Ha’aretz, 25 avril 2008

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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Huit mois après que la Haute cour de Justice a ordonné à l’Etat de détruire le segment de la clôture de séparation près du village palestinien de Bil’in « dans un délai raisonnable », le ministère de la défense n’a toujours rien fait. Il n’a même pas commencé à planifier un tracé alternatif, ainsi que le tribunal le lui demandait.

Ces mesures ne font pas partie du plan de travail du ministère de la défense pour l’année 2008. Un porte-parole du ministère, Shlomo Dror, a affirmé hier que cette absence découle de contraintes budgétaires et qu’il espérait que cette planification ferait partie du plan de travail de 2009 – soit un an et quart après la décision de la Cour, pour le moins.

En septembre 2007, la Haute cour avait jugé qu’un segment long de 1,7 km de la clôture près de Bil’in devait être détruit et reconstruit selon un autre tracé [Voir [La Haute cour donne raison aux villageois de Bil’in (et à Shalom Akhshav) ]]. La Cour a également précisé dans ses attendus qu’Israël avait construit le segment en question sur une terre appartenant à des Palestiniens en évoquant de faux besoins en sécurité alors que l’objectif principal était de permettre l’expansion de la colonie voisine de Modi’in Illit. De plus, les juges avaient encore précisé que le tracé actuel était plus mauvais du point de vue topographique et qu’il mettait en danger les forces de sécurité qui patrouillaient dans cette zone.

Plus précisément encore, le jury, présidé par la présidente de la Cour suprême Dorit Beinisch, avaient jugé que le tracé actuel avait été conçu pour inclure du côté israélien le quartier en construction de Matityahou-Est [Sur ce quartier et les irrégularités qui le caractérisent, voir [l’enquête d’Akiva Eldar, réalisée dès janvier 2006 : ]]. En conséquence, les juges avaient ordonné que le tracé de remplacement soit conçu sans tenir compte des plans de développement de cette colonie.

En dépit de tout cela, des entrepreneurs ont récemment commencé à poser les fondations en vue de construire la partie est de ce quartier, sur une terre dont la Haute cour a jugé qu’elle devrait se situer à l’est de la clôture de sécurité.

Actuellement, le tracé de la clôture court à travers 26 hectares de terres de Bil’in. 16 autres hectares sont pris au piège entre la clôture et la ligne Verte. Ces dernières années, cette portion de la clôture est le lieu de manifestations d’habitants de Bil’in et de militants de gauche, israéliens et étrangers, qui protestent contre les difficultés qu’elle crée pour les Palestiniens . Les heurts ont été fréquents entre les manifestants et les forces de sécurité, avec parfois pour résultat des blessures des deux côtés.

L’avocat des villageois [et de Shalom Akhshav, ndt], Michael Sfard, menace d’entamer une procédure judiciaire contre le ministre de la défense et l’officier chargé la Cisjordanie pour ne pas avoir agi en la matière. Dans une lettre adressée il y a quelques jours au vice-procureur général Mike Blass, Me Sfard écrit qu’il le poursuivrait pour outrage au tribunal, à moins de recevoir avant la fin de la semaine une explication pour le retard pris dans la conception d’un tracé de remplacement. Il exige également que le ministère de la défense présente dès ce mois un tracé qui respecte les critères définis par la Haute cour.

« Il est difficile de se débarrasser de l’impression … que les défendeurs [les autorités israéliennes, A.E.] choisissent de jouer au plus fin avec le jugement de la Haute cour et de faire durer la procédure jusqu’à ce que les modifications apportées sur le terrain rendent son application impossible », écrit Sfard. Il ajoute que les habitants et les agriculteurs de Bil’in « continuent de vivre un enfer quand ils tentent d’aller sur leurs terres, censées être, d’après le jugement du tribunal, de ‘leur’ côté de la clôture. »

En trois autres endroits de Cisjordanie, Israël n’a pas modifié le tracé de la clôture malgré les injonctions de la Haute cour : dans la région d’Alfei Menashe, à Tzofin (Azoun) et à Hashmonaim (Na’alin). Le ministère de justice a fait savoir que les officiels concernés par cette affaire ne pouvaient pas être joints pour commentaire en raison des vacances de Pessah (Pâque).