«En ces heures difficiles», dit le président Rivlin en conclusion d’une longue oraison funèbre bouleversée et bouleversante, «j’ai appris combien nous sommes véritablement un peuple». Et de poursuivre: «Il a été beaucoup dit depuis les meurtres, sur la question de l’immigration en Israël de la judaïcité française. Mes chers frères et sœurs, citoyens juifs de France, vous êtes les bienvenus. Notre pays est le vôtre, notre maison est la vôtre, et nous aspirons à tous vous voir vous installer en Sion.

Cependant, votre retour au foyer de vos ancêtres ne doit pas résulter de la détresse, du désespoir, de la destruction, des affres de la terreur et de la peur. La terreur ne nous a jamais mis à terre, et nous ne voulons pas que la terreur vous soumette. La terre d’Israël est la terre du choix. Nous voulons que vous choisissiez Israël par amour pour Israël.

Chères familles, à côté des tombes de ceux que vous aimiez, nous jurons de continuer à nous battre pour votre droit de vivre en Juifs – où que vous soyez.»


Chères familles [des victimes],

Yoav, Yohan, Philippe, François-Michel, ce n’est pas ainsi que nous espérions vous accueillir en Israël. Ce n’est pas ainsi que nous espérions votre venue en Terre d’Israël, pas ainsi que nous espérions vous voir arriver à la maison, dans l’État d’Israël et à Jérusalem, sa capitale. Nous vous voulions vivant, ce que nous voulions pour vous, c’est la vie.

En des moments comme ceux-ci, je me tiens devant vous le cœur brisé, bouleversé et douloureux, et la nation tout entière est là avec moi.

[Suivent les hommages à chacun des quatre Juifs assassinés vendredi dernier.]

Chères familles, peuple d’Israël, Philippe Braham, Yoav Hattab, Yohan Cohen et François-Michel Saada, ont été assassinés à l’orée du Shabbat dans un supermarché casher de Paris, de sang-froid, parce qu’ils étaient juifs. Le meurtrier s’est assuré qu’il se trouvait dans un magasin casher, et ce n’est qu’alors qu’il a mis le massacre à exécution. Ce fut le mal à l’état brut, venimeux, qui appelle en nos mémoires les pires de nos souvenirs. C’est de la pure haine des Juifs ; fanatique, obscure et préméditée, cherchant à frapper partout où il y a de la vie juive. À Paris, à Jérusalem, Toulouse, et Tel-Aviv. À Bruxelles, et à Mumbaï. Dans les rues, et dans les synagogues. Dans les écoles et au marché, dans les gares et dans les musées.

Comme beaucoup, j’ai regardé les millions de personnes qui marchaient dans les rues de France. C’était une démonstration de solidarité profonde qui m’a réchauffé le cœur. Alors que ces semaines et ces mois derniers ont prouvé que la terreur ne distingue pas entre sang et sang, nous ne pouvons échapper au fait que ce terrorisme vise explicitement le peuple juif. Ceux qui portent des tsitsith [les franges rituelles], des kippoth [les calottes], ceux qui mangent casher, prient à la synagogue, les étudiants de la Torah.

Il serait périlleux de nier qu’il est là question d’antisémitisme, ancien ou nouveau. Quels que soient les mobiles malades des terroristes, il incombe aux dirigeants européens d’agir, et de prendre des mesures fermes afin de redonner aux Juifs d’Europe un sentiment de sécurité et de protection; à Toulouse, à Paris, à Bruxelles ou en Bulgarie.

Nous ne pouvons permettre qu’en 2015, soixante-dix ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les Juifs aient peur de marcher dans les rues d’Europe avec des kippoth et des tsitsith. Il ne peut se faire que nous voyions fréquemment aux infos des cimetières juifs vandalisés, des Juifs frappés, des synagogues et des communautés agressées. Il n’est plus possible de traiter cela par le mépris ou de rester dans l’ambiguïté, voire d’user de faiblesse ou d’indulgence contre des incitations rageuses à l’antisémitisme. L’ignorance et la violence ne s’évanouiront pas tout simplement d’elles-mêmes.

Mes frères et mes sœurs, membres de la communauté juive de France, nous avons assisté récemment à un renforcement et un resserrement des liens forts, vibrants, entre la communauté juive de France et l’État et les citoyens d’Israël. Ces liens forts et proches s’expriment par temps de joie et par temps de deuil, aux jours bons et mauvais…

[Le président rappelle ici les funérailles en ce même lieu des victimes de l’école Otser haTorah de Toulouse.]

En ces heures difficiles, j’ai appris combien nous sommes véritablement un peuple. J’ai compris combien il est important que nous restions ensemble et proches, indépendamment de la distance géographique.

Et aujourd’hui aussi, nous sommes frères, membres d’une même famille, courbant la tête, pleurant des larmes de douleur. Un lien qui ne saurait être dénoué par le temps ou la distance. Un lien spirituel et un lien de sang.

Il a été beaucoup dit depuis les meurtres, sur la question de l’immigration en Israël de la judaïcité française. Mes chers frères et sœurs, citoyens juifs de France, vous êtes les bienvenus. Notre pays est le vôtre, notre maison est la vôtre, et nous aspirons à tous vous voir vous installer en Sion.

Cependant, votre retour au foyer de vos ancêtres ne doit pas résulter de la détresse, du désespoir, de la destruction, des affres de la terreur et de la peur. La terreur ne nous a jamais mis à terre, et nous ne voulons pas que la terreur vous soumette. La terre d’Israël est la terre du choix. Nous voulons que vous choisissiez Israël par amour pour Israël.

Chères familles, à côté des tombes de ceux que vous aimiez, nous jurons de continuer à nous battre pour votre droit de vivre en Juifs – où que vous soyez. Nous continuerons à nous battre pour votre droit de faire fièrement fleurir les synagogues, d’éduquer vos enfants dans l’étude de la Torah, l’amour d’Israël et le sens des responsabilités envers le monde qui les entoure.

Le sang des Juifs ne coule pas en vain. Le sang des hommes ne coule pas en vain. La terre ne couvrira pas le sang, rien ne soulagera la douleur. Ici, entre les monts de Jérusalem, au mont des Répits, nous enterrons nos frères venus de loin, nos frères, fils de la France, mais aussi fils de Jérusalem. Leur mémoire soit bénie.