article en anglais sur le site d’Haaretz

Difficile de trouver un seul Palestinien dans les territoires qui pense
qu’Israel changera vraiment de politique

« Si le barrage de Qalandiyah reste en place, il n’y aura aucune possibilite
de treve », dit Hatam Abed al-Kader, membre du Conseil Legislatif Palestinien
(CLP), elu de Jerusalem.

Les deputes du CLP disposent d’un modeste bureau a Beit Hanina, sur la route
principale qui mene de Jerusalem a Ramallah, et c’est la qu’Abed al-Kader
recoit ses electeurs. Le bureau est situe entre le barrage Hadoar (Dahiyat
al-Barid) au nord, et celui de Qalandiyah au sud, en d’autres termes, entre
deux barrages sur la route principale, et a la fin de notre conversation, il
sort pour montrer a ses invites une nouvelle route par laquelle les
possesseurs d’une carte d’identite israelienne peuvent contourner le barrage
sud.

Ce que dit Abed al-Kader ne signifie pas que l’Autorite palestinienne et le
Hamas n’arriveront a un accord, officiel ou non, concernant une sorte de
cessez-le-feu. Pendant tout ce week-end, toutes les sources palestiniennes
ont systematiquement rapporte qu’un accord etait proche. Il est vrai qu’il y
a eu des retards, pour diverses raisons, mais un accord sur les principaux
points est deja acquis. On sait meme que l’accord sera nomme « declaration du
Caire » (au moins si l’on en croit le bulletin officiel de l’Autorite
palestinienne, Al-Hayat al-Jedida).

Le probleme est qu’il est difficile de trouver un seul Palestinien dans les
territoires qui pense que, dans les circonstances actuelles, un veritable
cessez-le-feu soit possible.
Formulons cela autrement : il est quasiment certain que l’Autorite
palestinienne et les mouvements d’opposition, emmenes par le Hamas, se
mettront d’accord sur tel ou tel document signifiant une treve, mais les
Palestiniens sont surs que le gouvernement israelien ne changera pas de
politique dans les territoires et que, donc, les violences ne sonnaitront
pas d’accalmie. La treve ne prendra simplement jamais effet.

« Ce que nous constatons sur le terrain », ecrivait l’hedomadaire palestinien
Jerusalem Times dans son editorial de vendredi dernier, « ce sont de plus en
plus de mesures prises par Israel pour ajouter aux difficultes que les
Palestiniens vivent deja, plus de gens tues, plus de demolitions, plus
d’humiliations, plus de colonies, plus de murs de separation, plus de
checkpoints, plus de prisonniers. » Ce week-end, les medias palestiniens ont
qualifie la vague d’arrestations de la semaine derniere a Hebron « la plus
importante depuis 1967 » (150 personnes arretees, selon Al-Quds), et les
journaux ont publie des photos montrant l’humiliation subie par des dizaines
de jeunes Arabes conduits en rangs, les yeux bandes, vers des zones de
detention entourees de barbeles.

Ce qu’Israel nomme des « gestes » envers les Palestiniens sont percus par les
Palestiniens comme une plaisanterie. Pour chaque avant-poste evacue en
fanfare, d’autres sont construits « discretement » (comme Ariel Sharon l’a
recommande). Et pour chaque detenu administratif libere, des dizaines
d’autres sont arretes.

Abed al-Kader a participe aux negociations sur le cessez-le-feu. Il vient
d’une famille de refugies (de Salameh, maintenant Kfar Shalem), et est
membre du Conseil supreme du Fatah en Cisjordanie, dirige par Marwan
Barghouti. Beaucoup savent depuis un bon moment que depuis sa cellule en
Israel, Barghouti tente d’impulser un processus tendant a conduire les
differentes fractions palestiniennes d’opposition a accepter une treve. Il y
a six mois, l’avocat de Barghouti, Khader Shkeirat, a participe a plusieurs
rencontres dans le contexte des discussions sur un cessez-le-feu menees
alors par toutes les factions palestiniennes sous la direction du chef des
services secrets egyptiens, le general Omar Suleiman. Abed al-Kader s’est
rendu a l’epoque a Damas, porteur d’un message de Barghouti aux leaders du
Hamas et du Jihad islamique. Mais l’essentiel de l’activite de Barghouti a
eu lieu cette derniere semaine, quand deux de ses emissaires, le depute du
CLP Kadoura Fares de Ramallah et le militant du Fatah de Jerusalem Ahmed
Ghanem, ont rencontre les leaders du Hamas et du Jihad islamique pour les
convaincre, au nom de Barghouti, d’accepter une treve.

C’est dans ce contexte qu’a couru la semaine derniere la rumeur d’une
liberation imminente de Barghouti, dans le cadre dun accord de treve. La
source de cette rumeur etait Yasser Arafat lui-meme, qui telephona un soir a
Fadwa Barghouti pour l’informer que son mari allait etre libere dans les 48
heures. Un Marwan Bargouti libre devait alors persuader les membres du Hamas
et du Jihad, ainsi que ceux de la Brigade des Martyrs d’Al-Aqsa, de deposer
les armes et de cesser les attaques contre Israel. Selon des sources
palestiniennes, le deal propose par Israel etait qu’en echange de la
liberation de Barghouti, les Egyptiens libereraient l’Israelien Azzam Azzam
(condamne et emprisonne pour espionnage, ndt). Mais, au bout du compte, les
deux cotes annoncerent que le deal etait impossible. Les Egyptiens dirent
que leur legislation ne leur permettait pas deliberer Azzam Azzam, et a
Jerusalem, le procureur general, Elyakim Rubinstein, recommanda vivement et
publiquement a Ariel Sharon de ne pas liberer Barghouti. Arafat, qui voulait
etre percu comme le heros qui avait obtenu la liberation de Barghouti, finit
par embarrasser meme ses plus fideles partisans.

Comme touts les dirigeants du Fatah dans les territoires, Abed al-Kader sent
que son mouvement (le parti qui dirige l’Autorite palestinienne) a perdu
une bonne part de son statut. « Ariel Sharon controle la popularite et le
prestige des leaders palestiniens », dit-il. Le dernier exemple en date est
celui d’Abed Aziz Rantisi du Hamas. Tout le monde s’accorde a dire qu’il est
actuellement le leader palestinien le plus populaire, et il doit sa
popularite a Israel, qui a tente de l’assassiner. En revanche, le leader qui
souffre du plus grand rejet dans les territoires aujourd’hui est celui qui a
recu quelques compliments de la part d’Israel (et des Americains) : le
Premier ministre palestinien Mahmoud Abbas (Abou Mazen), qui pratiquement en
une nuit est devenu quelqu’un qu’on denigre a chaque coin de rue en
Palestine.

« Abou Mazen a achete, et tente maintenant de vendre, l’odeur de la
nourriture, mais pas une veritable nourriture, et il nous laisse sur notre
faim », dit Abed al-Kader, qui repete ce qu’il entend de tous les cotes. Les
dirigeants du Fatah et de l’Autorite palestinienne, dit-il, entrent dans les
negociations avec le Hamas et les autres factions comme quelqu’un qui va au
marche sans un sou en poche. En d’autres termes, l’opinion palestinienne
pense dans son ensemble que sans des garanties de securite americaines et
internationales pour que cessent les operations israeliennes en Cisjordanie
et a Gaza, il sera impossible d’echapper au cycle de la violence.

Tawfiq Abou Bachar, depute du CLP qui vit en Jordanie, a declare le
week-end dernier que meme le gouvernement israelien ne croyait pas a la
treve : il pense que le Hamas n’acceptera un cessez-le-feu que pour gagner
du temps afin de se reconstituer et rassembler ses forces en vue du prochain
round. Il est donc clair pour les Palestiniens que les Israeliens, qui
soupconnent que la treve ne sera qu’un stratageme, ne demanteleront pas le
barrage de Qalandyah. Et pour Hatam Abed-al-Kader, si le barrage reste en
place, il n’y aura pas de treve.