devait, a premiere vue, leur permettre de creer leur Etat ; de l’autre, ils autorisaient l’expansion de la presence israelienne dans des territoires destines a l’Etat palestinien.

Cette approche a créé le terrorisme palestinien aveugle, ou en a créé le pretexte. Arafat en a usé et abusé. Et cette approche fait qu’aujourd’hui, Israel est embourbé dans une crise multi-dimensionnelle qui menace l’avenir de l’entreprise sioniste.