« L’Arabie saoudite devrait réexaminer son initiative surprise de 2002 en poussant les quatre États arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël à faire pression en faveur d’une paix appropriée. Une paix qui inclut les Palestiniens. »

Traduction : Jacqueline London pour LPM
Auteur : Yossi Beilin pour Haaretz, 22 septembre 2020
Photo : Saudi Arabia’s King Salman bin Abdulaziz Al Saud attends the 28th Ordinary Summit of the Arab League at the Dead Sea, Jordan March 29, 2017Credit: MOHAMMAD HAMED/REUTERS

https://www.haaretz.com/misc/article-print-page/.premium-it-s-time-for-arab-states-to-drop-another-bombshell-on-israel-1.9173482

Mis en ligne le 11 octobre 2020


L’Initiative arabe de paix de 2002 a fait l’effet d’une bombe : elle a été lancée dans le feu de la seconde Intifada, sur fond de violences persistantes entre Palestiniens et Israéliens. Cette violence a éclaté un jour après la « visite » provocante dans l’enceinte du Mont du Temple/Al Aqsa du chef de l’opposition de l’époque, Ariel Sharon, et d’un millier de partisans.

L’Initiative montrait la volonté de tous les membres de la Ligue arabe de faire la paix avec Israël et de normaliser les relations avec Israël, si Israël faisait la paix avec les Palestiniens, sur la base de la solution à deux États, et avec la Syrie (depuis évincée de la Ligue arabe).

L’Initiative arabe de paix a été très surprenante et a donné une réponse écrasante à la principale revendication de la droite en Israël : le cœur du conflit au Moyen-Orient est le refus absolu des États arabes de reconnaître Israël, et non le différend territorial entre Israël et les Palestiniens. Soudain, à l’improviste, est venu le monde arabe qui a déclaré, comme un collectif, une volonté conditionnelle de reconnaître Israël.

Il y a d’abord eu l’Initiative saoudienne, née dans une interview accordée en février 2002 par le prince Abdallah d’Arabie Saoudite, alors héritier, à Thomas Friedman dans le New York Times. C’était une façon pour les Saoudiens de détourner le président George W. Bush de la démocratisation intérieure, sinon de la remplacer ? En quelques semaines, et avec peu de changements, l’Initiative saoudienne est devenue celle de la Ligue arabe.

Elle était aussi importante pour l’OLP, car l’autre objectif de l’Initiative était de préserver le pouvoir et l’unité du collectif arabe, en empêchant certains pays arabes qui avaient l’idée d’établir, indépendamment, des relations diplomatiques complètes avec Israël (comme la Mauritanie, qui avait fait exactement cela, en 1999) de le faire avant qu’il n’y ait un accord consensuel sur un accord de paix israélo-palestinien.

Le gouvernement israélien n’a pas tardé à rejeter l’Initiative, en la lisant comme l’intention de « détruire Israël », selon Sharon.

Mais l’Initiative arabe n’était pas une promesse éternelle. Au fil des ans, de plus en plus de pays arabes ont développé des relations secrètes avec Israël pour bénéficier de sa proximité stratégique avec les États-Unis, de ses réalisations technologiques et de sa puissance militaire, dans le cadre d’une coalition contre des ennemis communs dans la région. L’Initiative arabe de paix était devenue un obstacle sur le chemin d’une coopération pleine et ouverte avec Israël, qui n’avait jamais été leur véritable ennemi.

La possibilité de présenter la normalisation comme un compromis, afin de convaincre Israël de ne pas annexer unilatéralement une partie de la Cisjordanie, était une bonne façon de justifier quelque chose qu’ils voulaient faire avec ou sans excuse.

C’est dans ce contexte que les accords de normalisation entre Israël et les Émirats arabes unis et le Bahreïn, ont été signés à Washington la semaine dernière.

L’Arabie Saoudite soutient ces décisions, même de manière réticente (il semble peu probable que les Émirats arabes unis et sans aucun doute le Bahreïn – n’aient pris ces décisions aussi audacieuses sans son acquiescement) ; l’Arabie Saoudite continue de déclarer qu’elle est totalement attachée à l’Initiative arabe. Mais les Saoudiens comprennent parfaitement que l’Initiative est fondée à la fois sur une action collective unanime et sur une conditionnalité qui toutes deux n’existent plus, qu’ils le veuillent ou non.

Les décisions de normaliser les relations avec Israël, de mettre fin au boycott anti-israélien et de déclarer une politique de ciel ouvert pour les vols israéliens sont historiques et très conséquentes pour Israël.

Mais nous devons garder à l’esprit qu’ils ne peuvent et ne doivent pas contourner la nécessité d’une solution pacifique avec les Palestiniens, basée sur deux États, sous l’égide d’une confédération ou sans elle.

C’est la seule façon pour nous de garantir qu’une minorité juive ne dominera pas une majorité arabe à l’avenir. Aucune paix avec un autre État arabe ni avec aucun des nombreux d’États arabes ne peut nous en assurer.

Pour les Palestiniens, c’est le seul moyen de mettre fin à l’occupation et d’obtenir l’indépendance. Ils doivent aussi s’adapter à la nouvelle réalité : ils doivent cesser de traiter les artisans de la paix de « traîtres », mais plutôt utiliser le fait qu’il y a aujourd’hui quatre pays importants de la Ligue arabe qui ont fait la paix avec Israël, et que ce bloc peut et doit devenir un lobby dédié à une paix israélo-palestinienne.

L’Initiative arabe de paix n’est plus pertinente aujourd’hui dans sa formulation initiale en tant que promesse de normaliser les relations avec Israël à condition qu’il fasse la paix avec les Palestiniens. Mais l’Initiative arabe a joué un rôle important en montrant aux deux parties qu’il était possible de progresser vers un horizon pacifique.

Maintenant, l’Initiative arabe de paix devrait évoluer en un groupe de pression intensive pour la paix, soutenu par des personnes ayant de bonnes relations avec les deux parties israélienne et palestinienne, et capables de faire la navette entre elles, de leur parler sérieusement, et d’aider chacune des deux parties à accomplir les efforts supplémentaires vers la paix.